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Ukraine : Le site de partage de fichiers “Demonoid” fermé par les autorités

Catégories: Amérique du Nord, Europe Centrale et de l'Est, Etats-Unis, Russie, Ukraine, Cyber-activisme, Droit, Economie et entreprises, Élections, Gouvernance, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Politique, Relations internationales, Technologie

Le 6 août, les autorités ukrainiennes ont fermé Demonoid [1] [en anglais], l'un des plus importants sites de partage de fichiers [2] [fr] au monde, dont les serveurs étaient localisés à Kiev (l'accès à Demonoid a été bloqué pour toutes les adresses IP ukrainiennes, pour empêcher les violations de la loi ukrainienne sur le droit d'auteur). La fermeture serait liée à la récente visite aux Etats-Unis du vice-Premier ministre Valéri Khorochkovski : plusieurs blogueurs et sites d'information ont décrit l'événement comme une tentative de l'Ukraine de montrer la fermeté de sa position quant aux violations du droit d'auteur.

En réponse, les hacktivistes des Anonymous ont organisé une attaque par déni de service DDoS contre des sites gouvernementaux ukrainiens, dont le Conseil national sur les questions de télévision et de radiodiffusion, l'Agence des droits d'auteur et des droits connexes, l'Association ukrainienne antipiratage (les sites de ces deux derniers n'ont pas été remis en service à ce jour). Sur les blogs AnonPR [3] (“Où les médias ne peuvent pas fausser nos paroles”) et Anonymous World Wide News [4] [en anglais] ont été intégrés une vidéo et la déclaration de lancement de l'opération #OpDemonoid.

Sur le blog Watcher.com.ua, Miroslav Goliak exprime des doutes sur l'efficacité de la riposte des Anonymous [4] :

[…] Tous ces organismes gouvernementaux contre lesquels l'attaque était dirigée n'en ont rien à faire que leurs sites merdiques soient attaqués, croyez-moi…

Sur le blog collectif Habrahabr.ru, l'utilisateur pazzive a fait part de son opinion sur le timing de la fermeture du site :

Il y a trois ans, j'ai interwievé les propriétaires ukrainiens de Demonoid [interview de la compagnie ColoCall [5]] et, en off, ils m'ont confié que la situation ne changerait que si les détenteurs de droits “achetaient” un membre du Parlement ukrainien qui ferait du lobbying pour faire voter la loi nécessaire. Personne alors ne voyait l'intérêt d'une lutte contre les trackers de sites pirates et ils (la compagnie ColoCall) ne faisaient que fournir un service d'hébergement, sans contrevenir à aucune loi ukrainienne. Il était intéressant de relire cette interview à la lumière des récents évenements.

J'ai l'impression que quelqu'un essaie de préparer les élections législatives, qui auront lieu en Ukraine le 28 octobre.

Précédemment, en février dernier, la plus grande plate-forme de libre échange de fichiers (accessible aux utilisateurs ukrainiens, contrairement au site Demonoid) avait été temporairement fermée à cause d'infractions répétées à la loi sur les droits d'auteur ; ses utilisateurs avaient lancé des attaques DDoS contre divers sites gouvernementaux, dont celui du président ukrainien et du ministère de l'Intérieur (Voir ici [6] un article de Tatiana Bogdanova, disponible en russe et en anglais). Voici déjà quelques mois que le fonctionnement de Ex.ua est rétabli, et plusieurs utilisateurs de Habrahabr.ru en ont fait mention dans leurs conversations :

smartlight:
Ils ont refait la même bêtise : ils ont fermé Demonoid, mais ex.ua fonctionne toujours.
esc:
La fermeture de Demonoid est une bonne occasion de faire du plat à l'Occident sans contrarier les électeurs locaux ;) [comme pour ex.ua ]

Andreï Tsikholias a écrit dans son blog [7] [en ukrainien] le 7 août :

Valéri Khorochkovski a bien su faire de la lèche aux Etats-Unis, et pas seulement à eux, mais aussi à leurs coteries de cinéma et de musique. Pour leur plaire, Khorochkovski a fermé Demonoid, dont l'hébergeur se trouvait en Ukraine.
Cela lui est bien égal que la fermeture du tracker n'ait aucune base légale (car il ne violait aucune des lois locales). En tout cas, maintenant il est accueilli chaleureusement de l'autre côté de l'océan.
Il faut reconnaître que Valéri Khorochkovski mérite la place d'honneur sur le site http://www.political-prostitution.com. J'espère que le portail ne le négligera pas et le rangera parmi les autres “héros” qu'il présente.

Sur la page Demonoid de Facebook [8](31 245 “like”), plusieurs utilisateurs étaient catastrophés d'apprendre la fermeture du site. Thomas Poterek a ainsi écrit [9]:

Allumez le bat-signal [pour appeler Batman], quelqu'un.. euh, pardon, je veux dire le signal Anon[ymous] !!

Patrick James MacGoran a écrit ceci [10]:

Maintenant, je sais par quelles affres passent les toxicos en désintoxication.

L'acte des autorités ukrainiennes n'a pas seulement provoqué un syndrome de manque (ou des “affres”) chez quelques-uns, mais a aussi réveillé l'anti-américanisme de ceux qui voient la fermeture de Demonoid comme un “cadeau” aux Etats-Unis. Sur le site TorrentFreak.com, par exemple, par exemple, un utilisateur anonyme a posté le commentaire suivant [11] [en anglais]:

Tôt ou tard, la merde entrera dans le ventilateur et se répandra sur l'industrie du divertissement et les Etats-Unis. Qu'est-ce que l'Ukraine compte recevoir en échange ? Quoi qu'il en soit, elle devrait y réfléchir à deux fois ! Une fois en si bon chemin, les Etats-Unis leur tiendront la bride haute, et leur feront faire ce qu'ils veulent quand ils veulent. A quel prix ! Il faut démettre le mec de ses fonctions, et le plus tôt sera le mieux ; sans oublier de bien lui expliquer pourquoi !

Ce qui me met en rage plus que tout, c'est ça : les Etats-Unis ne dirigent pas le monde, ils n'en ont pas le droit, et n'y ont pas intérêt. Alors pourquoi le monde se jette-t-il à leurs pieds ? Pourquoi permettre aux Etats-Unis de nous diriger ? C'est invraisemblable !

Cet article [12] [en anglais] sur le site TorrentFreak.com a suscité environ 900 commentaires. A un moment, quand les utilisateurs ont discuté des pays envisageables pour héberger Demonoid (“par exemple, l'Iran, qui ne fait pas allégeance aux Etats-Unis”), la Russie a été citée, mais a vite été éliminée.

Water is cool:
La Russie est en train d'examiner une loi pour mettre en place sa propre censure. Je ne sais pas exactement si cette loi a été finalement adoptée, mais j'ai entendu dire que oui, et qu'elle attendait la signature de Poutine (si quelqu'un a des informations à ce sujet, ce serait bien qu'il les ajoute). [La loi a effectivement été adoptée et signée.]

tyr:

De Charybde en Scylla.