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Bangladesh : Passivité des journalistes lors du lynchage d'un passant

Catégories: Bangladesh, Droits humains, Manifestations, Média et journalisme, Médias citoyens, Photographie, Politique

(Liens en bengali) La journée des Droits de l'Homme a été célébrée au Bangladesh ce 10 décembre [1], permettant de porter sous les feux de la rampe de l'actualité et auprès des autorités législatives, la voix des femmes, des jeunes, des handicapés, des pauvres, des minorités et de toutes les autres personnes du pays au sujet des droits humains. Mais en ce même jour le visage ensanglanté du jeune Biswajit Das [2] a fait la une de tous les journaux et magazines du pays et les grands titres des chaînes de télévision. Il a perdu la vie lors d'une confrontation entre les partisans du pouvoir et ceux de l'opposition. Les cadres de la section étudiante du parti au pouvoir l'ont pris pour un militant de partis adverses et l'ont poignardé à plusieurs reprises avec des armes acérées. Il est décédé lors de son transport à l'hôpital. Cet événement s'est produit le dimanche 9 décembre lors d'une opération de barrages routiers de huit heures, suite à l'appel des partis de l'opposition.

La photo et la vidéo montrant Biswajit Das se faire poignarder se sont répandues sur Facebook et Twitter. Elles étaient visibles sur le mur de nombreux utilisateurs de Facebook. Beaucoup les ont partagées et ont exprimé leur peine. Certains se sont révoltés en s’imaginant à la place de Biswajit.

Clashes on The Street [3]

L'opération nationale de barrages routiers organisée par l'alliance de 18 partis d'opposition s'est terminée par des affrontements qui ont fait quatre morts. Des actes de vandalisme et des incendies volontaires ont émaillé le pays. Photo Ibrahim. Copyright Demotix (9/12/12).

Pavel Mohitul Alam [4]a écrit sur Facebook :

Lors du blocage, un passant du nom de Biswajit Das a été poignardé à mort par des militants de la Chattroligue. Je suis aussi un piéton. Je m’imagine à la place de Biswajit. Il n’existe aucune différence entre Biswajit et vous et moi. Aujourd’hui, Biswajit a été assassiné. Demain, qui me donnera la certitude que je ne serai pas tué en marchant simplement dans la rue ? Biswajit n’a pas eu droit à une mort naturelle. Ni vous ni moi n’y aurions eu droit.

Au Bangladesh, de nombreuses personnes ont déjà été victimes de rivalités politiques. Mais malheureusement, aucun meurtre n’a été jugé. Le blogueur Rasel Parvez [5] a écrit :

…  Les personnes comme Biswajit vivent comme l’une de toutes ces personnes civiles tellement invisibles que même sa mort, bien qu’injustement politique, ne représente plus rien dans les faits.

 

Les média critiqués

De nombreux journalistes de presse écrite et de télévision étaient présents sur le lieu lorsque Biswajit a été poignardé. Aucun  d’entre ne s’est approché pour le sauver. Cependant, tous s’occupaient à couvrir l’événement. Cet aspect a été vivement critiqué sur Facebook.

Murtala Ramat [6] a écrit :

La personne tremble, les coups pleuvent sur elle, elle est train de mourir ! Et les journalistes sont trop occupés à prendre des photos ! Ils ne prennent même pas le temps d’appeler une ambulance pour la personne ensanglantée ! C’est finalement un rikshawala (conducteur de rickshaw) qui s’est approché ! La question qui se pose est : le journalisme efface-t-il l’humanité ?

[7]

Les photographes et les caméras de télévision prenaient des photos et des vidéos lorsque de simples piétons étaient agressés pendant les affrontements entre les manifestants et contre-manifestant. Photographie d’Ibrahim. Copyright Demotix (9/12/12)

Ali Sayed Mahbub [8] a écrit :

…. Il y a grève encore mardi. Je dois me rendre au bureau. Je serai à pied. Je tomberai sur des manifestations. Des cocktails explosifs éclateront. J’aurai peur et je m’enfuirai en courant. La Chattroligue, le Chattrodol ou le Chattroshibir penseront alors que j’appartiens à l’autre camp. Ils me lacèreront alors avec leurs sabres et me tueront.

40 employés de 20 chaînes de télévision, 40 journalistes de 20 agences de presse, des policiers en grand nombre, une foule immense, tous assisteront à ma mise à mort, ils en garderont une vidéo. Contre 10 barbares armés de sabres, une foule de 100 personnes ne lèvera pas un doigt. Ils en feront la vidéo- le meurtre fera augmenter les ventes de presse. La mort d’un simple civil comme moi prendra alors une grande valeur.

Ekramul Haque Shamim [9] a posté la photo ci-dessous et a écrit :

Dans le quartier des tribunaux, dans le vieux Dacca, Biswajit Das a été frappé à coup de barres de fer et poignardé de façon répétée. Bien qu’il ait crié son innocence à de nombreuses reprises, il n’a pas eu la vie sauve. Tellement de personnes l’ont vu, filmé pour les éditions spéciales des media, mais personne n’a tenté de sauver Biswajit Das !

Fire on vehicles [10]

Lors du blocage, la coalition de 18 partis dirigée par le BNP a incendié des véhicules à Kanchpur et Narayanganj. Photographie prise par Ibrahim. Copyright Demotix. (9/12/12)

En réponse à la critique des média faite par Ekramul Haque Shamim, le photographe Hassan Bipul [11] s’est exprimé :

Je ne peux l’accepter en aucune manière Shamim. Une personne doit s’en tenir à son travail. Le premier à devoir la protection à ce garçon est l’Etat et la première initiative de protection de l’Etat devait venir de la police. Les média n’assurent pas la sécurité de la population.

PsychoSaika a posté un tweet [12] :

@princess_saika [12]« T'es un homme, ou un journaliste ? »  Cela pourrait vraiment être une insulte d’actualité!