[Liens en espagnol] Le mardi 15 mai 2012, la majorité des habitants de Bogota ont vécu une journée tendue et éprouvante. Cette journée a en effet commencé par un attentat à la voiture piégée que les autorités ont pu désamorcer, dans le quartier Eduardo Santos, tout près du siège de la police municipale de Bogota. Quelques heures plus tard, alors que commençaient des manifestations (qui ont fait 3 blessés) à l'Université nationale de Colombie contre l'entrée en vigueur du traité de libre échange avec les Etats-Unis, une bombe a explosé dans l'avenue Caracas et la 74ème rue, au nord de Bogota.
Les toutes premières informations indiquaient que la bombe avait explosé dans un bus mais au fil du temps, il s'est avéré qu'une bombe magnétique avait été laissée par un passant sur le capot de la voiture de l'ancien ministre de l'Intérieur Fernando Londoño Hoyos, un avocat et un politicien conservateur ayant occupé cette fonction durant les premières années de l'administration de l'ancien Président Álvaro Uribe Vélez. Deux de ses gardes du corps, le conducteur d'un bus (que l'on devait voir ensuite à l'hôpital) et deux autres personnes ont été déclarés morts bien qu'officiellement, il ait été assuré qu'il n'y avait que deux morts. Londoño a été emmené au service chirurgie d'un hôpital afin de procéder à l'extraction d'un morceau de métal qui s'était fiché dans sa poitrine.
Fernando Londoño a souvent fait l'objet de polémiques : il a d'abord été impliqué dans un scandale financier concernant les actions d'une entreprise pétrolière du nom d'Invercolsa et en 2004, il lui a été interdit de détenir des reponsabilités publiques pendant 15 ans suite à un conflit d'intérêt. Après avoir quitté le Ministère, il a lancé à la radio une émission intitulée L'heure de vérité dont le but était de soutenir les politiques de l'ancien Président Uribe et d'attaquer les FARC ainsi que d'autres mouvements de guérillas, de droite. Il écrivait aussi des articles pour les journaux El Tiempo et El Colombiano. Il a soutenu l'actuel Président Juan Manuel Santos durant les élections mais comme beaucoup de partisans proches d'Uribe, il s'est senti trahi et lutte maintenant contre beaucoup de ses politiques. La Fondation pour la Liberté de Presse (FLIP) a condamné l'attaque.
L'attentat a donné lieu à des milliers de réactions.
La journaliste Carolina Ruiz (@CaroRuizG) tweete :
Le terrorisme nous affecte tous, indépendamment de nos convictions politiques. Quelle ânerie de s'en rejeter la faute.
@JuliethBlues affirme:
Le pire qui pourrait arriver c'est que Londoño meure dans un attentat. On en ferait un martyr et cela donnerait à l'extrême-droite un impressionnant pouvoir.
Dan Gamboa Bohórquez (@larepuvlica) s'interroge sur les possibles raisons de l'attentat contre Londoño :
Fernando Londoño doit détenir des informations dangereuses. C'est l'unique raison d'attenter à la vie de quelqu'un qui ne fait pas l'actualité.
Richie (@MelisMatik) relie l'attaque aux autres évènements de la journée :
Très élaboré cet attentat. Si on l'additionne à la journée de manifestation et de vote du Cadre juridique pour la Paix … A qui peut bien s'adresser le message ?
(Londoño a consacré son dernier éditorial à la radio avant l'attentat à cette réforme.)
De nombreux twitteurs ont durement critiqué la couverture médiatique de l'attentat : (Avertissement: Les trois liens suivants renvoient à des sites contenant des photos pouvant heurter la sensibilité) les journaux dont ceux télévisés ont donné à voir des photos sanglantes des blessés, dont celle de Londoño et la principale chaîne de radio du pays a interviewé en direct la mère du chauffeur de Londoño, lors d'un entretien à sensation. @LaCaballero écrit :
Les journalistes des grands médias COLLABORENT avec le terrorisme. Ils contribuent à semer la peur, l'angoisse et la confusion.
Andrés Guerra Hoyos (@andresguerraho) tweete :
Le plus dur c'est d'entendre qu'il existe une partie du pays qui aujourd'hui est heureux de cet attentat à Bogota. C'est infâme.
Roberto S (@manoloparis_) critique quelques-unes des “théories” sur l'attentat :
C'est pour cela que les choses vont ainsi dans ce pays. Il ne manque plus, par Dieu, qu'un esprit tordu affirme que c'est un auto-attentat et les médias y feront écho.
Frustrée, Olga Cuartas (@Olpacu) tweete :
Nous ne sommes pas même capables de nous unir en tant que société pour rejeter un acte terroriste.
María (@lamarialeja) demande :
Sont-ils encore en train d'utiliser ce mensonge “nous, les gens de bien, nous sommes les plus nombreux”? Sans blague !
Enfin, @dianadaista réagit aux réactions (1, 2, 3) :
1) Les attentats sont multiples et très différents, allez savoir qui en est l'auteur. 2) Londoño et les autres qui ont été touchés sont des êtres humains, plaisanter sur eux ne vous rendra pas plus irrévérencieux et intéressant. 3) Quiconque se considère comme un journaliste ne peut émettre des jugements de valeur et des théories comme celles-ci: il y a les bars pour cela.
Dans la blogosphère, Aleyda Rodríguez de Pulso Social analyse la couverture médiatique des évènements au-delà des réactions dans les réseaux sociaux et Javier Moreno partage ses réflexions sur le sujet :
Promouvoir la confusion est toujours préférable. Ce qui importe c'est de soutenir la guerre active sur tous les fronts. Le jeu des accusations qui en découle est utile aux assassins car ceci génère une polarisation, de la méfiance et de l'agressivité. (…) Le message de l'explosion est public mais, dans le même temps, il parvient à son destinataire : chacun l'interprète à sa convenance et chaque interprétation est valide du fait qu'elle ne peut être réfutée. La menace est plus efficace et importante lorsqu'on ne sait pas d'où elle provient. Une menace sans signature est une menace dirigée contre tous.