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Pourquoi Rajoelina renonce à être candidat aux présidentielles à Madagascar

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, France, Madagascar, Dernière Heure, Élections, Gouvernance, Histoire, Médias citoyens, Politique, Relations internationales
Andry Rajoelina annonce candidature [1]

Andry Rajoelina sur wikipédia. License Creative Commons 3.0

Avec l'annonce du retrait de la candidature [2] du président de la transition Rajoelina qui suit celle de l'ex-président Ravalomanana en décembre 2012 [3], les malgaches auront donc un nouveau président en 2013, sous réserve que les élections auront bien lieu dans les délais prévus par le calendrier électoral. De nombreux observateurs sont sceptiques quant à la tenue des élections au regard des déclarations de Rajoelina sur ses souhaits sur le déroulement des élections.

Après près de quatre ans de crise et des changements de positions à répétition des leaders politiques, les observateurs se demandent si un énième revirement n'est pas à craindre.

Andry fait partie des ces sceptiques [4] [en] :

Are we really sure that he will sit and admire the landscape? Even if he made an official declaration to the nation, to all Malagasy people, what guarantee do we have that he will keep his words? It is not the first time that he denied his own signature

Peut-on vraiment être sûr qu'il va rester assis sagement et juste admirer le paysage ? Même après sa déclaration officielle à la nation et à tous les malgaches, quelles garanties avons nous qu'il va rester fidèle à ses propos ? Cela ne sera pas la première fois qu'il revient sur ce qu'il a déjà signé.

Maurice Beranto, un des candidat aux élections présidentielles, pose une question similaire sur son blog [5] :

Beaucoup d’entre nous, et moi en premier, se sont toujours demandé pourquoi autant de tergiversations face à une évidence. Comment pouvait-on effectivement imaginer que le président de la transition  pouvait se présenter à une élection qui va sceller la fin de la transition qu’il préside ? [..] En second lieu, en estimant que les législatives devraient être organisées avant la présidentielle, Rajoelina montre qu’il n’a pas pris cette déclaration de non participation à la présidentielle de gaité de cœur. Au lieu de calmer le jeu définitivement,  il va continuer à mettre de l’huile sur le feu..

 Rabelazao [6] se demande aussi si il n'y a pas des objectifs non-avoués sur le fait d'organiser les élections législatives avant les présidentielles alors que la décision a déjà été prise depuis plusieurs mois par la Commission Electorale Nationale Indépendante pour la Transition CENI-T [7]. Il écrit sur twitter [mg]:

@Rabelazao [8]@harinjaka [9] kajy ankandrina daholo izany e! tsy hilatsaka ho fidiana ho prezida aho, de ahemotra aloha ny fifidianana prezida. fetsepr

@Rabelazao [8]@harinjaka [9] C'est une ruse ! Je ne suis pas candidat alors je repousse le plus possible les   élections présidentielles. Malin..

Jack va plus loin dans l'analyse des raisons pour lesquelles Rajoelina insiste sur les élections législatives avant les présidentielles [10]:

Si il réussi à faire passer les législatives en premier, et toujours président de la transition, celles-ci se dérouleront de la même façon que le référendum. Le TGV sera majoritaire et une session parlementaire exceptionnelle transformera dans les 8 jours la constitution en semi-présidentielle. Il sera désigné premier ministre.

Rajoelina a répondu lui-même à cette hypothèse lors d'un interview avec RFI, évoquant un scénario similaire à celui qui s'est produit en Russie avec V. Poutine. Voici des extraits de cet interview avec Christophe Boisbouvier [11] :

CB: Vous vous posez en homme d’Etat. Y a-t-il un homme dont vous vous êtes peut-être inspiré, avant de faire votre choix ?

AR: Il y a deux personnes, effectivement. Un homme qui a beaucoup souffert, mais qui a gagné son combat : Nelson Mandela. Et puis, du côté européen, pourquoi pas, je ne serais pas le de Gaulle malgache?

Que retenez-vous, justement, de de Gaulle ?

Prendre une décision de se retirer au moment voulu. Mais le peuple s’en souviendra. Et c’est le peuple même qui réclamera celui qui doit diriger son pays, au moment voulu.

[..] Est-ce que vous envisagez un scénario à la Poutine ? Votre candidat est élu, vous devenez son Premier ministre et vous revenez en 2018 ? 

Aujourd’hui, on n’a pas encore mis sur table de stratégie.

Donc, vous n’excluez pas ce scénario à la Poutine ?

Nous allons voir. Mais vous en serez beaucoup plus dans quelques semaines.

Patrick sur Madagascar Tribune détaille la valse d'hésitations avant cette annonce et  explique que les risques juridiques qu'encouraient Rajoelina avaient peut-être poussé ce dernier à renoncer à être candidat [12]:

Le plus difficile avait bel et bien été obtenu avec le désistement de Marc Ravalomanana, car celui-ci avait toujours semblé plus rétif que son rival sur ce point. Toute résistance semblait désormais futile : au cas où la perspective de sanctions financières contre Madagascar n’avait pas été suffisamment dissuasive, il aurait par exemple suffi à la Justice française de se déclarer compétente vis-à-vis d’une plainte déposée en France par un binational franco-malgache pour mettre Andry Rajoelina et ses proches dans un sérieux embarras

Quelque soit le prochain renversement de situation d'une année 2013 qui s'annonce riche en surprises, la pléthore de candidats qui restent aura une tâche ardue devant elle. En marge des conditions souhaitées par Rajoelina sur le déroulement des élections,  la préparation du processus électoral se heurte à de nombreux obstacles, comme le financement des coûts de préparation.  Un rapport précise que “13 millions de dollars [13] pour financer l’organisation des élections restent à trouver”. Cependant, la CENI-T ajoute que [14] :

Le Ministère des Finances et du Budget a octroyé 3 milliards d’ariary de plus à la CENI-T la semaine dernière. Ces fonds feront partie du budget de fonctionnement interne de l’institution indépendante. L’Etat reste la principale source de financement pour le bon déroulement des activités dans le processus électoral

Le contexte économique est toujours aussi tendu à Madagascar. Le dernier rapport de la Banque Mondiale sur la pauvreté à Madagascar est pour le moins alarmant [15] :

Selon ses prévisions, la pauvreté frapperait 84% de la population de Madagascar en 2013. En 2010, 77% des 20 millions d'habitants survivaient dans des conditions de vie difficile, avec 0,78 euro par jour [..] Chômage, inflation, baisse du pouvoir d'achat des ménages, tous les voyants sont au rouge.