Parce qu'elle était importunée et insultée dans les rues de Bruxelles par les hommes, une étudiante belge, Sofie Peeters a réalisé un film en caméra cachée [1] [nl] pour dénoncer le machisme quotidien envers les femmes seules dans la rue. Son film et ce sujet ont provoqué une polémique en Belgique puis en France. Sous le mot-clé #harcelementderue [2], les Françaises témoignent du harcèlement verbal et sexuel, des insultes qu'elles subissent dans la rue.
[3]“Délivrez-moi du mâle”, pochoir mural de l'artiste française MissTic, photo de xtof sur Flickr, publiée sous licence Creative Common
Dom B. [4] dans son billet “Machisme ordinaire : non messieurs, dire “t'es bonne” n'est pas un compliment [5]” remercie Sofie Peeters du débat qu'elle a provoqué :
Le documentaire d'une étudiante belge, intitulé “Femme de la rue [6]“, expose via une caméra cachée, le harcèlement sexuel dont elle est victime chaque jour. C'est grâce à elle que le débat a été relancé.
La blogueuse Sandrine rappelle [7] qu'en France aussi :
Le harcèlement de rue est une réalité quotidienne pour quasiment toutes les femmes.
Pour preuve, le témoignage d'une femme sur le webzine madmoizelle [8], où elle liste des exemples de commentaires et propositions crus et d'insultes subies dans la rue, a provoqué plus de 10 000 “like” sur Facebook :
Le harcèlement de rue, ou le fait de se faire aborder, voire verbalement agresser par des inconnus, sort enfin de l’ombre.
Les hommes ne comprennent pas, ou mal. C'est d'ailleurs un internaute français, @mathieuge [9], sceptique comme beaucoup d'hommes devant cette polémique, qui a provoqué la naissance du mot-clé #Harcelementderue par ce tweet :
A noter sur la fille belge insultée dans la rue que je n'ai vu aucune fille se plaindre d'avoir eu à subir le même traitement en France…… Ce qui me laisse à croire que ça demeure un cas extrême relativement isolé.
@valerieCG [10] a réagi en lançant un appel aux témoignages :
@valerieCG [10] : “Si vous avez été victime de harcèlement dans la rue merci de le dire via
#harcelementderue [11] pour montrer à@mathieuge [9] l'importance du truc.”
@Agnesleglise [12] a raillé :
@Agnesleglise [12] : “@valerieCG [13] @mathieuge [9] que celles qui n'en ont jamais été victime se signalent, ça ira plus vite (si il y en a)
#harcelementderue [11]“
Deux heures après son lancement, le mot-clé était numéro 4 [14] des tendances sur Twitter français, et il provoque toujours [15], une semaine plus tard, une avalanche de témoignages, ainsi que de nombreux articles de réflexion [16]. Il faut souligner qu'en France, depuis l'affaire DSK [17], les femmes s'expriment et militent par mots-clé sur Twitter, qui prennent un rôle moteur, la presse traditionnelle prenant ensuite le relai.
Des réactions d'hommes permettent de se rendre compte qu'ils ne sont pas au courant du problème, comme le souligne @cha_matou [18]:
Ne vous étonnez pas qu'on ne parle jamais du
#harcèlementderue [19] [quand on lit sur Twitter] :- RT @El_Mehdiiii [20] “C'est quoi ce hashtag
#HarcelementDeRue [21], certains voit une belle femme, ils tentent leur chance. C'est naturel et propre à chaque espèce. ” ET- RT @LuneHolmes [22] “y a agression et agression. Un gars qui passe à coté de toi et qui lâche un “salope”, c'est pas une agression, désolée.”
Les commentateurs sexistes ou ceux minimisant le problème se sont fait remettre à leur place, par exemple par @Mel036 [23] :
Le débile qui comprend rien au
#HarcelementDeRue [21] et croit qu'on est scandalisée par la drague. Non, par les insultes et agressions verbales …Et les mecs, on a le droit de penser que la rue n'est pas un terrain de chasse, fait pour draguer la 1ère nana qui passe?
[24]Pochoir mural “Dans la rue” – Photo de Yann Seitek sur Flickr, publiée sous licence Creative Commons
Après les témoignages, Twitter est devenu un forum de reflexions. Pourquoi les femmes sont-elles toujours agressées verbalement et insultées dans la rue ? Une réponse parmi d'autres de @SexismAndTheCT [25] :
Le
#[11]harcelementderue [11] sert à rappeler aux femmes “seules” qu'elles sont des objets et que leur sécurité est un privilège, non un droit.
Bonnequestion [26] suggère :
Mais ce n’est pas de la drague. Les hommes en question n’ont probablement même pas une vraie intention d’avoir une relation (sexuelle ou pas) avec cette jeune femme. C’est de la domination pure, l’idée que les femmes sont disponibles et qu’il n’y a aucun problème à les insulter.
Pour contrer les remarques qui font porter aux immigrés [27] la majorité des insultes dans la rue,@elodieesc [28] rappelle que le harcèlement sévit dans les rues populaires comme dans les beaux quartiers et les transports en commun :
#[11]harcelementderue [11] entre le gars qui te susurre des insanités en plein Neuilly, le tripoteur de genoux du RER et d'autres à oublier …
@Oniromanie [29] ajoute :
Un élément tout bête : ceux qui trainent dans la rue, ce sont les pauvres. Les riches harcèlent dans les salons ou à l'Assemblée [nationale [30]].
Ce à quoi Dom B. [4] répond :
Aux sociologues, philosophes, politiques, spécialistes d'analyser et expliquer quelle part tient la religion [31], par le poids des frustrations sexuelles qu'elle impose dans ses interdits, par rapport à un déficit d'éducation, de vivre-ensemble ou de différences culturelles.
Quant à @Hans_Bod [32], il a compris enfin pourquoi en France les femmes n'aiment pas être abordées dans la rue :
Merci à
#[11]harcelementderue [11] maintenant je sais pourquoi quand je dis bonjour à une inconnue en France j'ai l'impression de la violer.
Cette polémique arrive au moment où le président de la république français a ratifié une nouvelle loi sur le harcèlement sexuel [33]. Le 3 août, Najat Vallaud-Belkacem [34], Ministre des droits des femmes et porte-parole du gouvernement, postait ce tweet [35] :
#[19]harcèlementderue [19]: la nouvelle loi s’appliquera partout. La libération de la parole des femmes est importante. Restons mobilisé(e)s !
Mobilisées, les Françaises vont devoir le rester : sur le blog Les Martiennes on apprend que Les sexistes ne prennent pas de vacances [36], Crêpe Georgette [37] se demande s'il ne faut pas des cours d’éducation antisexiste dès la maternelle [38],et le site Génération réactive [39] essaye d'aller plus loin en posant cette question :
… et si finalement, les femmes étaient « responsables » de la transmission des inégalités homme-femme par l’éducation différenciée qu’elles donnent à leurs enfants ? On ne serait plus seulement dans la victimisation et les hommes ne seraient pas entièrement responsables de tous les maux …