Azerbaïdjan : “L'effet Eurovision” ne met pas fin aux arrestations

[Liens en anglais sauf indications contraire] Aujourd'hui samedi 26 mai aura lieu la finale du concours de chansons Eurovision, qui se tient cette année en Azerbaïdjan. La police de Bakou, la capitale, a interpellé des dizaines de manifestants qui protestaient contre les atteintes aux droits de l'Homme courantes dans cette ancienne république de l'Union Soviétique riche en pétrole. Selon certaines sources, le nombre de personnes détenues est supérieur à 30, selon d'autres, il atteindrait jusqu'à  60-70 personnes.

Quel que soit le chiffre exact, une chose est claire. Si l'Eurovision a déjà été un enjeu politique par le passé, avec des votes par blocs régionaux et des rivalités régionales comme avec l'Arménie, qui ont détérioré le bon esprit du concours, les controverses autour de cette finale atteignent de nouveaux sommets de virulence.

"Liberté d'expression en Azerbaidjan! Bakou le 24 may 2012! Que l'Eurovision commence !" Photo légendée de Mehman Huseynov

Liberté d'expression en Azerbaïdjan.

"regardez comment nous nous sommes préparés à l'Eurovision : voici comment la police traite les femmes ! Honte à vous !" Bakou, le 24 mai 2012. Photo légendée de Mehman Huseynov

"Cette photo reflète la situation en Azerbaïdjan !" Bakou 25 mai 2012. Photo légendée de Mehman Huseynov

@leylanajafli: qui sont ces policiers en civil ? Quand cela cessera-t-il ? Les policiers brutaux contre des manifestants pacifiques #azerbaijan http://on.fb.me/JBSCWN #eurovision

@adnanhajizada: @leylanajafli ils sont du ministère des Affaires intérieures

@sakitoglu: 60 #manifestants détenus aujourd'hui. Ils sont toujours en garde à vue.  #Azerbaijan #Eurovision

@newint: L'#Arménie s'est retirée,  les défenseurs des droits de l'Homme sont en colère… L'#Eurovision est aussi politisé qu'a l'accoutumée ! http://ow.ly/b92lc #Azerbaijan

Les médias étrangers ont publié de nombreuses enquêtes sur la situation des droits de l'Homme en Azerbaijan. Glennmcmahon470 commente l'augmentation de l'attention médiatique cette année.

On se moque depuis longtemps de L'Eurovision dans la plupart des pays d'Europe de l'ouest, de ses chansons pop bas de gamme et stéréotypées qui sont considérée comme indignes de nos goûts musicaux, et les spectateurs sont pour la plupart des adolescentes surexcitées et les gays.

Mais la finale de cette année en Azerbaïdjan est utilisée comme un occasion de mettre en lumière les abus contre les droits humains par les organisations de défense des droits de l'Homme et les militants pro-démocratie, des abus la plupart du temps ignorés par les médias occidentaux jusqu'à aujourd'hui. Ceux qui ont une conscience sociale parmi nous devraient-ils le considérer (l'Eurovision) avec un peu plus de respect cette fois-ci, comme un vecteur de changement ?

[…]

Auparavant, le concours a été utilisé par d'autres anciennes républiques soviétiques pour se faire une image en Europe de l'ouest, qui savait à peine où leur pays se trouvaient sur une carte.

[…]

L’Azerbaïdjan prend visiblement l'enjeu au sérieux aussi et a dépensé plus d'un milliard de dollars US pour se préparer à l’évènement – le concours le plus cher jamais organisé – espérant lui aussi se positionner sur la carte, promouvoir le tourisme et prouver qu'il est capable d'organiser des évènements internationaux de prestige. Mais le gouvernement ne s'attendait visiblement pas à l'attention dévolue à son bilan en matière de droits humains et à ce que les activistes attirent presque autant l'attention que le concours, qui existe depuis 56 ans.

[…]

Que vous l'aimiez ou le détestiez, a-t-il dit, l'Eurovision à au moins créé un dialogue sur les problèmes de l’Azerbaïdjan. Cependant, il reste à voir si une fois la caravane de l'Eurovision partie, le cirque des médias partira avec lui.

On trouve également des critiques sur la façon dont les médias étrangers ont couvert l'évènement.

@MahirZeynalov: Chers médias étrangers, s'il vous plait, laissez nous apprécier l'Eurovision. Oui, nous comprenons bien, l'Azerbaidjian est la pire dictature sur terre. La curée, ça suffit.

@nhacizade : à l'heure qu'il est, nous avons un prototype assez au point d'un article-type des médias occidentaux sur l’ #Azerbaijan et l'#Eurovision. Merci de ne jamais nous surprendre.

