La recherche de nouveaux partenaires dans des zones géographiques inenvisageables il y a peu de temps montre la manière dont le Brésil a changé sa politique étrangère. Selon un calendrier qui a, comme jamais auparavant, donné la priorité au rayonnement de ses entreprises à l'étranger, le Moyen-Orient semble bien être une zone-clé pour les Brésiliens qui souhaitent développer le marché des entreprises du pays.
De l'Empire du Brésil à la dictature militaire
Si le Ministère des affaires étrangères du Brésil tente aujourd'hui de combler quelques lacunes diplomatiques, dans le cas du Moyen-Orient ce n'est qu'une conséquence d'un processus commencé il y a deux siècles, lorsque l'Empereur d'alors, Dom Pedro II visita les terres de l'Empire Ottoman, dont la Grande Syrie, qui comprenait alors la Syrie, le Liban, la Jordanie, Israël et les Territoires Palestiniens d'aujourd'hui.
Mais ce fut pendant le choc pétrolier, dans les années 70, que le Moyen-Orient allait définitivement entrer dans le rayon d'action diplomatique brésilien. Dès lors le Brésil n'aurait de cesse d'augmenter le nombres de ses représentations diplomatiques dans la région. Cependant, l'accroissement des relations avec les pays arabes n'a pas pu éviter un choc qui allait être ressenti dans la décennie suivante, comme le décrit [en portugais] le blog Virtuália :
Com a crise petrolífera de 1973, encerrava-se o chamado “Milagre Econômico Brasileiro”, e o país entraria em colapso econômico, crise que se veio a agravar, só encerrando depois do fim da ditadura militar.
C'est ainsi que débuta au Brésil une orientation diplomatique pro-arabe, dans laquelle les autorités brésiliennes allaient condamner publiquement la politique israélienne et soutenir l'établissement d'un Etat palestinien qui puisse coexister pacifiquement avec l'Etat hébreu. C'était la fameuse “diplomatie d'intérêt national”, menée à partir du gouvernement du général Médici (1969-1974) dont l'ambition était d'éviter toutes représailles des pays producteurs de pétrole.
La première décennie post-redémocratisation
La dépendance à “l'or noir” força inévitablement les dirigeants du Brésil à dialoguer avec ceux du Moyen-Orient. Dialogue qui avait, au début, lieu entre pairs, c'est-à-dire, entre dictateurs, mais qui est resté en l'état, sans trop de gêne du côté brésilien, jusqu'à bien après le retour de la démocratie dans le pays. Parmi ces dictateurs se trouvaient Muammar Khadafi, Hafez el-Assad et Saddam Hussein. A titre d'exemple, à l'époque de la guerre du Golfe, lorsque les troupes irakiennes ont envahi le Koweït en 1990, le spectre des exportations brésiliennes en Irak allait des poulets au matériel de guerre.
De manière spécifique, sur le commerce des armes, le blog O Informante dit:
Nos anos 1980 e parte dos 1990, aliás, países em conflito como Iraque, Líbia, Angola, Paquistão e Colômbia também estiveram entre os maiores compradores de armas brasileiras.
En conséquence, on peut penser qu'une bonne partie des armes utilisées dans l'invasion du Koweït par les troupes irakiennes, comme dans sa défense pendant la guerre, furent produites au Brésil.
Le Moyen-Orient dans la présidence Lula
La présidence (2003-2010) a donné un nouvel élan aux relations avec le Moyen-Orient. Si l'acrimonie demeurait la même dans cette partie du monde, le Brésil de Lula avait changé : moins dépendant du pétrole arabe, on y importait moins que ce que l'on y exportait, dès lors plus seulement des matières premières mais aussi des produits de plus grande valeur ajoutée, augmentant incroyablement le volume des affaires entre les deux parties.
