Pérou : Le conflit social dans la province d'Espinar divise le parti au pouvoir

Dans la matinée du 4 juin 2012, le conflit entre la communauté de la province d’Espinar et la société minière Xstrata Copper a subi un nouveau rebondissement pour le parti au pouvoir au Pérou, lorsque Veronika Mendoza [espagnol], membre du Congrès, a démissionné du Parti nationaliste du Pérou [fr] et de son siège au sein de l'alliance parlementaire Perú Gana [fr].
La sénatrice a publié deux lettres sur son blog, l'une d'elles intitulée “Je suis avec ceux qui croient encore qu'une autre société puisse encore être créée, avec plus de solidarité, de justice et la paix” [es], et mentionne, entre autres choses :

Hemos pasado de la promesa de un Ollanta Humala que declara en la plaza Dos de Mayo el día de su elección que “su único jefe es y será el pueblo peruano” y que se compromete a realizar cambios profundos, a un gobierno que continúa el modelo neoliberal. Un modelo primario exportador que no genera desarrollo intercultural y democrático, ni mercados locales articulados, que mantiene la precarización del trabajo y que defiende los intereses de los grupos de poder económicos, entre los que destacan los intereses de las industrias extractivas, las cuales imponen sus proyectos sin licencia social y afectan gravemente ecosistemas valiosos.

Nous sommes passés de la promesse faite par Ollanta Humala [fr] à la Plaza Dos de Mayo le jour de son élection que “son patron était et serait uniquement le peuple péruvien” et qui promettait de profonds changements, à un gouvernement qui est la continuité du modèle néo libéral. Ce modèle se concentre principalement sur ​​les exportations et n'encourage pas le développement interculturel ou démocratique, ni la diversité des marchés locaux. [Il s'agit d'un modèle] qui maintient la précarité dans le marché de l'emploi et défend les intérêts de puissants groupes économiques, parmi lesquels ceux qui sont très impliqués dans les industries extractives, qui imposent leurs projets sans l'approbation du peuple et qui nuisent gravement aux précieux écosystèmes.
La sénatrice Mendoza a participé activement au cours des récents événements survenus dans la province d'Espinar, recherchant la paix et le dialogue [es], et par la suite, en demandant la démission [es] du Premier ministre Óscar Valdés [fr], pour avoir adopté une “mauvaise” stratégie dans la province d'Espinar. Toutefois, elle a également été impliquée dans une controverse quand on a découvert qu'elle avait alerté [es] le maire d'Espinar avec un rapport relatif à un autre projet d'exploitation minière et pas celui de Tintaya. En conséquence [es], le Comité d'éthique du Parlement a proposé d'ouvrir une enquête sur elle.
En ce qui concerne ces informations, la sénatrice a déclaré [es] que la question n'était pas “un problème de rapports”, et a rejeté les affirmations selon lesquelles il n'y avait aucune contamination et que les préoccupations du public soient ignorées. Le long de ces lignes, la sénatrice a également partagé une vidéo [es] sur Facebook [es] “qui clarifie la chaîne de mensonges avancées par certains organes de presse.”
Mais ça ne s'arrête pas là car il a été rapporté plus tard que deux autres membres du congrès Gana Perú, Javier Diez Canseco et Rosa Mavila, avaient également présenté leurs lettres de démission [es]. Le texte [es] révèle, en plus des motifs des démissions, ce qui suit:

Los que habían sido derrotados en las elecciones pasaron a cogobernar y a imponer sus criterios autoritarios y de subordinación a los grandes grupos de poder económico, en espacios decisivos, contradiciendo lo prometido al país

Ceux qui ont été battus aux élections sont maintenant associés au gouvernement et imposent leurs critères autocratiques de subordination aux grands groupes ayant le pouvoir économique, dans des domaines importants, en contradiction avec les promesses faites au pays.
Il semble que cette démission avait été annoncée quelques jours plus tôt, puisque dans son éditorial dans le journal La República, le Sénateur Diez Canseco mentionne:

Van 12 muertos en conflictos sociales en este gobierno. Lamentable, inaceptable. Expresión de falta de atención y prevención, incapacidad de diálogo e incumplimiento de compromisos y esperanzas frustradas, que crean terreno propicio para violentistas de uno y otro lado. […] No es posible ser cómplice ni compartir este manejo que genera gran malestar entre sus votantes y descompone los bloques que lo llevaron a la victoria.

Il y a eu 12 morts dans des conflits sociaux depuis que ce gouvernement est en fonction. Lamentable et inacceptable! Signe  d'un manque d'attention et de prévention, d'incapacité au dialogue ou de maintien des promesses, des espoirs déçus, qui créent un terrain fertile pour les agitateurs de tout bord. […] Il n'est pas possible d'être complice ou de cautionner cette gestion des affaires qui encourage de graves troubles parmi les électeurs et trahissent les engagements qui les ont menés à la victoire.
Les événements d'Espinar ont confirmé les différences qui existaient déjà au sein du parti au pouvoir, provoquées par les options présidentielles [es] vers des tendances plus pragmatiques inspirées par la droite, et soulignées par la position du gouvernement dans des cas comme le projet minier de Conga [fr] et maintenant d'Espinar.