@onewmphoto: @nhacizade Vrai, les articles sont prévisibles et chargent presque trop le trait, mais regardons les choses en face. Le Bakou officiel donne plein de sujets à traiter aux médias

@nhacizade: @onewmphoto Ouaip, ne pas lâcher la police chaque fois que 20 personnes se réunissent pour défiler leur aurait épargné pas mal de problèmes.

@nhacizade: @onewmphoto mais la nature de la couverture médiatique est aussi due au fait que quand un média dit “Un pays dont vous n'avez jamais entendu parler aupravant”..

@nhacizade: @onewmphoto ce qu'ils veulent dire est : “pays que nous n'avons jamais couvert et sur lequel nous ignorons à peu près tout”. C'est la même chose pour presque tout les états post-soviétiques hormis la Russie.

Certains, comme AmnestyBrum, un groupe affilié à Amnesty International au Royaume Uni, explique pourquoi  ils considèrent “l'effet Eurovision” comme important.

Demain, c'est le jour de la finale de l'Eurovision, et nous sommes inquiets de la situation des droits humains dans le pays hôte de l'évènement, l'Azerbaïdjan. Le concours de chansons est une occasion rare pour Amnesty International d'attirer l'attention sur ce pays. Dans les seules dernières semaines écoulées se sont déroulés des séries d'incidents vraiment horribles.

[…]

Alors que tout le monde se prépare à regarder confortablement la finale de l'Eurovision, il ne pouvait y avoir de meilleur moment pour braquer l'attention sur les vrais grands problèmes de l’Azerbaïdjan. Et naturellement, c'est d'une ironie noire que le concurrent britannique du concours, Engelbert Humperdink, interprète une chanson dont le titre est Love Will Set You Free (L'amour te libèrera).

D'autres craignent par avance de ce qui peut se passer une fois que les journalistes étrangers auront quitté le pays. Comme par exemple Khadija Ismayil, la journaliste d'investigation qui a été récemment menacée en raison de ses enquêtes[en français] et qui a exprimé ses inquiétudes durant un entretien avec RFE/RL disponible sur Facebook.

Marion Kipiani On dit beaucoup que l'Eurovision offre aux journalistes indépendants et aux militants des droits de l'Homme une occasion de s'adresser à une audience  internationale. Mais quelle est votre opinion sur la manière de maintenir l'attention quand l'attention mondiale se détournera, par exemple vers les matchs de l'Euro 2012 ? Ceux d'entre vous qui ont été assez courageux pour s'exprimer craignent-ils des représailles ?

[…]

Khadija Ismayil […] nous avons avoir un été chaud. Le gouvernement azeri se vengera et punira ceux qui ont gâché sa fête.  Les gens qui ont été actifs durant la campagne Chanter pour la démocratie auront plus que jamais besoin de soutien. Nous nous attendons aussi à des pressions renforcées sur les journalistes critiques et surtout les journalistes d'investigation.  Mes collègues de RFE/RL et des publications Bizim Yol ont découvert le montant des sommes dépensées pour l'organisation de l'Eurovision et que le gouvernement a détourné l'argent destiné à la distribution d'eau et à l'augmentation des retraits pour construire un palais des congrès pour l'Eurovision. Malheureusement, notre gouvernement préfère casser le miroir plutôt que de se coiffer pour mettre de l'ordre dans sa coiffure.

Le blog de l'émission RFE/RL signale aussi que les organisateurs de l'Eurovision sur place ont tenté de contrôler les conférences de presse autour de l'évènement, et surtout celles des quelques chanteurs qui témoignaient de l'intérêt pour les droits humains dans le pays.

Après la seconde demi-finale du concours de chansons Eurovision, le 24 mai à Bakou, la finaliste Loreen a été interrogée par un journaliste de l'agence Reuters sur sa rencontre avec l'opposition azerbaidjanaise.

Elle a simplement répondu : “Ce que je peux dire, c'est qu'il y a deux personnes en moi. L'une, privée, et l'autre, celle qui est là pour le travail que je fais ici, et pour aujourd'hui, je veux me concentrer uniquement sur cette énergie que nous avons créée.”

La télévision publique d’Azerbaïdjan, qui diffuse la soiré de l'Eurovision, a immédiatement demandé à son modérateur d'intervenir pour empêcher toute autre question “non pertinente”, ce qui a provoqué des protestations des journalistes dans la salle. Qui plus est, le doublage en azeri de la question du journaliste a été traduit et diffusé ainsi : “Comment vous sentez-vous sur scène ?”

Pendant ce temps, à quelques heures de la finale de l'Eurovision, de nouvelles mesures de sécurité ont été mises en place, annoncées en dernière minute, indiquant peut-être que les controverses entourant le concert sont loin d'être terminées.

Nous remercions les auteurs azeri de Global Voices Leyla Najafli et Pervin Muradli pour les traductions de l'azeri vers l'anglais

1 commentaire

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