Les Ethiopiens, le peuple le plus secret du monde ?

Précédant la confirmation officielle du décès du Premier Ministre Meles Zenawi le 21 août 2012, le porte-parole du gouvernement éthiopien Bereket Simon avait fait savoir que celui-ci s'adresserait au pays le 1er septembre, pour le Nouvel An éthiopien.

Au cours d'un entretien [en anglais] à la radio-télévision australienne SBS, les journalistes lui ont demandé s'il remplissait correctement sa tâche et s'il livrait au public une information inadéquate. Sa réponse :

Nous constatons simplement le fait, ceux qui nous font confiance l'ont fait. Mais il y a ceux qui ne nous font pas confiance, surtout dans la diaspora d'Amérique du Nord et d'Europe, qui ont malveillants. Nous savons qu'ils ne nous croient pas et ne nous donnons pas la peine de les convaincre.

Meles Zenawi au Forum économique mondial de Dar es Salaam, Tanzanie, en mai 2010. Photo avec l'aimable autorisation du Forum économique mondial (CC BY-SA 2.0)

Pendant plus de cinquante jours rien n'a filtré officiellement pour les Ethiopiens de l'endroit où se trouvait le Premier Ministre. Puis sans transition ils ont appris de source officielle sa mort d'une maladie non dévoilée dans un hôpital non révélé d'un pays non précisé.

Ce n'est pas la première fois que les responsables éthiopiens dissimulaient au public une information importante. Les Ethiopiens seraient-ils le peuple le plus mystérieux du monde ?

Le journaliste polonais Rysard Kapuscinski déclara un jour que les “Ethiopiens sont les gens les plus secrets de la terre”, comme le souligne [en anglais] le journaliste et blogueur Graham Peebles :

Les Ethiopiens passent généralement pour secrets et méfiants : le grand journaliste polonais Rysard Kapuscinski, dans son oeuvre classique ‘Le Négus’, consacré au règne du dernier empereur éthiopien, Haïlé Sélassié et son premier cercle, écrit : “les Ethiopiens sont profondément méfiants et peinent à croire en la sincérité de mes intentions,” et ailleurs il va plus loin, affirmant que les Ethiopiens sont le “peuple le plus secret au monde.” Pour avoir vécu à Addis Abeba et travaillé avec les Ethiopiens pendant quelques années, mon expérience corrobore certainement les appréciations de Kapuscinski, que renforce le mot de René Lefort, auteur de ‘Ethiopie, la révolution hérétique’ : “vu l'histoire de l'Ethiopie, où le secret est une vertu cardinale”.

L'empereur Haïlé Sélassié a essayé de dissimuler la famine de 1973-74 famine. Photo du domaine public de la collection de photos  G. Eric et Edith Matson à la Bibliothèque du Congrès.

Le Négus Haïlé Sélassié est allé jusqu'à vouloir dissimuler la famine de 1973, continue Peebles :

Image et statut social ont une très grande importance dans la société éthiopienne. En 1973, alors que des centaines de milliers de gens mourraient de faim, Haïlé Sélassié et son gouvernement nièrent qu'une famine avait lieu dans le nord-est de l'Ethiopie, qu'on a appelée ‘la famine ignorée’ et menti au journaliste d'ITV David Dimbleby, qui rendait compte de la situation dans le Wollo que Sélassié et ses amis avaient tenté de cacher.

Un exemple encore plus ancien de la propension au secret de l'Ethiopie remonte au début du XXe siècle, lorsque la mort de l’empereur Menelik II a été dissimulée au public pendant des années. Lorsqu'il mourut en décembre 1913, il n'y eut aucune annonce publique confirmant officiellement son décès et son inhumation :

Un autre exemple de la tendance au secret confinant à la duplicité des Ethiopiens, donnant une image fausse ou mensongère, a été la manière dont la mort de l'empereur Ménélik II en décembre 1913 a été maintenue sous le boisseau. Il mourut et fut inhumé sans la moindre annonce publique, après avoir souffert d'une attaque qui l'avait laissé incapable de gouverner pendant plusieurs années. Et cela, pour un homme considéré par beaucoup comme le dernier empereur authentique.

Sur Twitter, Tamara, sous le nom @GovezMedia a rappelé :

@GovezMedia: #WhereisMeles (‘Où est Meles) me rappelle qu'un proffesseur [sic] m'a dit à Addis que la mort de Menelik avait été cachée des années #africanleaders

A l'instar du Premier Ministre, un autre Ethiopien de premier plan est aussi mort récemment : Abune Paulos, le patriarche de l’Eglise orthodoxe éthiopienne [en anglais] est décédé le 16 août. Sa mort a, elle, été annoncée aussitôt, même si le public continue à en ignorer la cause tout comme le nom de son successeur.

Ce billet a été relu par Jane Ellis.

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