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Au début du mois de juin 2012, Humberto Campodónico, le président de Petroperú, a annoncé qu’un appel d’offres serait lancé avant le 28 juillet. Il concerne la parcelle 1-AB, gisement pétrolier exploité à l’heure actuelle par Pluspetrol Norte. Cette parcelle, et toutes celles dont les contrats d’exploitation cessent entre 2013 et 2015, font partie d’un ensemble de gisements d’hydrocarbures que l’entreprise publique Petroperú prévoit d’exploiter à nouveau en association avec des entreprises privées qui ne conserveraient qu’un maximum de 49 % des parts.
Cette affaire qui, à première vue, pourrait sembler n’être qu’un accord contractuel et opérationnel entre entreprises a mis en alerte les communautés indigènes des alentours du fleuve Pastaza.
Ces communautés indigènes avaient négocié avec l’entreprise Pluspetrol une indemnisation pour compenser la pollution de la lagune Atiliano, située sur la parcelle 8, une de celles que l’entreprise cessera d’exploiter. Les négociations ont été menées dans la communauté de Pucacuro et dans la ville d’Iquitos. Mais cet exemple est loin d’être le seul cas de pollution de la forêt amazonienne.
Le groupe de travail parlementaire de la Commission des peuples andins, amazoniens, afro-péruviens, environnement et écologie du Congrès de la république, chargé d’étudier la pollution de l’environnement provoquée par l’industrie pétrolière depuis plus de 40 ans dans les bassins des fleuves Pastaza, Tigre, Corrientes et Marañón, devait venir inspecter la région avant la mi-juin. Pourtant, cette visite n’a pas eu lieu à cause de la démission de Verónika Mendoza, député du groupe parlementaire majoritaire.
Cet événement a tout d’abord provoqué une certaine méfiance, tout portait à croire que l’on cherchait à « dissimuler l’impact environnemental pour faciliter l’appel d’offres à venir ». Verónika Mendoza a alors expliqué que le voyage de la Commission avait été annulé car elle en avait été écartée après avoir démissionné de son siège de député. Les chefs des communautés indigènes ont néanmoins indiqué qu’ils se mobiliseraient de façon pacifique et ont exigé que soit créée une plate-forme de dialogue réunissant les communautés suivantes : San José de Saramuro (peuple kukama), Nuevo Andoas ou Alianza Topal (peuple quéchua du fleuve Pastaza), Nuevo Jerusalem (peuple achuar du fleuve Corrientes) et 12 Octobre (peuple kichwa du fleuve Tigre).
Verónika Mendoza a énuméré dans un billet posté sur son blog, les principaux points que la plate-forme du dialogue aurait à régler:
- Réalisation d’une consultation avant l’appel d’offres annoncé pour le mois de juillet, conformément à la Convention 169 de l’OIT.
- Réalisation d’un audit international indépendant concernant les aspects environnementaux et sanitaires avant que de nouveaux accords d’exploration et d’exploitation ne soient signés.
- Réalisation de la dépollution nécessaire et transparence en ce qui concerne les passifs environnementaux
- Règlement des dédommagements pour l’exploitation des terrains et des indemnisations pour fuites de pétrole et autres dégâts environnementaux.
Pourtant, les membres de la Fédération indigène quéchua du fleuve Pastaza qui se dirigent vers l’exploitation pétrolière d’Andoas, dans la province de Datem de Marañón, ont signalé que le dialogue risque de s’avérer difficile étant donné la présence sur place de troupes militaires envoyées par le gouvernement. Ils ont à ce sujet publié le communiqué suivant:
- Nous exigeons qu’une consultation préalable et documentée ait lieu dans des conditions optimales, nous réclamons un inventaire des passifs environnementaux polluants et la création d’un registre comprenant ceux qui ne font partie d’aucun plan ou programme de dépollution.
- Nous refusons que des troupes militaires, dont le seul objectif est de répondre avec les armes à l’expression légitime d’un mécontentement, soient présentes à Andoas. Nos communautés ne sont pas des casernes. Nous refusons que les événements d’Andoas de 2008 durant lesquels la mort, la torture et la prison nous ont durement frappés, puissent se reproduire.
Le 12 juin, la commune d’Alianza Topal, située dans la province de Datem de Marañón, accueillait les manifestants. Le site d’AIDESEP (Association interethnique de développement de la forêt péruvienne, pour les sigles en espagnol) donne des informations à ce sujet:
Les chefs des communautés ont déclaré qu’ils continueront à se mobiliser jusqu’à ce que le gouvernement central écoute leurs revendications. Demain, une assemblée est prévue pour décider des actions à suivre dans les prochains jours. Les dirigeants des communautés du bassin du Tigre ont annoncé qu’ils y assisteraient et les peuples achuar et candoshi devraient rejoindre la manifestation pacifique des peuples indigènes de Loreto dans les jours à venir.
Les communautés indigènes de ces régions signalent depuis des années les effets de la pollution sur leurs terres ancestrales et les conséquences sanitaires, comme en informe sur son blog le CINDES (Centre indigène pour un développement durable pour les sigles en espagnol) :
« Toutes les plantes meurent, les arbres aussi, ils sont en train de détruire notre communauté » décrit le chef de la communauté de Nuevo Paraíso.
« 66,21 % de la population infantile est contaminée au plomb et 99,20 % de la population adulte au cadmium » signale une étude de la DIGESA (Direction générale de la santé pour les sigles en espagnol).
« Ils ont systématiquement menti à presque tous les chefs des communautés des bassins des fleuves Corrientes, Pastaza et Tigre, et leur ont fait signer des documents qui n’étaient pas conformes aux accords pris lors de l’assemblée communale »
Même si la pollution de l’industrie minière dure depuis 40 ans et que les entreprises actuelles assument ces passifs, le combat des communautés pour protéger l’environnement et leur mode de vie traditionnel n’a pas cessé. Et pourtant, toutes les communautés affectées n’ont pas obtenu de compensation. Le blog Observatorio Petrolero Sur décrivait récemment les négociations entre les exploitations pétrolières et les communautés:
En fin de compte, ici, les négociations ne tournent pas autour de sujets importants comme la viabilité de l’extraction des hydrocarbures ou l’éventualité de méthodes différentes et moins nocives, […] Le résultat de cette négociation est en fait la principale mission de ce qu’on connaît comme la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Il s’agit de réduire et limiter les dégâts avec la ferme intention de générer un climat de paix sociale permettant de continuer à travailler dans les meilleures conditions économiques. Par conséquent, on négocie la défaite, la maladie, la contamination au plomb ou au cadmium à cause des pratiques d’extraction actuelles. On négocie aussi la perte des modes traditionnels de vie en échange d’un prix de consolation ou de rien du tout. Comme c’est le cas pour les habitants de la zone du Bas Nauta qui, bien qu’ayant subi les conséquences d’un écoulement de pétrole ne toucheront rien car ils se trouvent en dehors de la zone déclarée comme sinistrée.
Enfin, le blog déjà cité du CINDES partage le documentaire suivant 40 ans de pollution dans le bassin du fleuve Corrientes :
Billet publié à l’origine sur le blog de Juan Arellano.
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