La crise politique s'installe à Sao Tomé-et-Principe

[Liens en portugais, sauf indication contraire] Ces derniers jours, la sphère politique de Sao Tomé-et-Principe a plongé dans un scénario de crise qui a entraîné une motion de censure au gouvernement, des scènes de pugilat à l'Assemblée nationale et une importante manifestation appelant à des élections anticipées.

Le 21 novembre  2012, les partis d'opposition – le Mouvement  de libération de Sao Tomé -et-Principe (MLSTP), le Parti de la convergence démocratique (PCD) et le Mouvement démocratique des forces de changement (MDFM) – avaient présenté une motion de censure contre le gouvernement minoritaire dirigé par Patrice Trovoada [en anglais] (du parti ADI, Action Démocratique Indépendante), qui a été approuvée par l'Assemblée le 29 novembre.

C'est la deuxième fois que Patrice Trovoada, le Premier ministre en exercice depuis août 2010, fait l'objet d'une motion de censure. La première a eu lieu en mai 2008, trois mois après le début de son mandat. Cette fois-ci, figure sur la liste d’accusations portées par les signataires de la motion de supposés “actes de corruption, s'être engagé dans des négociations avec les sociétés privées à l'étranger à l’insu des ministres responsables des secteurs concernés, sans en informer les organes de souveraineté et encore moins la population”, selon le Jornal Vitrina, qui ajoute :

Le gouvernement, en dépit d'un budget approuvé par l'Assemblée nationale, a tout simplement ignoré les amendements adoptés par l'Assemblée nationale et a mis en oeuvre un budget tout à fait différent de celui préalablement établi, contournant les budgets alloués, ce qui a produit comme conséquence immédiate la pénurie de médicaments dans les hôpitaux, révélant le mépris total du gouvernement envers les gens les plus démunis.

Luta dos Deputados no parlamento

Bagarre entre députés au Parlement (capture d'écran d'une vidéo sur YouTube)

 

 

 

Le conflit politique qui couvait a explosé  lors de la session parlementaire du 23 novembre et a conduit à des “scènes de pugilat” dans le Parlement entre les députés, comme on peut voir sur cette vidéo (à 4:50 minute). Ces incidents jamais vus ont conduit le Président de l'Assemblée nationale, Evaristo Carvalho (du parti au pouvoir) à la démission, et le mercredi 28 novembre, l'opposition a élu Alcino Pinto (MLSTP / PSD) pour le remplacer à cette fonction.

Le conflit qui a enflammé le Parlement a été commenté par le Président de la République dans un message adressé au pays le 26 novembre, dans lequel il appelle au dialogue en déclarant que c’est “la seule façon démocratique légitime de confronter les différents points de vue.”

Une citoyenne de São Tomé, Alda Santos, déplore les évènements qui ont eu lieu durant la session parlementaire :

La représentation du peuple de Sao Tomé-et-Principe au Parlement est devenue une véritable bouffonnerie, le Parlement est devenu un cirque où quand un clown sort, un autre rentre, et c'est ainsi que se déroule la vie quotidienne du Parlement !

Le 29 novembre, en désaccord avec la motion de censure et la nomination du nouveau président de l'Assemblée, le gouvernement a appelé le peuple à lui manifester son soutien, ce qui a fait converger des milliers de personnes de différentes régions de Sao Tomé-et-Principe vers les rues de la capitale et  le siège du gouvernement, où ils se sont  rassemblés avec des affiches et des slogans tels que “Le peuple élit, le peuple destitue”, “Patrice tombe, Pinto aussi tombe !” et “Elections anticipées tout de suite !”, entre autres, pour exprimer leur soutien au parti de Patrice Trovoada.

L'actuel ministre de l'Éducation, Olinto Daio, un membre du gouvernement mis en cause par la motion de censure, a partagé une série de photos sur sa page Facebook.

Le sociologue et activiste numérique de Sao Tomé, Humbah Aguiar, a enregistré une vídéo dans laquelle il explique la situation actuelle :

Sao Tomé-et-Principe vit une crise politique parlementaire. Les députés de l'opposition, qui sont en majorité, font tomber le gouvernement en approuvant une motion de censure lors d'une session parlementaire où les membres du parti au pouvoir étaient absents. Ce qui se passe est que les partis de l'opposition ne veulent pas d'élections anticipées et que le parti au pouvoir les veut.

Dans le message adressé au Premier ministre, aux partis d'opposition et au Président de la République, il fait appel à un dialogue entre les politiciens et demande aussi de mettre à l'ordre du jour des élections anticipées :

Lauro José Cardoso a partagé sur Facebook une note intitulée Patriotisme versus Non patriotisme:

Notre drapeau démocratique s'est perdu en chemin et je doute sincèrement qu'il l'ai jamais trouvé parce que la réalité montre que le passé n'a servi ni de boussole ni d'inspiration. Cependant, ceci nécessite une révolution mentale et tous les citoyens de São Tomé-et-Prince qui se sentent vraiment concernés devront se battre pour cette révolution contre les tricheurs. Il nous faut des héros et je ne parle pas de Batman, de l'homme-araignée ou de Superman, je parle de nous, êtres humains défenseurs de notre patrie du leve-leve [Ndr, signifie en général “doucement, doucement” et décrit “l'attitude délicieuse et décontractée des citoyens de São Tomé-et-Príncipe”]. Le patriotisme est la solution principale. Il ne se produira pas de changement sans engagement, ni d’espoir sans confiance. Donc, prenons le chemin inverse de ces tricheurs, réparons les nid-de-poules, et arrêtons cette pagaille !

On attendait du Président de la République, Manuel Pinto da Costa, qu’il fasse une déclaration sur la motion de censure dans les heures suivant ces incidents. Le pays semble se diriger vers des élections anticipées.

Écrit en collaboration avec  Mário Lopes.

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