- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Sri Lanka: réactions à la destitution de la Présidente de la Cour Suprême

Catégories: Asie du Sud, Sri Lanka, Droit, Gouvernance, Manifestations, Médias citoyens, Politique

[Liens en anglais] La destitution de Shirani Bandaranayake [1], 43ème Présidente de la Cour Suprême de Sri Lanka, a été le principal sujet de discussion dans tout le pays. Bandaranayake a eu une carrière universitaire et son manque d'expérience dans le domaine judiciaire a conduit à plusieurs manifestations d'avocats et de juges lors de sa nomination en 2011. Des allégations d'abus de pouvoir et de dissimulation de revenus et de capitaux à l'étranger ont été faites contre elle. Elle dit [2]ne pas être coupable des charges que le gouvernement a retenues contre elle. Cependant, on soupçonne que les procédures de destitution ont été déclenchées par une opinion largement défavorable en raison de son invalidation du Divenguma Bill [3] (projet de loi Divenguma). Le blog Law and Other Things [4] explique :

Le projet de loi aurait centralisé les fonds de développement précédemment alloués aux autorités locales, ce qui aurait accordé plus de pouvoirs discrétionnaires au Ministre des Affaires Economiques. Ce transfert était réclamé depuis longtemps par les partis tamouls et était apporté dans le cadre du processus de paix. Cependant, les politiciens cinghalais ethno-nationalistes veulent annuler les transferts même limités déjà mis en place. Basil Rajapakse, le Ministre des Affaires Economiques, est le frère du Président Mahinda Rajapakse. Le Président du Parlement, qui a initié les procédures de destitution et qui est à la tête de la commission parlementaire, est un autre frère du Président.

[5]

Photographie de la 43eme et première femme Présidente de la Cour Suprême de Sri Lanka, l'Honorable Shirani A Bandaranayake. Copyright Shaveen Bandaranayake CC BY 3.0.

La motion de destitution [6] contre la Présidente de la Cour Suprême Bandaranayake a été signée par 117 députés du parti au pouvoir et a été présentée au Président du Parlement le 1e novembre 2012. Une commission parlementaire (CP) de onze membres a été nommée pour enquêter sur les charges à son encontre, conduisant à trois auditions, et les députés d'opposition se sont retirés de la commission [7] le 7 décembre 2012. Dans un rapport remis au Président de la CP, il a été révélé que trois des cinq accusations retenues [8] contre Bandaranayake avaient été prouvées et que cela était suffisant pour la destituer de ses fonctions. Les députés de l'opposition ont quant à eux rejeté le rapport de la commission [9] parlementaire.

Le blog Law and Other Things [10] écrit :

Le 15 décembre, l'Association du Barreau de Sri Lanka a adopté une résolution en faveur de la Présidente de la Cour Suprême Bandaranayake et a affirmé qu'elle ne coopèrerait pas si une autre personne était nommée à sa place par le Président Rajapakse. (Détails dans le communiqué ici [11] dans le journal The Hindu).

Le 19 décembre, la Présidente de la Cour Suprême s'est présentée devant la Cour d'appel, demandant l'annulation des procédures de destitution à son encontre. Les détails de sa plaidoirie sont disponibles dans cet article du Washington Post [12].

Les protestations de rues se sont poursuivies dans le pays. Indi.ca [13] a révélé que les manifestations en faveur de la Présidente de la Cour Suprême ont été interrompues par les partisans du gouvernement et que la police n'a pas réagi.

Le 3 janvier 2013, la Cour Suprême a déclaré [14] que la commission parlementaire n'avait aucun pouvoir pour enquêter sur les allégations contre la Présidente de la Cour Suprême et que pour cette raison, sa destitution était inconstitutionnelle, basée sur une mauvaise interprétation de la Constitution. Mais la semaine suivante, la motion de destitution [15] contre Bandaranayake a été débattue au Parlement et elle a été adoptée avec la majorité des voix. Ce mouvement a soulevé de nombreux débats sur la justice [16].

Le 13 janvier 2013, la Présidente de la Cour Suprême Shirani Bandaranayake a été remplacée [17] par Mohan Peiris [18].

Dans un entretien sur Groundviews, Asanga Welikala [19], chercheur au Centre for Policy Alternatives (Centre de Politiques Alternatives), a qualifié cette destitution comme dévastatrice. Le député UNP (United National Parti – Parti de l'Union Nationale) Eran Wickramaratne [20] a déclaré que le Parlement était l'instrument utilisé par le Président pour affaiblir la Justice.

Patta Pal Boru [21] a réagi concernant cette nouvelle nomination :

Comment une personne qui a conseillé le Président de n'importe quel pays dans les trois dernières années peut être à son tour nommé comme le Président de la Cour Suprême puisque par définition, sa loyauté et son objectivité peuvent être remis en question, quelle que soit sa place dans la société ?

Tisaranee Gunasekara [22] écrit :

La destitution causée par Rajpaksa a ainsi rendu Rajpaksa, Président de la Cour Suprême. Mohan Peiris, l'acolyte de confiance de Gotabhaya Rajapaksa, l'homme qui a menti au monde entier au nom de ses maîtres politiques, a été le choix idéal pour diriger la Justice Rajapaksa, en l'absence critique de frère, fils ou neveu qui aurait pu tenir ce fort.

[23]

Des manifestants réunis devant la Cour Suprême à Colombo, lors d'un rassemblement contre la Présidente de la Cour Bandaranayake. Photo Tharaka Basnayaka. Copyright Demotix (4/12/2012)

Il existe aussi des avis favorables au remplacement du Président de Cour Suprême. Malinda Seneviratne [24] a écrit après la destitution :

Le CJ (Président de la Cour Suprême), avec ou sans le consentement/ la complicité de ses protecteurs ou plutôt le cirque anti-régime, ne se fait en réalité aucune faveur. (…) La mise en scène du gouvernement et de leurs protecteurs a sûrement rendu possible l'étiquette “chasse aux sorcières” pour leur procédé. (…)

Le comportement du Président de la Cour Suprême, avant et après que la procédure ne commence, montre qu'elle était largement en deçà des attentes. Elle a, par omission et par commission, contribué à compromettre la dignité de sa position.

Après sa destitution, Bandaranayake a déclaré [25] avoir craint pour sa vie et celles de son mari et de son fils.