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Le net s’est enflammé depuis l’information, révélée voici une semaine, du projet du gouvernement visant à injecter de l’argent public pour sauver Bankia, la quatrième banque du pays et l’institution financière la plus exposée au marché immobilier. Depuis le début de la crise en 2008, l’État a déjà versé 33 milliards d’euros à Bankia. Le plan de sauvetage actuel pourrait atteindre les 10 milliards d’euros.
Cette annonce a été faite le même jour que celle de la démission du président de l’institution, Rodrigo Rato, ancien ministre de l'Économie du gouvernement Aznar et ancien président du Fonds monétaire international. Cela faisait deux ans que Rodrigo Rato exerçait des activités de gestionnaire, d'abord à Caja Madrid, puis à Bankia, établissement créé en 2010 suite à la fusion de sept caisses d’épargne. Son travail lui a permis de gagné 2,34 millions d'euros l’année dernière et l'abandon de ses fonctions lui donne droit à une indemnisation de 1,2 millions d'euro. Pour sa succession, il a recommandé José Ignacio Goirigolzarri, qui avait quitté la BBVA (Banco Bilbao Vizcaya Argentaria) en 2009 au bénéfice d'indemnités à vie s'élevant à plus de 3 millions d'euros bruts.
« Bankia, les rats abandonnent le navire », tel est le titre d'un billet publié sur El blog Salmón, qui a circulé sur Internet.
Rodrigo Rato ne part pas les mains vides. Le butin qu’il amasse en partant atteint la honteuse somme de 1,2 millions d'euro. Excusez mon innocence, mais cela fait partie des choses que jamais je ne pourrai comprendre : il prend la tête d’une caisse en faillite, gère l’institution si mal que sa situation empire, part lorsque celle-ci est désespérée coûtant à la population autant que les coupes dans les secteurs de la santé et de l’éducation et il s’en va en empochant une telle indemnisation.
Les réactions à cette annonce ne se sont pas fait attendre et se sont succédées tout au long de la semaine passée. Parmi les mots-clics, utilisés par les Espagnols sur Twitter pour exprimer leur opinion sur le sujet, nous relèverons #NiUnEuroMas et #Bankia. Il faut dire que les raisons d’être en colère son nombreuses. Comme le rappelle un billet du site Madrilonia.org intitulé « Lorsque les rats fuient Bankia, il est l’heure de prendre Bankia », cette institution compte le plus grand nombre d'hypothèques dans la communauté de Madrid et est l’une des plus en cause dans les expulsions de familles ne pouvant plus payer leur hypothèque :
Caja Madrid, et maintenant Bankia, ont grossi grâce à notre argent : nos économies, nos hypothèques, nos quelques actions et désormais nos maisons, volées après nous avoir expulsés (Bankia est l'une des banques ayant procédé au plus grand nombre d'expulsions) et l’argent public. Des propositions de nationalisation ont déjà été formulées, puisque nous payons déjà tout, empêchons au moins que ce soit d'autres personnes qui empochent les bénéfices.
Des nombreux tweets dénoncent le fait que non seulement la somme prévue pour sauve Bankia est supérieure à la part du budget public destiné aux secteurs de l'éducation et de la santé, et qu’en plus, elle correspond aux coupes budgétaires réalisées dans ces mêmes secteurs.
Voici une sélection de tweets publiés depuis la semaine dernière. Souvent, leurs auteurs traitent le thème avec humour.
LoveWillTearUsAznar
@lwtuaznar : Et vendre des fringues pour sauver Bankia, vous en dites quoi ? Des habits de toute beauté http://pic.twitter.com/4b00MpRf
Dark Vader
@pistatxin78 :
#Bankia Pourquoi demander seulement 10 milliards ? Demandez-en 14 et vous pouvez directement couvrir les frais d’aménagement…
http://pic.twitter.com/M5TinsNI
Raul Gonzalez @Raulexio : #Bankia Les mains en l’air, ceci est un hold-up !
Jose Sanclemente @josesanclemente : Combien de TVA devront nous payer, combien d'ordonnances médicales, de lits d’hôpitaux et de salles de classe passeront à la trappe… pour donner 10 milliards à Bankia ?
Pilar Marroyo @pilar_marroyo : Le gouvernement sauve Bankia et ses dirigeant millionnaires. Que penseront ceux dont les affaires ont coulé et qui n’ont reçu aucune aide ?
Joan Baldoví i Roda @joanbaldovi: Budget éducation + santé en 2012 : 5,397 millards d’euros. Sauvetage de Bankia : 7 milliards d’euros. #hagamoscomoislandia
Toret @Toret: #HagamoscomoIslandia. Pas un euro de plus pour les banques, une procédure judiciaire pour juger les coupables de la crise et une constitution écrite par les citoyens !
Ángel @A_Cas : Si Bankia pèse 3 milliards en bourse et nous lui injectons 8 milliars, elle ne devient pas publique de facto ?
Jéssica Remón @jess_rr : Coupes budgétaires dans les secteurs de l’éducation et de la santé : 10 milliards, sauvetage de Bankia : 11,5 milliards, que quelqu'un m’explique ! #NiunEuroMas
Mrs. ∞ ßϒξn @bren_oo7: #NiUnEuroMas Il va falloir garder les millions sous nos matelas, ils sont plus en sécurité que dans les coffres-forts d’une banque.
Renta Básica @Renta_Basica : Si on répartissait l’argent du sauvetage de Bankia entre toutes les familles qui se sont fait expulser, chacune toucherait plus 20 000 €. #ConElDineroDeBankia #NiUnEuroMas
Peich @_Peich: Létale est l’injection dont #Bankia a besoin.
Miquel Roig @miquelroig : Hum… Selon #BFA, #Bankia pèse 24 milliards, selon #Deloitte 17 milliards et selon le marché 4,3 milliards.
Le journaliste Ignacio Escolar a rédigé sur son blog un billet intitulé El agujero de Bankia en cinco cifras que se entienden (« Le trou de Bankia en 5 chiffres compréhensibles ») :
4,6 milliards d'euros. Voilà la valeur boursière de Bankia selon les chiffres d’hier. C’est-à-dire que les marchés lui attribuent une valeur qui correspond à un tiers de ce que l’État devra injecter pour remettre à flots l’institution financière et la BFA, dont elle dépend, qui est une sorte de mauvaise banque où le génie financier de Rodrigo Rato a stocké tous les actifs immobiliers pourris, sur conseil de la MAFO, pour voir si elle allait supporter. Cette poudrière abrite 30 milliards en actifs toxiques, soit 3 % du PIB national ou encore l’équivalent des coupes budgétaires réalisées cette année. Ce chiffre comprend aussi 5 milliards de terrains, un patrimoine qui s’est encore plus dévalué. Il est évident que la probabilité de revoir cet argent public est très mince.
Le quotidien conservateur La Vanguardia a demandé à ses lecteurs, dans un sondage en ligne, s’il sont d’accord avec le plan d’assainissement de Bankia. Jusqu’à présent, 10 353 personnes ont répondu et 93 % désapprouve cette décision.