Brésil : Les révélations de la vedette Xuxa lancent un débat sur les abus sexuels

[Liens en portugais] L'interview de Maria da Graça Meneghel diffusée dans la dernière édition de l'émission hebdomadaire “Fantástico” (NdT: équivalent du “Sept à Huit” dominical en France) a fait l'effet d'une bombe au Brésil. A l'âge de 49 ans, dont 26 de succès télévisuel,  Xuxa a parlé de sa carrière et de son succès, de sa famille, de ses histoires d'amours avec Pelé et Ayrton Senna, de la demande en mariage de Michael Jackson et a pris le pays par surprise en révélant qu'elle avait été victime d'abus sexuels jusqu'à son adolescence, dans un témoignage transcrit et publié sur de nombreux blogs :

Na minha infância até a minha adolescência, até os meus 13 anos de idade foi a última vez. Pelo fato de eu ser muito grande, chamar a atenção, eu fui abusada, então eu sei o que é. Eu sei o que uma criança sente. A gente sente vergonha, a gente não quer falar sobre isso. A gente acha que a gente é culpada. Eu sempre achei que eu estava fazendo alguma coisa: ou era minha roupa ou era o que eu fazia que chamava a atenção, porque não foi uma pessoa, foram algumas pessoas que fizeram isso. E em situações diferentes, em momentos diferentes da minha vida. Então ao invés de eu falar para as pessoas, eu tinha vergonha, me calava, me sentia mal, me sentia suja, me sentia errada. E se eu não tivesse uma mãe, se eu não tivesse o amor da minha mãe, eu teria ido embora, porque o medo de você ter aquelas sensações de novo, passar por tudo isso, é muito grande. Só que eu não falei pra minha mãe, eu não tinha essa coragem de falar com ela. E a maioria das crianças, dos adolescentes, passa por isso.

Dans mon enfance jusqu'à mon adolescence, jusqu'à mes 13 ans, ça a été la dernière fois. Parce que j'étais très grande, j'attirais l'attention, j'ai été violée, alors je sais ce que c'est. Je sais ce qu'une enfant peu sentir. On ressent de la honte, on ne veut pas en parler. On se sent coupable. J'ai toujours pensé que j'avais dû faire quelque chose (NdT: pour mériter ça): soit c'était mes habits soit ce que je faisais qui attirait l'attention, parce que ça n'a pas été qu'une personne, mais plusieurs personnes qui ont fait ça. Et dans des situations différentes, à des moments différents de ma vie. Alors plutôt que d'en parler, j'avais honte, je me taisais, je me sentais mal, je me sentais sale, je sentais que c'était moi qui étais dans l'erreur. Et s'il n'y avait pas eu ma mère, s'il n'y avait pas eu l'amour de ma mère, je me serais enfuie, parce qu'elle est très grande, la peur de sentir à nouveau ces sensations-là, d'avoir à supporter tout ça. Seulement je n'ai rien dit à ma mère, je n'ai pas eu ce courage de lui en parler. Et la majorité des enfants, des adolescent(e)s, endure tout ça.
Xuxa em entrevista ao fantástico

Capture d'écran d'un moment crucial de l'interview de Xuxa au Fantástico

La révélation a provoqué une avalanche de commentaires sur internet et jusque dans la matinée suivante, le nom de la présentatrice ainsi que plusieurs thèmes associés pointaient encore parmi les plus populaires de twitter. Luisa Clasen fait un résumé des réactions :

O quadro foi ao ar ontem, 20 de Maio, e no mesmo instante os trending topics foram tomados por várias hashtags relacionadas. Quando eram 20:30, a hashtag Xuxa já tava começando a decolar, com quase três mil mentions, e teve o pico às 22:39, com mais de 50.000 tuítes. […] Mesmo o assunto sendo sério, a rainha dos baixinhos já tinha conquistado a antipatia de vários tuiteiros por causa da conta dela (hoje administrada só pela assessoria), por isso os tuítes se dividem entre os que comentam, defendem e os que zoam, mas a maioria dos manolos queria mesmo era fazer piada. Na internet inteira, as opiniões se dividem.

