Cameroun : Les étudiants évaluent la protection sociale

Les stratégies de protection sociale sont encore en pleine évolution en afrique sub-saharienne. Cependant, quelques pays ont mis en place des systèmes qui permettent déjà d'évaluer l'impact des mesures prises après plusieurs décennies. Des étudiants au Cameroun ont donc examiné de plus près les politiques sociales publiques et les initiatives du secteur privé du pays.

Les fondamentaux du régime camerounais de sécurité sociale et ses faiblesses  

Le Centre des Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale (CLEISS) propose une synthèse du régime de sécurité sociale camerounais:

La sécurité sociale camerounaise comporte trois branches :

  • accidents du travail, maladies professionnelles,
  • prestations familiales,
  • invalidité, vieillesse, décès (survivants).

Les soins sont dispensés aux travailleurs par les employeurs dans le cadre du code du travail. Toutefois, depuis 1962, un certain nombre de soins sont dispensés, dans le cadre d'un service national de santé. La législation camerounaise de sécurité sociale ne comporte pas, en effet, de branche “soins de santé”. Les cotisations sont payées sur les salaires plafonnés à 300.000 francs CFA sauf pour les accidents du travail pour lesquels les cotisations sont payées sur la totalité du salaire. Le SMIG est égal à 28.216 francs CFA par mois pour 40 heures de travail hebdomadaire dans les entreprises non agricoles publics ou privées.

 

carrefour Biyem-Assi depuis une chambre d'hotel par Niluje (license creative commons)

Alex Okolouma, doctorant de l'Université de Yaoundé en 2008, argumente que depuis son implémentation au début des années 80, la sécurité sociale au Cameroun fonctionne mal à cause de 3 facteurs principaux: la crise financière, une inefficacité systémique et une absence de légitimité. Il explique :

Les difficultés éventuelles que peut rencontrer le système de sécurité sociale dépendent toutefois de la conjoncture dans laquelle il évolue, du taux d'activité dans l'économie formelle et de la gestion des fonds qui alimentent le régime. Si l'on prévoit une hausse des activités dans l'économie informelle chez les individus appartenant à la classe d'âge des actifs, alors cela ne peut que susciter la dégradation du ratio de dépendance du système. Plusieurs facteurs de dysfonctionnements ont été identifiés. Pour certains ces facteurs sont d'abord démographiques et macroéconomiques. Il y a l'arrivée à l'âge de la retraite de populations importantes de salariés pris en charge à l'époque de la croissance et bénéficiaires de pensions au moment où le nombre de cotisants a baissé considérablement. A ces facteurs structurels et financiers s'ajoutent également les évolutions négatives de la gestion interne (gestion financière et gestion administrative).

 

Okouloma préconise ainsi une nouvelle démarche:

Si ce système continue à fonctionner ainsi, sa viabilité sera dans un terme proche mise à mal. Il apparaît donc judicieux d'entreprendre la réforme du système camerounais de protection sociale. La mise en place d'un nouveau modèle de protection sociale va permettre de contribuer à l'extension et à l'amélioration du fonctionnement du système de protection sociale camerounais.

 

Le secteur privé et le marché du travail 

Boris Degloire SOUOP KAMGA, chercheur à l’ Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC), décrit le marché de l'assurance au Cameroun comme suit:

Le marché des assurances se caractérise par une faible couverture des risques industriels, un très faible taux de couverture des ménages, et une assurance-vie encore peu développée. Selon certaines sources, seules une maison sur 10 et une voiture sur deux seraient assurées. [..] Dans le secteur, 25 compagnies, 52 courtiers et 48 agents généraux se partagent un marché dont le chiffre d'affaires (mesuré par les primes émises) était de 94,2 milliards de FCFA en 2005. Parmi les 25 compagnies d'assurance établies au Cameroun, les cinq premières – Chanas, Axa, Saar, AGF et Activa – détenaient en 2005 environ 72,5% du marché. Les deux entreprises d'État (AMACAM et CNR) ont été liquidées.

 

Kamga pense que les assurances ont un rôle à jouer dans la relance de l'économie camerounaise. Pour se faire, il conclut que:

Les résultats auxquels nous sont parvenus attestent d'un réel besoin d'assainissement du secteur, étant entendu que le service des assurances est une nécessité impérieuse pour le développement de notre économie, la garantie des personnes et la sécurisation des affaires. Reste que, cet effort d'assainissement doit concerner aussi bien le cadre juridique d'exercice de la profession, les mesures incitatives pour ouvrir les services d'assurances aux diverses branches de l'activité économique, l'amélioration du processus de paiement des sinistres et/ou des engagements dus.

 

Un volet crucial du système reste le marché du travail et son rôle dans l'obtention des garanties minimum des mesures de protection sociale. Le taux de chômage reste une donnée nébuleuse au Cameroun. Les chiffres officiels de l’institut national de la statistique font état d'un taux de chômage à 4,4 % pour 2005 alors que le World Factbook publié par la CIA fait état d'un taux de chômage plutôt de l'ordre de 30 %. Au regard de l'importance de l'économie informelle, les experts opine qu’ il est aussi important d'examiner de plus près la productivité des employés en fonction de la sécurité donné par leurs contrats de travail.

Benjamin Fomba Kamga est actuellement un chercheur à IZA [en], un institut de recherche économique spécialisé dans le marché du travail. Kamga a écrit un article sur  “Les contrats de travail et le désistement au travail au Cameroun” [en]. Il conclut que :

The employees under short term contracts since their recruitment are more inclined to shirk as well as those who are permanent since their recruitment. Employees without social security are likely to cheat than those with social security and recruited permanently since the beginning

Les employés sous un contrat à durée déterminée sont aussi enclin à se désister du travail que ceux qui sont permanent depuis leurs rectrutements. Les employés sans une sécurité sociale sont plus susceptibles de se désister au travail comparé à ceux qui ont une sécurité sociale ou ceux qui ont obtenu un contrat permanent.

Les étudiants sont donc d'accord pour affirmer que la sécurité sociale comporte encore des inefficiences structurelles à corriger. Il ne reste qu'une volonté politique à affirmer pour le changement.

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