De toutes les visites de Lula au Moyen-Orient, la plus polémique fut sans doute celle qu'il fit en Iran en 2010. L'audace brésilienne visait plus qu'à une sortie pacifique du projet nucléaire iranien, c'était le moment d'attirer l'attention sur le pays (le Brésil) et aussi de garantir une ambiance favorable dans un marché de presque 69 millions d'habitants. Un exemple de la bonne réception que l'initiative brésilienne obtint dans le pays est la réponse à un commentaire publié sur le blog de la Cidadania (la citoyenneté), dans lequel la lectrice Mariana suit [portugais] le raisonnement suivant:
[…] ditadura boa é ditadura amiga. Senão vejamos:
1) A China é uma ditadura, mas o mundo todo quer vender produtos para os chineses, porque o tamanho do mercado ali é descomunal.
2) A Arábia Saudita é outra ditadura, mas como é aliada dos EUA, ninguém diz nada.
3) Mubarak e Kadafi, até há algum tempo, eram aliados.
4) A Comunidade Européia e os EUA têm ganho dinheiro fazendo negócios com regimes ditadorais.
Portanto, criticar Lula por causa do Irã (lembrando que o que Lula e o Itamaraty fizeram foi recomendação de Obama, registrada em carta) não passa de inocência ou, alternativamente, de hipocrisia.
1) La Chine est une dictature, mais le monde entier veut vendre des produits aux Chinois, parce que la taille du marché, là-bas, est extraordinaire.
2) L’Arabie Saoudite est une autre dictature, mais comme elle est alliée aux États-Unis, personne ne dit rien.
3) Moubarak et Khaddafi, étaient nos alliés, il y a encore peu de temps.
4)La Communauté Européenne et les Etats-Unis ont gagné de l'argent en faisant des affaires avec des régimes dictatoriaux. Donc, critiquer Lula à cause de l'Iran (rappelons que Lula et L'Itamaraty [NdT: le Ministère des Affaires Étrangères brésilien] n'ont fait que suivre des recommandations d'Obama, écrites noir sur blanc) n'est que de l'innocence, ou, au choix, de l'hypocrisie.
Le virage de Dilma Rousseff
Comme Lula, Dilma est en faveur d'une sortie pacifique au conflit opposant Arabes et Israéliens tout comme du droit de l'Iran à développer un programme nucléaire, pour autant que ce soit à des fins pacifiques. La différence entre l'actuelle présidente et son prédécesseur est qu'elle ne s'autorise aucune initiative qui n'ait reçu la bénédiction des principaux acteurs internationaux.
Le résultat s'est vu lors de la conférence Rio+20, dont le sujet était le développement durable et qui eu lieu au Brésil du 20 au 22 juin 2012. A cette occasion, Dilma a refusé de rencontrer son homologue iranien, Mahmoud Ahmadinejad. Tout indique que la présidente a voulu éviter de voir son image accolée à celle d'un leader dont le nom évoque à tout le moins un certain manque de respect des droits de l'homme.
Le refus de la présidente du Brésil de rencontrer Ahmadinejad ne doit pas laisser penser que le pays a changé sa stratégie au Moyen-Orient. Dans un article republié [portugais] sur le blog Leituras Marona, on peut voir que la présidente se montre attentive à ce qui se passe là-bas:
[…] o Brasil voltou a considerar uma atuação mais forte no Oriente Médio e Norte da África. Dilma tem incentivado seu ministro de Relações Exteriores, Antônio Patriota, a acompanhar de perto os desdobramentos naquela região, especialmente preocupada com a questão dos direitos humanos na Síria.
Le gouvernement brésilien actuel semble avoir finalement senti le poids des lobbies en action au Moyen-Orient. Les déclarations de la Présidente Dilma Rousseff sur la région ont eu pour objectif d'éviter toutes impressions qui amèneraient un nouvel engagement brésilien tel qu'il y en eu pendant la période Lula; dans le même temps, elle a favorisé l'accès aux connaissances sur le climat qui attend les entrepreneurs brésiliens dans le milieu des affaires au Moyen-Orient. Il s'agit du défi de ne désobliger ni les anciens ni les nouveaux partenaires afin d'éviter un recul des conquêtes dans le champ commercial, sans abdiquer, néanmoins, d'une importance croissante sur la scène mondiale.
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