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Brésil : L'état d'Alagoas veut que les violences cessent !

Catégories: Amérique latine, Brésil, Cyber-activisme, Dernière Heure, Droit, Manifestations, Média et journalisme, Médias citoyens

|Liens en portugais] Pendant  que j'écrivais cet article, j'ai reçu la nouvelle [1] de l'exécution d'un adolescent sur la voie publique à Maceió la nuit précédente, alors même qu'on déposait à l'Institut médico-légal les corps d'au moins trois autres victimes de la violence. Quelques heures avant ces derniers crimes, des milliers de personnes mobilisées grâce aux réseaux sociaux participaient dans les rues à une “marche pour la paix”, un appel à la fin des violences dans l'Alagoas.

La population de l'Alagoas est révoltée par le mépris pour la vie humaine et le nombre croissant d'homicides commis pour des motifs futiles [2]. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase a été l'assassinat de José Alfredo Vasco Tenório, un médecin de 67 ans :  mort d'une balle dans le dos lors d'une agression. Pour cette seule fin de semaine, 17 autres personnes ont été victimes de mort violente dans l'état d'Alagoas.

Mancharam de sangue o Corredor Vera Arruda, onde o médico foi assassinado. Foto publicada por Allves Del Valle. [3]

Les "empreintes de sang" là où le médecin a été assassiné. Photo publiée par Allves Del Valle.

Cette situation d'insécurité insupportable a poussé les citoyens dans les rues, mobilisés sur Facebook par le groupe Alagoas-Etat d'Urgence [4].

Silvana Chamusca [5] nous fait un résumé de la manifestation et du débat qui suivit la “marche pacifique” , pas de considération de classes sociales, mais un unique objectif: montrer son indignation.

Nous avons fait un premier pas, on va en faire d'autres, alors maintenant proposez, prenez des initiatives, recueillez des témoignages, organisez vous dans votre quartier ou dans n'importe quel autre quartier, je vous promet que je serai là !

Crée ce lundi là, le groupe [4] a déjà rassemblé plus de soixante mille participants. Néanmoins, Toninho Cajueiro s'interrogeait alors qu’une nouvelle marche de protestation [6] était déjà prévue pour le 5 juin :

Qu'avons nous obtenu de concret depuis la marche ? Quelles mesures seront prises après cela ? En réalité, la grande mobilisation que nous devons provoquer est tournée vers les urnes ! A nous de bien choisir nos hommes politiques aux élections de cette année. On sauvera notre Etat par une éducation de qualité et la création d'emplois !

Alors qu'on se mobilise une fois de plus, les utilisateurs des réseaux sociaux participent à un débat passionné sur les causes de cette violence : lutte des classes, affrontements politiques, désillusion généralisée… Mauricio Carvalho [7] pense que la question est très complexe et ne doit pas être traitée de façon simpliste :

La mort du Dr Alfredo a servi  symboliquement de fusible ! C'est un martyr, celui que nous voudrions être la dernière victime de cette violence effrenée. Nous ne sommes pas aveugles, nous connaissons tous la situation chaotique où en est arrivé l'Alagoas, nos plaintes sont toutes les mêmes ! Personne n'est assez insensible au point de relativiser la mort d'une personne selon sa classe sociale ou son lieu de résidence.

Arte publicada por Fabrício França de Oliveira no grupo Alagoas, Estado de Emergência [8]

Illustration publiée par Fabrício França de Oliveira du groupe Alagoas, Etat d'Urgence ("il ne faut pas faire que parler mais aussi sortir des maisons")

Bien qu'elle habite depuis quelques années hors de l'Alagoas, Eulália Lima [9] accompagne le mouvement . Elle estime qu'il est temps d'utiliser les réseaux sociaux pour des actions réelles.

Nous devons aller beaucoup plus loin, le peu que nous pouvons faire est déjà une énorme avançée pour un état et une population tellement sanctionnée.

