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Corée du sud : La loi du “nom réel” sur Internet est anticonstitutionnelle

Catégories: Corée du Sud, Droit, Médias citoyens, Advox

La Cour suprême de la Corée du sud a décidé le 23 août 2012 que l'obligation pour les internautes d'utiliser leur véritable identité sur Internet était anticonstitutionnelle.

Extrait de l'article d'un média coréen, Kyunghyang Shinmun [1] :

Les juges ont unanimement voté que la clause 5 de l'article 44 de la Loi sur la promotion de l'information et l'utilisation des réseaux de communication et la protection de l'information, qui demande aux sites web avec une moyenne de fréquentation supérieure à 100 000 visites par jour de vérifier le nom réel de l'utilisateur lorsque lors de la publication des messages personnels sur le site, violait la Constitution ….

La décision du tribunal a été principalement basée sur le fait que la politique du vrai nom porte atteinte à liberté d'expression et de décision sur les données personnels des utilisateurs, ainsi que la liberté d'expression des opérateurs. Le tribunal a fait remarquer : “Si l'on veut restreindre la liberté d'expression, l'intérêt public qu'on en obtiendrait doit être clair”.

“Nous n'avons pas encore vu une forte baisse de publications illégales, et avec les utilisateurs qui fuient vers des sites à l'étranger, cette politique a provoqué une discrimination à rebours entre les entreprises nationales et étrangères. Compte tenu de ces facteurs, il est difficile de dire que nous avons contribué à l'intérêt public. “

Le parti Grand national parti [2] avait tenté de mettre en place un système de vérification du nom réel en 2003, mais il avait échoué en raison de l'opposition du public. Le parti avait ensuite promulgué une loi électorale qui obligeait les utilisateurs à vérifier leur véritable identité avant de publier des commentaires sur les sites web liés aux élections afin de contenir l'influence des médias en ligne sur les résultats des élections. En 2007, également une année d'élection, en utilisant la prolifération des calomnies anonymes en ligne comme prétexte, le gouvernement a étendu le système de nom réel aux sites web avec plus de 300 000 visites par jour. Mais en 2009, le nombre a été ramené à 100 000 visiteurs, ce qui obligeait la plupart des grands sites web à appliquer cette politique.

Le système de vérification du nom réel a été très controversé en Corée. Un article d'IT Times de janvier 2012 [3]a fait une analyse approfondie de la situation :

en raison de la politique du nom réel, les sites web sud-coréens sont devenus des cibles de choix pour le piratage à la fois  à l'intérieur et depuis l'extérieur du pays. Le nombre d'actes de piratage a atteint un niveau important l'an dernier, une série de cyber-attaques de haut niveau a prouvé que le système de nom réel était inapplicable – le cas le plus connu étant celui de SK Communications’ SNS Cyworld [4] [fr], qui a révélé des données  personnelles de plus de 35 millions de Coréens, plus de la moitié de la population nationale. D'autre part, les efforts pour lutter contre les discussions en ligne ont été largement inefficaces. Selon une étude de la KCC [5], des commentaires malveillants  représentait 13,9 pour cent de tous les messages publiés sur des forums Internet en 2007, mais ils n'avaient diminué que de 0,9 point de pourcentage en 2008, un an après l'entrée en vigueur de la réglementation. Le gouvernement coréen a en effet créé un système qui pourrait facilement être manipulé par des politiciens sans scrupules, ainsi que par des pirates mal intentionnés, tout cela au nom de l'ordre public.

Le gouvernement sud-coréen s'est également trouvé dans l'embarras lorsque YouTube de Google a refusé de se conformer à la vérification du système du nom réel en 2009. Affirmant que la liberté d'expression doit être respectée sur Internet, Google a désactivé les fonctionnalités vidéo et téléchargement des commentaires des utilisateurs accédant de l'intérieur de la Corée du sud. Mais les utilisateurs devaient simplement changer le réglage du pays pour pouvoir télécharger et commenter à nouveau sur le site, créant un vide juridique qui a suscité un vaste débat dans le pays. L'incident a poussé la KCC à procéder à un expertise juridique, et après avoir considéré s'il y avait lieu de sanctionner Google ou non, a décidé de l'exempter de la loi du nom réel, ce qui a ajouté l'huile sur le feu. Des sociétés coréennes qui avaient du se conformer à la loi – qui avaient soutenu des frais pour le développement du web, la surveillance et les coûts de sécurité – ont dénoncé la discrimination qui les avaient mises dans une situation désavantageuse dans la concurrence face aux entreprises multinationales.