Note de l'éditeur : Les relations entre la population russe et les travailleurs migrants originaires des ex-républiques soviétiques, notamment d'Asie centrale, sont traditionnellement difficiles et marquées par les discrimations voire plus grave. Ce post, qui donne un point de vue russe à propos d'une récente polémique avec leTadjikistan, est une version retravaillée d’un article du blog de la journaliste Olga Tutubalina publié à l'origine sur le site de l'agence d'information de Douchanbé Asia PLUS. Global Voices a conclu un accord de partage de contenus avec Asia-PLUS.
“Les Fondateurs de la patrie”, la branche jeunesse du parti au pouvoir au Tadjikistan, le Parti populaire démocratique, a critiqué «Le guide du travailleur immigré» [pdf] (vous pouvez lire l'article de Global Voices consacré à ce guide ici, en anglais) qui vient de sortir en Russie. Le leader de cette branche, Adram Mirsaïdov, a déclaré que les illustrations contenues dans ce guide, qui représentent les travailleurs immigrés sous la forme d'outils utilisés dans le bâtiment, offensent et rabaissent le sentiment national des travailleurs immigrés tadjiks. «”Les Fondateurs de la patrie” demandent instamment aux services administratifs concernés de la Fédération de Russie de prendre des mesures pour assurer le retrait et la destruction du guide sus-cité», a-t-il dit.
On peut comprendre que ce guide déplaise. Pourquoi les auteurs l'ont-il conçu précisément ainsi, avec ces illustrations, on ne sait pas. On peut néanmoins supposer que la faute en incombe surtout aux Tadjiks eux-mêmes – apparemment, c'est justement aux balais, pinceaux et autres outils du bâtiment que sont associés les citoyens du Tadjikistan en Russie. Mais d'un autre côté, ce ne sont certainement pas des médecins spécialistes, des professeurs émérites ou de grands savants qui émigrent en Russie.
Ces images ont sans doute choqué beaucoup de gens ; d'autres, parmi les immigrés mêmes, se fichent d'être caricaturés, du moment qu'ils ont la possibilité de gagner leur vie.
Il est probable que ces manuels ne sont pas l'oeuvre de professionnels. Mais ce n'est pas sur ce sujet-là que le Parti populaire démocratique du Tadjikistan doit se faire faire des lunettes. Mais plutôt, ce qui est plus grave que le fait même d'avoir publié ce guide, sur cette hypocrisie coutumière vis-à-vis de ceux que l'on prétend défendre.
Cet épisode n'est en réalité rien de plus qu'un stupide malentendu, dont il n'y a pas à de tirer de conclusions profondes quant au nationalisme de la Russie. Regardons plutôt plus en détails comment cette Russie ennemie traite les immigrés tadjiks et plus généralement les citoyens du Tadjikistan, et ce que leur propre gouvernement fait pour eux.
Que fait la Russie ?
La Russie allonge la durée de séjour autorisée des citoyens tadjiks sur son territoire. Et aussi la durée du permis de travail.
La Russie envoie au Tadjikistan des dizaines de professeurs pour que nos enfants puissent recevoir une instruction. La Russie ouvre même des départements universitaires dans notre République.
La Russie ouvre sur son territoire des écoles pour les enfants d'immigrés.
La Russie permet, en droit, aux Tadjiks de travailler sur son sol. On pourrait objecter qu'elle aussi a besoin d'eux, or c'est le Tadjikistan lui-même qui ne peut pas se passer du marché du travail russe pour vivre.
La Russie (même s'il y a des contreparties ; elles ne touchent pas le simple citoyen) abolit les droits de douane sur ses produits pétroliers.
Que fait le Tadjikistan ?
Le Tadjikistan augmente les tarifs des appels téléphoniques vers la Russie.
Le Tadjikistan (dans les cercles gouvernementaux) s'est plus d'une fois posé la question de taxer les transferts de fonds en provenance des émigrés.
Le ministère des Finances réduit le niveau des prestations sociales des couches les plus pauvres de la population et des retraités.
Le Tadjikistan n'est pas en mesure de nourrir et chauffer son peuple. Ni de lui donner une éducation correcte et de lui garantir un travail bien rémunéré.
Par conséquent, arrêtez de parler de notre unicité et fierté nationales, il n'y a rien d'unique chez nous. Apprenez à vous respecter vous-mêmes. Non parce que vous êtes tadjiks, mais bien parce que vous êtes des êtres humains. Alors les autres commenceront à nous respecter aussi. Ce sont des évidences, mais visiblement, elles ont besoin d'être répétées.
1 commentaire
Great to see this translation before even the English version was published! Thanks, Miriam!