Ce billet fait partie de notre dossier central Relations Internationales et Sécurité.
Les médias israéliens ont connu des changements importants ces dernières années. L'augmentation des contraintes économiques a exacerbé la compétition entre les organes de presse, qui s'affrontent pour les parts de recettes publicitaires. Cependant, comme le marché sur lequel ces organes de presse opèrent est relativement restreint, beaucoup d'entre eux font face à de sérieux problèmes financiers. Cela a touché le journal quotidien Maariv, qui a récemment été vendu à un éditeur de droite, en conséquence de quoi bon nombre d'employés s'attendent à perdre leur emploi. Les employés de Channel 10 et du seul quotidien israélien de gauche, Haaretz, pourraient bien subir le même sort.
Les soucis financiers ouvrent dès lors la possibilité d'un déclin de l'indépendance des journalistes, qui pourraient devenir moins enclins à aller à l'encontre des souhaits de leur éditeurs et managers, qui doivent eux-mêmes rendre des comptes aux propriétaires des organes de presse. Dans un billet publié récemment sur le blog The 7th Eye, le Professeur Gabriel Weimann contestait l'opinion selon laquelle les médias israéliens deviendraient de plus en plus subjectifs et partisans pour des raisons idéologiques. Selon lui :
מה שמניע מגמה זו בישראל אינו הזדהות אידיאולוגית, אימוץ גלוי ואמיץ של אג'נדה חברתית או מחויבות ארוכת טווח לקו פוליטי. מי שמעצבים תהליך זה בישראל הם שיקולים תחרותיים, עסקיים ויוקרתיים.
…הזדהות עם או יציאה נגד מנהיג פוליטי או מפלגתו אינן בחירות מערכתיות המבוססות על בחינת עמדות והערכות בדבר נכונות הדרך. אלו בחירות המונעת לעתים על-ידי שיקולי תחרות (“אם המתחרה שלי הוא בעד, אז אני נגד”), ולעתים על-ידי רשת סבוכה של קשרים עסקיים, שותפויות בבעלות צולבת של תקשורת ועסקים.
La cause de cette tendance en Israël n'est pas une identification idéologique, ni l'adoption sans fard et courageuse d'un programme social ou encore un engagement de long terme pour une vision politique. Ce qui façonne ce processus, c'est la compétitivité, les considérations financières et le prestige.
(…)
Le soutien ou l'opposition à un dirigeant politique ou à son parti ne sont pas des choix basés sur une vision du monde ou sur l'analyse de la justesse des idées de ce dirigeant. Ce sont des choix qui sont souvent motivés par des considérations de concurrence (“si mon concurrent est pour lui, je suis contre”) et parfois par un jeu complexe de liens commerciaux et de propriétés entrecroisées d'entreprises et d'organes de presse.
Le désir de se conserver un grand nombre de téléspectateurs, auditeurs ou lecteurs a accru l'importance de l'audimat et le souhait des organes de médias de ne pas traiter de sujets pouvant nuire à leur audience. Les organes de médias israéliens s'efforcent de renvoyer à leurs audiences l'image que la société israélienne aime avoir de son pays : moral et puissant qui n'agit que pour se défendre. C'est une des raisons pour lesquelles le traitement du conflit israélo-arabe se montre généralement très compréhensif pour le discours officiel du gouvernement israélien.
La couverture médiatique de la mort de Anwar Abdul Hadi Qudaih, un Palestinien de 20 ans tué près de la frontière de Gaza, illustre ce parti pris. Les soldats de l'Armée israélienne avaient ouvert le feu sur Anwar après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu signé entre le Hamas et Israël, suite à l'Opération Pilier de Défense. Les médias israéliens ont suivi la ligne officielle de l'armée, qui faisait valoir le fait que Anwar ainsi que 300 autres manifestants avaient tenté de passer illégalement la frontière et d'entrer sur le territoire israélien. Une vidéo des événements a démontré que le nombre de manifestants était en fait plus proche de 30 et qu'ils n'étaient pas près de la clôture quand l'armée a tiré sur Anwar.
Le blogueur Ishton, qui a écrit un billet détaillé sur les divergences entre la version des médias israéliens et la réalité, affirme que :
זה לא רק צה”ל שמפעיל כוח בלתי סביר בעליל, אלא גם התקשורת. ומה נותר לנו? לחפש באתרי חדשות מהעולם את האמת? לכתוב פוסט שיקרא על ידי אלפים בודדים ויותיר מיליונים חשופים לאש החיה של התסלופת הישראלית? כמו עם הפלסטינים, כמו עם אנואר, זה פשוט לא כוחות. כנגד סרטוני יוטיוב ופוסטים בשולי השוליים, עומדת התקשורת ומפגיזה את הקורא – אם בידיעות מעוותות ואם בחוסר ידיעות על האמת… אתם, העיתונאים והעורכים, החתומים על הכתבות הללו, מרגישים בנוח בגלימה השחורה, שאיש לא התיר לכם ללבוש. אתם חורצים את דינם של אנשים, שלא נותר להם בית משפט אחר מלבד התקשורת (כי בתי המשפט שלנו לא יקשיבו להם). ובמחיקתם וסילופם, בכך שאתם “רק עושים את תפקידכם” כשופרי דובר צה”ל, אתם אינכם מדווחים את המצב, אלא מייצרים ומנציחים אותו.
Il n'y a pas que l'Armée israélienne qui emploie une force excessive, les médias aussi. Que nous faut-il donc faire ? Faire une recherche sur les sites d'informations internationaux pour connaître la vérité ? Ecrire un billet de blog qui sera lu par quelques milliers mais laissera des millions de personnes en proie à la propagande israélienne ? Tout comme dans le conflit [entre Israël et] la Palestine, on ne se bat pas à armes égales. Contre des vidéos sur YouTube et des billets de blogs marginaux, s'élèvent les médias, qui bombardent le lecteur de fausses informations ou se contentent de ne pas exposer la vérité… Vous, les journalistes et les éditeurs, qui êtes responsables de ces reportages, vous vous sentez à l'aise dans vos robes noires [de juges], que personne ne vous a autorisés à porter. Vous décidez du destin de gens qui n'ont plus de recours qu'auprès des médias (car la Justice ne veut pas les entendre). Quand vous déformez la vérité ou que vous l'effacez, quand vous ne “faites que votre travail” en tant que porte-paroles de l'armée, vous ne rapportez pas la situation, vous la créez et vous la perpétuez.
Les journalistes citoyens et les blogueurs comblent de plus en plus les vides laissés par la couverture médiatique des médias israéliens traditionnels. Des blogueurs tels que Ishton, Idan Landau, Yossi Gurvitz, Haggai Mattar, Noam Rotem, et Yair Kaldor se font commentateurs de l'actualité sur des sujets souvent négligés par les médias traditionnels en Israël.
L'article et ses traductions en espagnol, arabe et français ont été commandés par International Security Network (ISN) dans le cadre d'un partenariat destiné à faire entendre les points de vue des citoyens sur les relations internationales et les questions de sécurité à travers le monde. Cet article a d'abord été publié sur le blog de l'ISN. Voir d'autres articles ici.