Les tensions récurrentes autour des migrants “nomades” venus d'Europe de l'est ont à nouveau fait l'actualité cet été en France. Les démantèlements de campements illicites de Roms pendant l'été 2012, assumés avec fermeté par le nouveau ministre de l'Intérieur Manuel Valls, dans l'indifférence sinon l’approbation de la majorité des Français, ont suscité chez les défenseurs des intéressés une réaction désabusée. La Voix des Rroms en regrette presque le précédent ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, et ironisait sur Mille Babords :
Courage, gouvernement Ayrault ! Vous pouvez vous en sortir ! Nous, on s’en sort depuis 700 ans envers et contre tout. C’est juste une question de valeurs à respecter, et ce n’est pas très compliqué.
Le gouvernement français a annoncé, lors d'une réunion du 22 août 2012, des “solutions alternatives” pour améliorer la situation très précaire des quelque 15.000 Roms vivant en France, pour beaucoup dans des bidonvilles à la périphérie des agglomérations. Parmi ces mesures, un allègement des contraintes pesant sur l'accès au marché de l'emploi des ressortissants de Bulgarie et de Roumanie, dont sont originaires de nombreux Roms. Bien que citoyens de l'Union Européenne et bénéficiant à ce titre de la libre circulation, ils restent soumis en France à des mesures transitoires qui devront de toute façon être levées au 31 décembre 2013.
Confusion des termes
Roms, Rroms, Roumains, gens du voyage français, sédentaires… La confusion continue à régner en France entre les “gens du voyage”, français, mais qui ont un statut administratif particulier, et les nouvelles migrations de la misère, venues d'Europe de l'est pour le plus grand bénéfice des amalgames et clichés racistes. Dépêches tziganes veut rappeler le sens des mots, après cette constatation :
Une nouvelle fois tout se mélange ! Rroms et gens du voyage se trouvent associés aux idées de campements, de misère et d’expulsion du territoire. (…) Qu’importe que la très grande majorité des Rroms vivant en France sont citoyens français depuis de nombreux siècles, ils restent assimilés à des étrangers.
Déchaînement
Les internautes qui se sont déchaînés sur Twitter et les blogs dès l'annonce de cet accès facilité au travail, ne se sont pas embarrassés de ces distinctions. Mercredi, le mot-clic #ToiAussiTrouvesUnMétierPourLesRoms sur la liste des trends pour la France, rassemblait, dans une orthographe souvent aussi approximative que son intitulé, en majorité des calembours de plus ou moins mauvais goût et des stéréotypes racistes.
@Superskal: On peut envoyer les Roms en Syrie pour faire du ménage ?
#ToiAussiTrouvesUnMétierPourLesRoms (Note : Cet utilisateur a été suspendu depuis)
Jeu de mot, mais poétique :
@Soldat2Fortune:
#ToiAussiTrouvesUnMétierPourLesRoms astronautes pour aller voler les étoiles du ciel et les mettre dans tes yeux. Je suis un#ROMantique.
Emblématique des réactions courantes d'internaute, le titre sur le forum des Moutons enragés “Roms, c'est parti pour leur offrir des emplois en France” et ses quelques 100 commentaires en 24 heures :
Dl:moi je dit une chose net et clair, QU’ILS RETOURNENT CHEZ EUX;
tous cela finiras mal.Dudul: avant de s’occuper de la misère du monde, commençons par s’occuper de nos concitoyens dans le besoins, et en danger….
Chez les blogueurs, on est en peine de trouver des billets assez mesurés pour être cités.
Sur Tempus fugit… Berdepas s'étrangle, mais poliment :
Les 4.395.000 “demandeurs d’emploi” français seront heureux d’apprendre que le problème de l’emploi des Roms a trouvé une solution !!! Leur accès à l’emploi sera “facilité”, ce qui veut dire que ces gens qui, pour la plupart n’ont aucune qualification, aucune volonté sincère d’intégration dans notre société, bénéficieront d’un traitement particulier qui feront d’eux des “Roms d’exception” dans toute la Communauté européenne !!!
Le haut-fonctionnaire et ancien conseiller de Nicolas Sarkozy Maxime Tandonnet explique :
L’enrobage diffère un peu il est vrai : on ouvre (comme il est prévu par les traités européens) le marché de l’emploi aux Roumains et aux Bulgares. Tout le monde est content et fait semblant de croire que cette mesure est destinée aux roms… En réalité l’ouverture porte sur les Roumains et les Bulgares formés et qualifiés pour un métier, ce qui ne correspond pas forcément à la situation des populations en détresse vivant dans des squats et bidonvilles … (…)
Une procédure actuelle complexe, un allègement efficace ?
Le dispositif actuel d'accès à l'emploi pour les ressortissants de Roumanie et de Bulgarie assimile ceux-ci aux étrangers extra-européens. Obtenir un permis de travail est un parcours du combattant, avec les étapes suivantes : relever d'un des métiers en tension (14) de la liste officielle, obtenir d'un employeur une promesse de contrat de travail et le paiement de la taxe assise sur le montant du salaire, et enfin, obtenir de la préfecture une validation de la demande.
L'allégement ou la levée de ces “mesures transitoires” auront-t-ils un impact sur la situation économique de ces migrants ? Les associations se disent déçues, dans cette vidéo AFP visible sur Daily Motion.
Le blog Bienvenue chez les Rroms a approuvé d'avance la mesure, car
L'argument avancé par Manuel Valls selon lequel les solutions sont à trouver en Roumanie ou en Bulgarie est irrecevable et hypocrite car nous savons que ces deux pays n'ont ni les moyens, ni l'envie de traiter les Rroms comme des citoyens à part entière. La France n'a d'ailleurs pas de leçons à donner vu la manière dont elle traite ses propres “gens du voyage”, pourtant citoyens français.
La divine comédie prend sans hésiter le parti des Roms, mais voit un autre obstacle :
On nous annonce que le gouvernement Z'Ayrault va ouvrir les métiers en tension aux Roms. Je me marre …. Ce serait en effet bien que les Roms aient accès à certains métiers en tension, hôtellerie, restauration, BTP, métiers de service, aide à la personne. Mais vous le voyez quand vous passez devant un chantier ou quand l'aide ménagère vient visiter la mémé voisine, tous ces emplois sont cooptés par des Africains, majoritairement.(…)
Donc, pour que ça change vraiment maintenant, il faut plus qu'une volonté politique d'intégration. Il faut une volonté soutenue de la part des entrepreneurs et des recruteurs. Et cela sera beaucoup plus difficile à obtenir, parce qu'une fois que les habitudes sont prises il est difficile de faire dévier l'âne de sa trajectoire.
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