Les Noms de domaine, une liberté à protéger.

(Billet d'origine publié en espagnol le 16 novembre 2012)

Internet ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui si, chaque fois que l'on voudrait aller sur un site web il fallait entrer une longue série de chiffres ou une combinaison de chiffres et de lettres. Devoir, par exemple, écrire 173.194.42.19 pour accéder à Google ou 72.21.214.128 pour Amazon refroidirait la majorité des utilisateurs et serait contraire la notion de libre accès qui est le propre du Net.

Actuellement, pour fonctionner, Internet a seulement besoin des mots: “Google”, “Amazon”, “Yahoo”. Il suffit de les écrire sur notre clavier pour aller là où nous le désirons. Les ordinateurs où d'autres dispositifs se chargent du reste.

Ce processus fonctionne grâce au Système des noms de domaine (DNS). Le DNS associe les noms de sites ( google.com par exemple) avec de longues et complexes adresses numériques permettant entre autres choses d'associer un nom de domaine et une adresse IP (celle qui nous donne de manière univoque l'endroit  où le site se trouve sur le web).

Les noms de domaines peuvent aussi être, par eux même l'expression d'une opinion. On comprend ainsi que la tâche de ceux qui administrent les domaines génériques d'Internet – gTLD selon le sigle anglais (c'est à dire le .com) et les codes de pays – ccTLDs- ( les “ar”,   br, fr, par exemple) mérite d'être analysée.

L’Initiative pour la liberté d'expression sur Internet (iLEI), un programme spécial du Centre d'étude sur la liberté d'expression et l'accès à l'information à l'Université de Palermo en Argentine, aborde dans sa nouvelle étude les relations entre liberté d'expression et noms de domaines et la façon dont divers pays les administrent.

Qui est administrateur?

La fonction d'administrateur des noms de domaine est cruciale pour qu'Internet puisse fonctionner correctement et pour que les sites puissent être trouvés aisément par les utilisateurs. Une quantité aussi grande de pages requiert un contrôle et une coordination.

C'est le travail que réalise la Société d'Internet pour l’Attribution de noms et numéros (le sigle en anglais est ICANN). Entre autres activités, ICANN se charge de définir les règles de fonctionnement du système et de coordonner au niveau mondial l'architecture du DNS.

Image via Shutterstock, copyright: dencg

ICANN ne se charge pas de l'administration et de l'attribution de tous les gTLDs et ccTLDs. Pour les gTLDs, il délègue ce rôle à des entreprises et pour les ccTLDs qui nous intéressent particulièrement à des organismes administrateurs dans chaque pays.

L'Initiative pour la liberté d'expression (l'iLEI) rappelle dans ses travaux que les noms de domaines peuvent être considérés comme des formes d'expression. L'ingérence d'un État au moment de l'attribution ou de la modification d'un nom de domaine peut-être à l'origine d'un préjudice pour les utilisateurs et propriétaires dans l'exercice du droit fondamental à une libre expression.

Modalités d'administration de ccTLDs

Les divers administrateurs de ccTLDs dans le monde se partagent différentes fonctions,  attributions et responsabilités. On peut noter les fonctions élémentaires d'enregistrement, d'assistance aux membres enregistrés ou aux entités qui les représentent, de représentation des domaines. Les administrateurs de ccTLDs ont adopté des modalités se travail  qui, du point de vue de l'exercice du droit à la liberté d'expression présentent des avantages et des inconvénients.

Il y a d'un côté ce que l'on pourrait appeler le “modèle Administrateur” à ingérence élevée de l'État. Dans ce cas l'administration du ccTLD se trouve sous la coupe du gouvernement et ne peut compter sur l'intervention d'autres secteurs. Un exemple est le modèle du Venezuela qui administre à travers la Commission nationale des télécommunications (CONATEL), un organisme qui dépend du ministère du Pouvoir Populaire pour les Télécommunications et l'Informatique. Avec quelques différences, la Chine est un autre exemple de ce type modèle d'administration. Dans ce pays c'est l’Académie des Sciences de Chine, qui dépend du ministère chinois de l'industrie informatique et qui contrôle le CNNIC chargé d'administrer le “CN”.

L'inconvénient évident que présente ce modèle est que si l'on considère le nom de domaine comme l'expression d'une opinion d'intérêt public ou d'une critique politique, plus lourd sera le contrôle du gouvernement, plus grande sera la méfiance au moment d'enregistrer ou de modifier les domaines qui peuvent être le lieu de critiques politiques.

Autre modèle, celui que l'on pourrait appeler “Ensemble des Parties Intéressées”. Il autorise la participation d'entités publiques mais également de la société civile. C'est le cas du Brésil, où NIC.br, une entité civile à but non lucratif, met en oeuvre les décisions du CGI.br (comité de gestion de l'Internet). C'est une entité mixte constituée par des représentants de l'administration, du secteur privé, de la société civile, et d'experts. C'est aussi le cas du Canada où l'enregistrement relève de l’Autorité Canadienne d'enregistrement d'Internet (CIRA) dont les membres sont élus par les utilisateurs.

Une administration en harmonie avec les standards internationaux.

Pour l'iLEI, l'idéal serait que les Etats puissent compter sur des administrateurs d'enregistrement et de modification de domaine indépendants de toute ingérence gouvernementale. Pour aller dans cette direction les modèles où participent tous les secteurs intéressés semblent un exemple à suivre. De plus, lorsqu'on opte pour une administration par l'Etat, il faudrait garantir une structure institutionnelle empêchant les ingérences gouvernementales. Pour y arriver, il est fondamental d'assurer la stabilité fiscale des administrateurs et de faire en sorte que leurs renouvellements passent par des procédures spéciales empêchant les décisions arbitraires.

Dans tous les cas, si l'on considère que le nom de domaine est une forme d'expression et d'opinion, les administrateurs devraient prendre en compte des standards internationaux qui garantissent l'exercice du droit d'opinion et d'expression. Ils devraient être en accord avec la Déclaration spéciale pour la liberté d'expression de la commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) pour les expressions à contenu politique qui méritent le plus haut niveau de protection. Il ne faut pas oublier qu'une réponse négative à l'enregistrement d'un nom de domaine peut-être liée à son contenu, ce qui équivaut à une censure préventive, expressément interdite par la CIDH.

Il est également préférable de tenir compte du Commentaire Général numéro 34 de l'article 19 de l’Accord international sur les droits civils et politiques qui stipule le droit de ne pas être attaqué à cause de ses opinions.

Une bonne adéquation à ces standards des procédures utilisées par les administrateurs locaux de Domaines, garantira aux utilisateurs l'exercice de leurs droits d'expression en ligne.

2 commentaires

Ajouter un commentaire

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.