La séquence a été diffusée hier, le 20 mai, et au même instant les trending topics de Twitter ont été envahi par plusieurs mots-clics s'y rapportant. A 20h30, le mot-clic Xuxa était déjà en train de décoller, avec presque trois mille mentions, et le pic a été atteint à 22h39, avec plus de 50 000 tweets. […] Bien qu'il s'agisse d'un sujet sérieux, la “reine des enfants” (NdT : l'équivalent d'une Dorothée au Brésil, mais en infiniment plus célèbre et influente) avait déjà provoqué l'antipathie de certains utilisateurs à cause de son compte en banque (administré aujourd'hui par un cabinet de conseil), raison pour laquelle les tweets se partagent entre ceux qui commentent, ceux qui la défendent et ceux qui s'en moquent, mais ce que voulait la majorité des mecs, c'était faire des blagues. Sur tout le réseau, les opinions sont partagés.

Même si les opinions quant aux motivations de la présentatrice divergent quelque peu, ils ne sont pas nombreux à nier que ce témoignage à une heure de très grande écoute ait mis en lumière un problème grave qui doit être débattu. Selon Sueli, “Xuxa a mis le doigt dans la plaie avec beaucoup de force” :

Infelizmente muitas mulheres tem casos de abuso sexual para contar, vividos na infância e na adolescência. Não raro se sentem culpadas, com medo e com vergonha de falar sobre um assunto que é tão íntimo, avassalador e que na maioria das vezes deixa sequelas por toda a vida. A violência sexual praticada contra crianças e adolescentes é um crime covarde principalmente porque cometido contra quem não tem condições de se defender. Além disso, na maioria dos casos é praticado por um adulto que faz parte da família ou que integra os círculos de amizade e de confiança da família. Xuxa em seu depoimento falou sobre três homens: todos conhecidos e de alguma forma frequentadores da sua casa. E geralmente é assim mesmo: padrinhos, pais, padrastos, noivos da tia, amigos do irmão.

Malheureusement, beaucoup de femmes ont des histoires d'abus sexuels à raconter, vécus soit pendant l'enfance, soit pendant l'adolescence. Il n'est pas rare qu'elles se sentent coupables, ayant peur et honte de parler d'un sujet tellement intime, monstrueux et qui laisse des séquelles pour toute la vie dans la majorité des cas. La violence sexuelle commise contre les enfants et les adolescent(e)s est un crime lâche principalement parce que dirigé contre quelqu'un qui ne peut pas se défendre. En plus, dans la majorité des cas il est commis par un adulte qui fait partie de la famille ou qui s'introduit dans le circuit des amis ou des gens de confiance de la famille. Dans son témoignage, Xuxa parle de trois hommes : tous des connaissances et dans un certain sens, des habitués de sa maison. C'est comme ça que ça se passe, en général : parrains, parents, beau-pères, fiancés de la tante, amis du frère.

Mesures pour combattre les abus

Entre janvier et avril de cette année, 34 142 dénonciations d'abus sexuel contre des enfants ont été recensées par Disk 100 (SOS 100), un service du Secrétariat national aux droits de l'Homme, le numéro à composer pour dénoncer un abus sexuel sur un enfant ou un(e) adolescent(e), de 8h00 à 22h00, 7/7 jours. Depuis 2011, le numéro constate une augmentation de 71% des dénonciations, signe que la conscientisation suit une courbe ascendante.

Avec ou sans l'aide de Xuxa, la mobilisation de la société ne devrait augmenter réellement qu'avec la parution de la loi nº 6719/2009, plus connue sous le nom de “Loi Joanna Maranhão”, proclamée vendredi par la présidente Dilma Rousseff. Cette loi allongera le délai de prescription des agressions sexuelles. Le choix de la date est symbolique : le 18 mai est la Journée national du combat contre l'abus et l'exploitation sexuelle des enfants et des adolescent(e)s. Xuxa a été invitée à être en la porte-parole.

Xuxa posa com cartaz da Campanha de Enfrentamento à Exploração Sexual de Crianças e Adolescentes

Xuxa posant avec l'affiche de la Campagne de combat contre l'exploitation sexuelle des enfants et des adolescent(e)s. Photo: Gustavo Velasco

Les témoignage de victimes célèbres sont d'un grand secours dans les campagnes de lutte contre l'abus sexuel sur mineurs, en provoquant un débat sur un problème beaucoup plus commun que ne pense la majorité des gens. Affirmant que l'heure est venue de laisser les dogmes et les préjugés de côté, la députée  Manuela D’Ávila souhaite qu'on laisse parler Xuxa, ainsi que toutes les autres “xuxas”, sans pour autant qu'elles se sentent coupables :