La crise s'est accentuée [es] lorsque le bloc des membres du congrès originaires de Cusco, la région où est située la province d'Espinar, ont insisté sur leur demande de démission du Premier ministre en réaction à ce conflit. Le Sénateur Mendoza appartient à ce groupe de sénateurs. Selon les informations [es], au moins six sénateurs du parti au pouvoir pourraient démissionner. Pour sa part, le gouvernement a minimisé [es] ces démissions.

Pendant ce temps, Óscar Mollohuanca, maire de la ville d'Espinar, après avoir été arrêté [fr] et transféré à Cusco pour un interrogatoire devant la police nationale péruvienne, risque de répondre maintenant d'accusations [es] d'émeutes, enlèvements, dégâts et contrainte. Plus tard, Mollohuanca a été transféré [es] à l'Ica pour des raisons de sécurité, puisque quelque 500 personnes ont protesté devant le Palais de Justice de Cusco et divers juges et procureurs ont été menacés [es] à cause de cette affaire.

Le samedi, 2 juin, la Cour d'Ica, à la demande du Directeur des poursuites publiques a ordonné [es] cinq mois de détention préventive du maire d'Espinar, qui pourrait être condamné [es] jusqu'à 8 ans de prison. Les maires de Cusco ont considéré [es] “cruel” et “inhabituel” la punition de leur collègue d'Espinar, et qu'il s'agissait “d'une preuve d'autoritarisme”.

Le pouvoir judiciaire a déclaré [es] que les procédures de Cusco (Espinar) et de Cajamarca (Conga), en raison des crimes liés aux mouvements de contestation sociale, pouvaient être déférées à la Cour ou à la Haute chambre des districts judiciaires d'Ica et de Lambayeque, respectivement, une mesure qui a également été une source de controverse [es].

L'ancien ministre Juan Sheput analyse [es] tout cela sur son blog, indiquant que le gouvernement souffre d'une crise de crédibilité:

Hemos vuelto a las épocas de dudas y detenciones arbitarias. En horas de la mañana en Ideele Radio se denunciaba la detención de pacíficos dirigentes sociales a los cuáles se les habría sembrado pruebas falsas, cartuchos de balas y dinamita, con el objeto de detenerlos. Si así fuera pues habríamos retrocedido a prácticas fujimontesinistas […] Oscar Valdés debe irse. Los que lo defienden se niegan a ver la realidad de una incompetencia y afán militarista que hoy se convierte en el principal enemigo de la inversión. El gran problema es que como van las cosas el clima de violencia social se puede generalizar por todo el país por culpa exclusivamente del gobierno del presidente Humala.

Nous sommes de retour à l'époque des doutes et des arrestations arbitraires. Dans la matinée, on dénonçait sur Radio Ideele l'arrestation de dirigeants sociaux pacifiques sur la base de ce qui semble être de faux témoignages, des balles et des cartouches de dynamite dans le but de les arrêter. S'il en était ainsi, nous serions revenus à des pratiques fujimontesinistas […] Valdes Oscar doit s'en aller. Ceux qui le défendent refusent de voir la réalité de l'incompétence militaire et de la précipitation qui sont devenues désormais les principaux ennemis des investissements. Le problème, c'est qu'au rythme où les choses vont le climat social de violence pourrait se généraliser à travers le pays uniquement en raison de l'incompétence de l'administration du Président Humala.
Silvio Rendón du blog Gran Combo Club perçoit [es] une sorte d'interférence des États-Unis dans la dureté de la répression des conflits sociaux liés à l'exploitation minière. Je me base sur un argument historique révélée par câble Wikileaks qui a demandé que les ambassades des États-Unis fournissent une liste des pays et des secteurs considérés comme ayant une priorité absolue pour la sécurité nationale:

Es decir, hay una huelga de trabajadores en Yanacocha, una protesta que limita la actividad de Xstrata en Ancash, un bloqueo contra la minera San Rafael en Puno, etc., y en la embajada de los Estados Unidos se ponen nerviosos porque interpretan que estas protestas afectan su “seguridad nacional”. La embajadora comienza a presionar al gobierno peruano a que acabe con las protestas. La voluntad de los ciudadanos peruanos no cuenta ni para el gobierno de los Estados Unidos y, lamentablemente, tampoco para el gobierno peruano, representante más de los poderes fácticos que del poder que emana de la ciudadanía.

Donc, il y a eu une grève dans Yanacocha, une manifestation qui a réduit les activités de Xstrata à Ancash, et imposé un blocus contre l'exploitation minière à San Rafael à Puno, etc, et à l'ambassade des États-Unis, ils sont devenus nerveux, car ils pensent que c'est une menace pour leur “sécurité nationale “. L'ambassadeur commence à faire pression sur le gouvernement péruvien pour mettre fin aux protestations. La volonté du peuple péruvien n'a pas d'importance pour les États-Unis, ni, malheureusement, pour le gouvernement péruvien, devenu de facto représentant des pouvoirs factices plutôt que de la puissance qui émane de l'ensemble des citoyens.
Mais le Président de Humala garde le silence sur ces questions, et soutient avec tact le Premier ministre Valdés. Cependant, il y a ceux qui disent que le maire d'Espinar, Óscar Mollohuanca, serait le premier prisonnier politique [es] du gouvernement, un fait qui pourrait nuire à son image ainsi qu'à celle du pays .

Le billet original a été publié sur le blog personnel [es] de Juan Arellano.
La vignette représentant le Congrès péruvien est de Wikimedia Commons sous licence Creative Commons.

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