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Maroc : La cérémonie d'allégeance au roi, un reliquat du passé ?

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Maroc, Cyber-activisme, Gouvernance, Jeunesse, Manifestations, Médias citoyens, Politique, Religion

La bay'a est le nom de la cérémonie annuelle d'allégeance durant laquelle les dignitaires de tout le Maroc prêtent allégeance au roi Mohammed VI [1]. Les détracteurs [2] de cette cérémonie y voient “un spectacle honteux de servilité et une marque d'archaïsme,” alors que ceux qui la défendent répondent qu'elle établit un contrat symbolique entre les Marocains et leur souverain.

A l'origine, la bay'a était un acte d'allégeance aux descendants du prophète Mahomet [3]. Le roi du Maroc est supposé descendre du prophète et tire une partie de son autorité de ce lignage vu comme sacré.

Abdelilah Benkirane [4] est le premier ministre en exercice. Dans une de ses déclarations [5] [en arabe] faites alors qu'il faisait partie de l'opposition, il avait décrit la bay'a comme “un rite honteux” et “une chose du passé”, ce qui a alimenté des spéculations. Le roi allait-il décider d'annuler la cérémonie de cette année ?

Mais à la grande déception des opposants à la bay'a, le mardi 21 août, la cérémonie a eu lieu  (vidéo mise en ligne par hespresslive [6]) :
http://youtu.be/3fyvy6KtJRA [7]
La bay'a suit un protocole strict ordonnant la façon dont les notables, les élus et les corps constitués se présentent devant le roi. Le monarque, enveloppé d'une tunique dorée, parade sur un cheval, protégé par sa garde personnelle, sous une ombrelle qui selon certains commentateurs [8] est le symbole cosmogonique de la monarchie. Les dignitaires se prosternent alors devant lui, en saluant bruyamment son statut de “Commandeur des croyants”, avant de se retirer avec déférence.

Beaucoup de Marocains ont suivi la cérémonie sur  Twitter, comme OnlyZineb qui tweete [9] :

Une cérémonie d’allégeance dégradante a lieu en ce moment même au Maroc où les dignitaires s'inclinent devant le roi comme des esclaves devant le maître #TwittoBayaa

Sur Facebook, plus de 1 000 personnes [10] ont promis de se réunir le mercredi, le lendemain de la bay'a, pour une “célébration publique de loyauté à la liberté et à la dignité”.

Un membre du groupe a écrit :

Je me prépare à une autre célébration au Maroc, une célébration alternative durant laquelle je déclarerai ma pleine allégeance au peuple marocain. Je le ferai avec un inébranlable sens de l'honneur, avec la conscience de ma pleine citoyenneté marocaine et avec mon irréductible dignité humaine ; je le ferai comme le ferait n'importe quel citoyen libre, debout, droit, fier et digne.

Ce rite insupporte le blogueur Larbi, qui a écrit [2] :

Mardi […] lorsque les images des prosternations feront le tour du monde, beaucoup de Marocains vivront l’instant comme un moment d’humiliation nationale.

Reda n'est pas d'accord. Il écrit [11]  :

je [me prosterne] a chaque fois que je rencontre mes parents […] sans que cela ne soit accompagne d’aucune dégradation a ma personne [certains esprits trop occidentalisés y verront de l'humiliation pas moi]

La bay'a est une cérémonie lourde de signification politique. Elle établit une relation hiérarchique au sommet de laquelle se trouve le roi. Ahmed voit la cérémonie comme un rappel du rapport de force entre le peuple et un monarque tout puissant et qui n'a aucun compte à rendre. Il écrit  [12][arabe] :

أعتقد أن محمد السادس أضاع على نفسه فرصة عند توليه “العرش” عند مشارف القرن الواحد والعشرين، أن يكون “ملكا مواطنا”، بقطع تلك العادات المشينة بكرامة الإنسان من ركوع وتقبيل اليد وأيضا ألقاب التعظيم والتمجيد..

Je pense que Mohammed VI a raté une occasion, quand il est monté sur le trône à l'aube du 21ème siècle, de devenir un “roi citoyen” pour se débarrasser de ces rites humiliants et honteux, dont les courbettes, le baise-main et l’idolâtrie.

Pour des informations sur la cérémonie “alternative” organisée par des activistes mercredi devant le parlement marocain, suivre le hashtag #TwittoBayaa [13] surTwitter.