Cartographier Kibera : Visite dans les bidonvilles de Nairobi

Ce billet fait partie du projet conjoint de journalisme citoyen “Journalisme citoyen avec Map Kibera lors du Sommet GV“. L'article est écrit par Salman Latif en collaboration avec Rezwan et Juan Arellano.

[Liens en anglais] Le 1er juillet 2012, des membres de Global Voices sont allés dans les quartiers de Kibera à la rencontre de ceux de Map KiberaDes centaines de blogueurs, militants et universitaires de plus de soixante pays se sont retrouvés à Nairobi, au Kenya, la semaine dernière pour le Sommet 2012 de Global Voices. Une des raisons du choix de Nairobi était la possibilité d'entrer en contact avec un certain nombre de projets sociaux locaux et de mieux les comprendre. Parmi ces initiatives hors normes se trouve Map Kibera, un projet entrepris dans le but de cartographier les équipements d'enseignement et de santé dans le bidonville de Nairobi, Kibera. Voyez aussi notre étude de cas sur Map Kibera par Romina Oliverio.

Kibera est une zone à forte densité de population à quelques kilomètres à peine du centre moderne de Nairobi. L'immense majorité de des habitants de la zone est très pauvre et ne peut même pas subvenir à certains besoins fondamentaux. Viols et autres crimes sont monnaie courante et font des victimes par centaines.

‘Map Kibera’ est un projet qui a été lancé en collaboration avec des jeunes de la localité. Il a pour but de cartographier les institutions d'enseignement et de santé locales et aussi de rendre visibles sur la carte les zones entachées par la violence et où les femmes courent des risques accrus de viol.

Map Kibera

Kibera On Open Street Map

Les cartes ont d'abord été dessinées à la main par des jeunes de Kibera avant d'être numérisées à l'aide de différents logiciels. Le 1er juillet 2012, des membres de Global Voices sont allés dans les quartiers de Kibera à la rencontre de ceux de Map Kibera, tandis qu'un autre groupe de Global Voices visitait Map Mathare. L'équipe de Map Kibera a présenté différents aspects du projet avec une projection, et les écouter dans leur accomplissement d'un exploit aussi extraordinaire a été d'une grande inspiration pour nous. De multiple cartes de la région ont été créées, dans le cadre du projet ‘Map Kibera’, qui peuvent avoir une importance essentielle pour différents projets sociaux autant que pour la population locale.

Après cette présentation détaillée de ‘Map Kibera’, le groupe de blogueurs et traducteurs de Global Voices s'est scindé par deux ou trois et s'est égaillé à l'intérieur de Kibera pour découvrir différents aspects. Salman, avec deux membres de GV (Juan, du Pérou et Rezwan, du Bangladesh) ont fait équipe avec deux membres de l'équipe Map Kibera et ont choisi d'aller voir les institutions d'enseignement du quartier.

Il y a deux catégories d'établissements d'enseignement à Kibera : informels, ce qu'on appellerait couramment écoles “privées”, et formels ou écoles publiques.

Un bâtiment du Centre d'enseignement Raila

Pour se forger une évaluation équitable de l'enseignement local, visiter les deux types d'écoles allait de soi. Nous nous sommes donc mis en route, d'abord pour une école publique assez célèbre, du nom de ‘Centre d'enseignement Raila’ du nom du premier ministre kenyan actuel Raila Odingu.

L'école était un établissement de bonne taille offrant l'enseignement tant primaire que secondaire. Au centre se trouvait un immense stade de football équipé d'un éclairage solaire dernier cri. Fait surprenant, beaucoup d'argent semblait être allé à l'éclairage solaire, alors que l'état des salles de classe était déplorable. Vitres cassées, mobilier, quand il y en avait, en mauvais état, tout contrastait brutalement avec les projecteurs solaires luxueux.

C'était dimanche, nous n'espérions donc pas rencontrer un fonctionnaire avec qui échanger. Pourtant, nous avons bien vu un enseignant qui se trouvait dans l'école pendant notre visite. Nous avons essayé de lui parler mais il a tout bonnement refusé de nous informer sur l'école ou la situation de l'enseignement en général, invoquant la nécessité pour lui d'y être autorisé.

Ensuite, nous sommes allés dans une autre école, elle aussi publique, appelée ‘Kibera Primary School’, gérée par la municipalité de Nairobi. Comparée au Centre d'enseignement Raila, elle était en bien meilleur état. Parmi ce qu'elle avait de meilleur, était de disposer d'une section séparée pour les élèves handicapés. Les salles de classe étaient fermées à clé, mais nous avons pu jeter un coup d'oeil à travers les fenêtres et elles étaient bien pourvues de meubles et de dessins.

La plupart des équipements de l'école, tels que l'adduction d'eau, des toilettes séparées pour les handicapés, et beaucoup d'autres, ont apparemment été financés par différentes organisations, comme le faisait savoir une énorme affiche placardée partout.

Après avoir passé un peu de temps dans l'école et avoir fait signe de la main aux dizaines d'enfants qui jouaient sur le terrain de football, nous avons quitté les lieux et nous sommes rendus, pour finir, dans une école ‘informelle’ ou privée.

Son nom était ‘Ecole secondaire de football de filles’ et pour y arriver, nous avons dû passer par un sentier presque impraticable. On nous avait dit que les rues étaient quasi inexistantes à Kibera, mais ce n'est que là que nous avons compris à quel point c'était grave.

Mais dès que nous avons pénétré dans cette école, nous avons tous été ravis. A l'évidence une école privée n'aurait pas autant de moyens qu'une école publique, pourtant tout semblait bien mieux dans celle-ci. Elle était de dimensions plus modestes, mais nous pouvions voir des élèves avec livres et cartables arpenter les lieux, même un dimanche. Un membre de l'équipe Kibera, qui était notre guide; nous a dit qu'on voyait souvent des élèves ici le dimanche, étudier seuls.

De plus, les filles de cette école obtenaient souvent des places dans l'équipe de football du quartier et jouaient à des niveaux plus élevés. Vraiment remarquable.

Sur le chemin du retour, nous sommes tombés sur le ‘Centre de Secours et école Stara’, en fait un endroit où les jeunes filles victimes d'abus sexuels peuvent séjourner et être soignées. Les viols, nous a-t-on dit, sont un problème commun à Kibera. Comme beaucoup de gens ne peuvent s'offrir d'avoir des toilettes dans leurs maisons, les femmes sortent la nuit et se font violer à ce moment. ‘Map Kibera’ fait un travail remarquable à cet égard en cartographiant les zones où les viols sont plus fréquents pour que les femmes puissent les éviter à la tombée du jour.

En résumé, d'un côté cela déchirait le coeur de constater la situation à Kibera et de voir comment, à quelques kilomètres à peine de la Présidence, l'agglomération était dépourvue des commodités les plus essentielles ; et pourtant, de l'autre, ce sont des projets comme ‘Map Kibera’ qui peuvent restaurer en quelque sorte notre foi en l'humanité.

[Images copyright Juan Arellano]

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