Para quem atua na área de Direitos humanos a confissão de sentimento de culpa pela violência sofrida é quase um atestado de veracidade. Por que? Porque a sociedade faz com que crianças e mulheres sintam-se responsáveis pelo abuso sofrido. Sedutora, assanhada, jeitinho de p_ _ _, assim dizem. E infelizmente, a repercursão debochada, irônica de muitos confirmou a tese. Independente da reação da vítima, se teve medo e calou, se gritou, se … Vítima é vítima!!! […] Sei que é muito bom para quem luta contra a exploração de mulheres que ela fale, que a sociedade debate, que se tire da escuridão crianças violentadas dentro de casa. a maior parte dos abusos são idênticos ao dela: dentro de casa, gente conhecida, anos de dor e silêncio, vítima sentindo-se culpada.

Pour qui à l'habitude d'intervenir dans le champ des droits de l'homme, le fait de voir quelqu'un se sentir coupable de la violence subie est quasiment une attestation de fait. Pourquoi ? Parce que la société agit de manière à ce que les enfants et les femmes se sentent responsables de la violence subie. Séductrice, un brin salope, un air de p—, comme ils disent. Et malheureusement, la réaction railleuse, ironique, de la plupart des internautes confirme la thèse. Indépendamment de la réaction de la victime, elle a eu peur et s'est tue, elle a crié, elle a… Une victime est une victime!!! […] Je sais que c'est très bon pour ceux qui luttent contre l'exploitation des femmes qu'elle parle (NdT: Xuxa), que la société en débatte, qu'on les tire de l'obscurité dans laquelle ils sont, les enfants violés à l'intérieur de leur maison. La plupart des abus sont identiques au sien (NdT: celui de Xuxa) : à l'intérieur du foyer, des gens connus, des années de douleur et de silence, des victimes qui se sentent coupable.

De plus, le témoignage de personnes célèbres donne aux autres victimes, le courage de parler. Après avoir beaucoup pleuré en lisant des commentaires sournois sur les réseaux sociaux, Sofia raconte sa propre histoire d'abus dans son enfance :

Agora, para tudo e pensa: mesmo que tenha sido por audiência ou por uma causa nobre, estamos todos hoje falando sobre algo importante – não exatamente a Xuxa, mas o abuso infantil. Poucos que não passaram por isso conseguem ter ideia de como isso pode ser doloroso. E aí é bem fácil fazer comentários imbecis e pejorativos. Quero falar sobre isso não só por ter passado por esta situação, mas por ter filhos e para poder alertar outras mães. […] E, por mais que ninguém queira falar sobre isso, por mais que todos finjam que isso não acontece na própria casa, o risco existe e muito pior é deixar que um filho carregue essa dor.

Maintenant stop, arrête tout et pense un peu : que ce soit pour faire de l'audience ou que ce soit pour une noble cause, nous sommes tous en train de parler aujourd'hui de quelque chose d'important – pas exactement de Xuxa, mais de la violence envers les enfants. Peu de gens, ceux qui n'en sont pas passé par là, parviennent à se faire une idée de combien ça peut être douloureux. Et alors c'est si facile de faire des commentaires imbéciles et péjoratifs. Je veux en parler non seulement parce que j'ai subi cette situation, mais parce que j'ai des enfants, et aussi afin de pouvoir alerter les autres mères. […] Et, pour autant qu'on ne veuille pas en parler, pour autant qu'on fasse comme si ça ne pouvait pas arriver dans sa propre maison, le risque existe bel et bien et il n'y a rien de pire que de laisser un enfant supporter tout seul cette douleur.

Aline pense que l'interview a donné une chance ainsi qu'un écho à pleins de petites filles et d'adolescentes qui souffrent quotidiennement d'abus sexuel:

Através de seu depoimento Xuxa pode ter salvo milhares de vidas que também se viram na mesma situação, mas superar é a única forma de mostrar a esses criminosos que apesar das adversidades e da impunidade, ser feliz e contar com o apoio da família, é o que mais importa.

Grâce à son témoignage, Xuxa peut avoir sauvé des milliers de vies qui se sont aussi retrouvées dans ces situations, mais s'en sortir est la seule manière de montrer à ces criminels que malgré l'adversité et l'impunité, être heureux et pouvoir compter sur le soutien de la famille est le plus important
Selo do Dia Nacional de Combate ao Abuso e à Exploração Sexual de Crianças e Adolescentes.

Bandeau de la Journée Nationale de combat contre l'abus et l'exploitation sexuel des enfants et des adolescent(e)s

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