Ce billet fait partie de notre dossier Relations internationales et sécurité.
Le 15 septembre 2012, le Daghestan, une république de Russie voisine de la Tchétchénie dans le Nord-Caucase, célébrait sa Journée de l'Unité Nationale [en russe]. Si ce jour férié semble toujours avoir un caractère forcé au Daghestan, la nécessité d'unité est indubitablement importante pour la région.
Le Caucase du Nord est une des régions de Russie à la diversité ethnique la plus grande, et le Daghestan n'y fait pas exception. Le groupe ethnique le plus nombreux, les Avars, ne représentent que 30% de la population et le reste est éclaté en une douzaine de petites nationalités.
Le clivage ethnique combiné à des niveaux élevés de chômage, c'est la volatilité assurée. Le leader d'opposition Edouard Limonov bloguait le 15 août [en russe] :
такое впечатление, что Дагестан вот-вот перестанет быть территорией Российской Федерации, потому что ежедневно мы узнаем о диверсионных актах,убийствах и нападениях […] Это уже классическое начало гражданской войны.
[On a] l'impression que le Daghestan va cesser d'être un territoire de la Fédération de Russie, parce que nous entendons parler chaque jour de sabotages, d'assassinats et d'attaques … C'est déjà un début classique de guerre civile.
Deux semaines plus tard les mots de guerre civile [en russe] étaient dans tous les esprits. Le 28 août, Saïd Afandi, un sheikh soufi et l'un des plus éminents érudits religieux du Daghestan, a été tué par une femme kamikaze [en russe]. C'est une musulmane salafiste qui s'est fait exploser, et l'assassinat était une manifestation de la tension entre les sunnites soufis traditionnels de la République et une mouvance fondamentaliste en plein essor, selon le blogueur daghestanais [en russe] Saïf Nuri.
Le blogueur el_murid soutient que la radicalisation des Daghestanais est due aux pressions sociales dans la région. Il affirme que le gouvernement corrompu dirigé par quelques clans puissants est le coupable [ru] :
Пока власть будет строить своё собственное персональное счастье за высоким забором и бронированными стеклами – до тех пор будут убивать шейхов и прятаться по лесам, лелея мечту о мести.
Tant que le pouvoir se construira son bonheur personnel à l'abri de hautes clôtures et de vitres blindées, ils massacreront les sheikhs et se cacheront dans les forêt en caressant des rêves de vengeance.
Le blogueur daghestanais zakir05 [en russe] pense que l'assassinat d'Afandi sonne la fin du dialogue pacifique entre soufis et salafistes :
Попытки провокаций для стравливания суфиев и салафитов уже предприняты. В Буйнакске 2 сентября лица «с зелеными тюбетейками» (такие тюбетейки носят суфии) похитили жителя города Сиражуддина Хасаева, салафита
Les tentatives de provocations pour dresser les uns contre les autres soufis et salafistes ont déjà eu lieu. A Bouynaksk, le 2 septembre, des individus “aux calottes vertes” (celles que portent les soufis) ont enlevé Sirajuddin Khasaev, un salafiste.
zakir05 est aussi pessimiste pour l'avenir [en russe] :
Почти все лето только и разговоры о том, что в сентябре-октябре в Дагестане начнется война. Плюс к этому еще разговоры, что активные военные кампании придерживают до сочинской Олимпиады.
Presque tout l'été on n'a parlé que de la guerre qui commencera en septembre-octobre au Daghestan. De plus on dit même qu'on retient les opérations militaires actives jusqu'aux Olympiades d'hiver de Sotchi.
Des prédictions de mauvais augure, que corroborent des mouvements de troupes. Il a été annoncé tout dernièrement qu'une division de parachutistes expérimentée dans la répression des insurrections va être cantonnée dans le sud du Daghestan [en russe].
Tous les blogueurs ne partagent pas ce pessimisme, et l'un d'eux a même essayé de détendre l'atmosphère [en russe] en plaisantant que si une bombe sale explose demain à Makhachkala (la capitale du Daghestan) les Daghestanais ne se laisseront pas émouvoir :
вечером в центре Махачкалы в кафе «LONDON» махачкалинцы будут рассказывать друг другу про этот взрыв, […] обсуждая у кого из родственников живших в зоне радиоктивного загрязнения прописаться задним числом, чтобы получить от государства компенсации.
… dans la soirée, au centre de Makhachkala au café “LONDON” les Makhachkaliens se raconteront l'explosion… et discuteront des noms parmi leurs parents vivant dans la zone radioactive sous lesquels s'inscrire rétroactivement, afin de recevoir des indemnités du gouvernement.
Ce billet, ainsi que ses traductions en français, arabe et espagnol ont été commandés par l'International Security Network (ISN) dans le but de faire entendre les points de vue des citoyens sur les questions de relations internationales et de sécurité. Le billet a été d'abord publié sur le blog de l’ISN, d'autres articles sont disponibles ici.