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Brésil: Pour l'humanisation de l'accouchement

Catégories: Amérique latine, Brésil, Droits humains, Femmes et genre, Manifestations, Médias citoyens

[Tous les liens sont en portugais]

Mères, enfants, pères, grands-parents, sages-femmes, étudiants et militants se sont donné rendez-vous dans la rue le dimanche 17 juin, pour revendiquer l’humanisation des accouchements au Brésil. Autour du parc Mário Covas, sur l’avenue Paulista de São Paulo, on apercevait au loin des enfants colorier des pancartes sur lesquelles pouvait se lire : « Moi, j’ai choisi le lieu et l’heure de ma naissance ».

La Marche pour l’accouchement à domicile [1] a eu lieu aux quatre coins du pays en réaction à la plainte déposée par le Conseil régional de la médecine de Rio de Janeiro (CREMERJ pour les sigles en portugais) contre le médecin Jorge Kuhn, chef du service de gynécologie obstétrique de l’Université fédérale de São Paulo, pour avoir défendu [2] l’accouchement à domicile pendant l’émission de télévision Fantástico. Le Dr Kuhn y avait affirmé que l’accouchement était un processus physiologique et non un acte médical.

Les accusations dont il a fait l’objet ont donc déclenché la mobilisation d’hommes et de femmes en défense du droit de choisir comment et où accoucher. La marche a eu lieu dans des capitales comme Belo Horizonte (Minas Gerais), Brasilia (District fédéral), Curitiba (Paraná), Florianópolis (Santa Catarina), Maceió (Alagoas), Porto Alegre (Río Grande do Sul), Recife (Pernambuco), Rio de Janeiro (RJ), Salvador (Bahía), São Paulo (SP) et Vitória (Espírito Santo).

Manifestação pelo parto em casa em frente ao CREMESP, São Paulo, 17 de junho, 2012. Foto da autora.

Manifestation en faveur de l’accouchement à domicile devant le Conseil régional de la médecine de São Paulo, le 17 juin 2012. Photo de l’auteure.

Les discussions au sujet de l’accouchement au Brésil opposent les professionnels de la santé et les femmes réclamant plus d’autonomie dans leur prise de décisions. Alors que l’Organisation mondiale de la Santé recommande un taux de césariennes de 15 %, ces dernières ont dépassé 85 % dans les cliniques privées brésiliennes, plaçant ainsi le pays en deuxième position, juste après le Chili, en ce qui concerne le nombre de ces interventions chirurgicales.

L’énorme écart entre la recommandation et la pratique a été une des principales critiques exprimées lors de cette manifestation, à laquelle s’est jointe l’organisation militante Parto do Princípio [3], opposée à un accouchement mercantilisé par les accords collectifs de santé. Les voix portées par les haut-parleurs accusaient: « Docteur, je ne suis pas dupe, la césarienne c’est bon pour le commerce ».

Tandis que la Marche parcourait les différents états brésiliens, certains considéraient – et considèrent encore – que le Dr  Jorge Kuhn a fait preuve d’un manque total de professionnalisme. Et pour démontrer les risques encourus lors d’un accouchement à domicile, ils ont rappelé la quantité de décès survenus dans ces conditions. Telle est l’opinion des conseils régionaux de la médecine, comme le CREMESP, vers lequel se sont dirigés près de mille manifestants à São Paulo.

En opposition à cette manifestation, certains affirment que l’accouchement à domicile est illégitime, puisqu’une grande partie de la population brésilienne ne possède pas les conditions de logement nécessaires. Sur la page Facebook de la Marche pour l’accouchement à domicile, Amélia Araújo remet en question [4] cette pratique:

Florianópolis, SC, 16 de junho, 2012. Foto de Marcha pelo Parto em Casa no Facebook. Crédito da foto: Lorena Lucas [5]

Florianópolis, Santa Catarina, le 16 juin 2012. Photo de la Marche pour un accouchement à domicile sur Facebook. Photo Lorena Lucas. 

Parto em casa? E as mulheres que moram na periferia sem as mínimas condições de higiene e saneamento básico? E a equipe de saúde irá enfrentar o tráfico? Que tal o parto humanizado no hospital?

L’accouchement à domicile? Et les femmes qui vivent dans la périphérie dans des conditions précaires d’hygiène et de santé? Et le personnel de santé coincé dans les embouteillages? Pourquoi ne pas envisager l’humanisation de l’accouchement à l’hôpital?

La peur de l’accouchement à domicile [6] étant encore la réaction la plus courante chez les Brésiliennes, le Comité de pratique clinique obstétrique signale l’humanisation de l’accouchement à l’hôpital comme une alternative positive et moins risquée.

En attendant, la réalité des accouchements dans les hôpitaux publics et notamment privés du Brésil est bien loin de correspondre à cet idéal, dans la mesure où la violence obstétrique se situe parmi les plus importants manquements au respect des droits de la femme brésilienne. Les résultats de l’action de Blogagem Coletiva Teste da Violência Obstétrica, diffusés [7] par l’organisation Parto no Brasil, révèlent que l’agression verbale est courante lors de l’accouchement, prouvant ainsi la déshumanisation de l’assistance médicale dans ce pays.

Le manque d’information dû à la précarité du suivi médical des grossesses dans de nombreuses régions du Brésil représente aussi un grand obstacle aux pratiques prenant en compte le pouvoir de décision de la femme. Des programmes gouvernementaux comme Mãe Paulistana [8], implanté en 2006 dans la municipalité de São Paulo donnent aux femmes enceintes la possibilité d’être suivies tout au long de leur grossesse. Ils représentent un réel progrès en matière d’assistance médicale mais sont encore loin de faire partie d’une véritable politique à l’échelle nationale.

Refusant d’être ignorés par les dirigeants politiques et les accords collectifs de santé, les manifestants ont défendu le droit de choisir et ont basé leurs revendications sur des évidences scientifiques pour que l’humanisation de l’accouchement soit prise en compte. À leur avis, l’autonomie de la parturiente et le respect auquel elle a droit doivent exister aussi bien au domicile qu’à l’hôpital puisque l’accouchement à domicile ne doit être envisagé que dans des conditions sanitaires adéquates et uniquement pour celles dont la grossesse ne présente aucune complication. Cette pratique serait ainsi peu risquée.