Apprendre l'importance du vote et comment s'en servir, savoir que l'on a des droits, lutter pour eux en abandonnant tout égoïsme ou conformisme peux changer le monde. Le mouvement Alagoas-Etat d'urgence en est un exemple ! Se lever de son fauteuil et interagir peux s'avéver gratifiant. Je suis dans cette action, félicitations à tous pour ce premier pas !

Une pétition demandant l'intervention immédiate du ministère public [10], lancée le mardi 29 mai, a déjà recueillie plus de 2 000 signatures. Nilton Resende [11] après y avoir ajouté la sienne s'interroge : “Mais quelle intervention voulons nous, de quelle intervention avons-nous besoin ?”.

Les conseillers municipaux augmentent leurs salaires et nous ne demandons aucune intervention, nous sommes constamment villipendés par un gang de politiciens qui disent nous représenter et nous ne demandons aucune intervention. Au lieu de cela, nous demandons une intervention contre des bandits pauvres qui tuent à un certain moment, sans nous souvenir des bandits qui nous tuent lentement depuis des dizaines d'années. Un changement global est nécessaire, il ne faut pas aller vers une intervention uniquement répressive sans changer ce qui est la cause de l'état de pénurie dans lequel se trouve notre Etat, sans nous sortir de cette torture constante à laquelle nous sommes soumise et que j'ai déjà décrite dans un post: Tortura : Torturas [12].

Promenons nous dans d'autres états brésiliens, nous y découvrons des Unités de Soins d'Urgence (Unidades de pronto atendimento, ou UPA) !  Où ont elles été construites en Alagoas ou à Maceió ? Où est l'argent qui était prévu à cet effet ? Nous avons effectivement besoin d'interventions très variées !

Un accroissement vertigineux

Gráfico do Mapa da Violência 2012 mostrando o crescimento das taxas de homicídio em Alagoas nos últimos 20 anos. A cor vermelha indica os índices nacionais, rosa representa Maceió e região metropolitana, amarela representa Alagoas. [13]

Graphique de la carte de la violence 2012 montrant la croissance du nombre des homicides dans l'Alagoas depuis 20 ans. La courbe rouge représente le Brésil, rose la région métropolitaine de Maceio, jaune l'Alagoas .

Selon les données de la Carte de la violence 2012 [14] et les publications de l'Institut Sangari, la criminalité dans l'Alagoas augmente sans cesse. Le rapport de 1999 signalait un taux d'homicide de 20,3 pour 100 000 habitants (en dessous de la moyenne du Brésil à 26,2 ), plaçant l'Alagoas en onzième position. En 2010, un  taux de 66,8 homicides pour 100 000 habitants le place en tête des états les plus violents pour la cinquième année consécutive.

Pendant ce temps, alors que la moyenne des impôts ou taxes demeurait la même au Brésil, elle a augmenté de 228,3% en Alagoas depuis 10 ans. Malgré ces chiffres calamiteux, le petit état d'Alagoas ne fait jamais les titres de la presse nationale brésilienne. Thallysson Alves [15] suggère une démarche particulière :

Comme la presse nationale ne vient pas à nous, allons à elle ! Envoyons des liens montrant notre mobilisation sur des sites, des journaux, des télévisions, des magazines et des radios en dehors de l'état, dans tout le Brésil. Que ceux qui connaissent des journalistes de l'extérieur les intègrent à notre groupe. Nous devons agir de tous les côtés pour être enfin entendu !

La population de l'Alagoas est épuisée et veut la paix. Kika Chroniaris [16] fait une proposition pour manifester cette volonté :

Accrochez un ruban blanc à votre voiture et une bande blanche à la façade de votre maison. Soyez dans tous les coins de la ville, nous devons proclamer que toute cette ville réclame la paix !

Alagoas Pede Paz [17]

L'Alagoas demande la paix. Photo publiée par Marilene da Silva sur Facebook.