Amina Filali, une jeune Marocaine de 16 ans, s’est suicidée [français] au Maroc au mois de mars 2012 après son mariage forcé avec son violeur, et les Marocains ont exprimé leur colère [français] après le drame. C’est au tour des Jordaniens de s’exprimer sur l’histoire d’une victime de 15 ans qui a été mariée à l’homme reconnu coupable de l’avoir violée et dont la condamnation à mort a été annulée en conséquence.
Cette annulation est possible sous l’Article 308 du code pénal jordanien qui autorise la libération de tout agresseur reconnu coupable de viol s’il épouse sa victime. Une campagne a débuté pour faire abolir cette loi.
Le blogueur Naseem Tarawnah résume l'histoire [anglais] qui a suscité la colère des Jordaniens :
Un Jordanien de 19 ans kidnappe (avec l'aide de sa famille) une adolescente de 14 ans – l'emmène à un endroit où une tente a été installée afin de lui permettre de la violer à plusieurs reprises ; ces viols n’ont cessé qu’avec l’intervention de la police trois jours après. Il a été condamné à la pendaison, mais il parvient à produire un certificat de mariage tout récent signé d’un juge. Le tribunal suspend l'exécution, mais prétend qu'elle sera réintroduite si l’homme répudie sa femme sans « motif valable ». L’article d’un professeur de sociologie de l'Université de Jordanie écrit pour Arab Al Yawm a été largement cité : « les femmes sont différentes par nature des hommes » et l’adolescente doit maintenant retourner la situation à son profit en oubliant ce viol stupide et ainsi devenir une bonne épouse.
Les utilisateurs de Twitter en Jordanie ont condamné l'Article 308 et ont exprimé leur indignation face à la manière dont les criminels peuvent échapper à toute punition, tandis que leurs victimes sont bel et bien punies. Les militants et les Jordaniens vigilants ont tweeté sur l’Article 308 sous le mot-clé #جريمة308(#Crime308) [arabe] pour sensibiliser et attirer du soutien pour une pétition visant à obtenir 20 000 signatures [arabe] contre cet Article 308 :
نعلن رفضنا القاطع لما يطال النساء المغتـَـصبات من جرائم مركـّبة تحت مسمى العقوبات المخففة التي يوفرها القانون للمغتصب، ونسجل مواقفنا الرافضة لتخفيف العقوبة عن المجرمين، وتضييع حق الضحية والمجتمع تحت حماية القانون
La pétition réclame également des peines plus strictes pour les agressions sexuelles et l'annulation de la catégorie elle-même. En Jordanie, l'agression sexuelle est un acte sexuel sous la contrainte sauf lorsqu’il s’agit d’une pénétration vaginale sans consentement, qui est le seul acte juridiquement considéré comme viol. Par conséquent, le viol d'un homme n'est pas légalement considéré comme un viol, pas plus que la pénétration anale d'une femme.
Les tweets sous le mot-clé #Crime308 ont essentiellement porté sur le coût personnel et social de l'article 308 et a souligné ses faiblesses.
Zain a tweeté :
@ZainMN: القوانين يجب أن تكون علاجاً لآفات المجتمع وليس تجسيداً لمفاهيم و ممارسات الظلم فيه.
Abd Ashhab écrit :
@abdashhab: جريمة 308 فن تحطيم شرف و مستقبلها البنت و كرامة عائلة و الدعس على مجتمع و بالآخر تبرئة الجاني
Hadeel Abdel Aziz, Directeur exécutif du Centre jordanien d’aide juridique affirme :
@hadilaziz: لن نسمح بمعاقبة الضحية ولن نسمح بافلات المغتصب من العقوبة سنعمل على تعديل قانون العقوبات
Raffoul H. Abubaida écrit :
@Raffoul: #جريمة308 معالجة ذيل المشكلة بعد الاغتصاب دون التفكير بان الاصل منع الاغتصاب ابتداءا وذلك بوضع العقوبة الرادعة
Hadeel Maaitah a tweeté :
@girl_brainy : Imaginez que tweeter une fois par jour sous ce mot-clé sauve une victime ! Les efforts cumulés sauveront les victimes et empêcheront que d’autres filles ne le deviennent.
La campagne contre l'article 308 a été lancée il y a juste quelques semaines, mais il y a déjà eu deux réunions de volontaires, la pétition a réuni plus de 2 000 signatures et la couverture médiatique est considérable. La campagne n’est pas active que sur Twitter, elle est également présente sur Facebook.
Les médias sociaux ont permis d'obtenir le soutien de personnalités comme le chef de la Commission nationale jordanienne pour les femmes, un ex-ministre et un député. Cependant, l'indignation des Jordaniens face à cette injustice doit encore porter ses fruits par la suppression de l'Article 308. Il y a de grands espoirs que cet objectif soit atteint avant que la Jordanie n’ait sa propre Amina Filali.