Récemment, un débat agité a enflammé le Brésil après que le ministre des Affaires Etrangères, connu sous le nom de Itamaraty, a délivré deux passeports diplomatiques [portugais, pt] aux représentants d'une église évangéliste, l'Eglise Mondiale du Pouvoir de Dieu [Igreja Mundial do Poder de Deus – World Church of the Power of God], le pasteur Valdemiro Santiago de Oliveira et sa femme Franciléia de Castro Gomes de Oliveira.
L'attribution de passeports diplomatiques est réglementée au Brésil par le décret constitutionnel 5.978 [pt] qui dispose que ces documents officiels peuvent être délivrés pour les présidents, vice-présidents, ministres, parlementaires, chefs de missions diplomatiques, magistrats de la Cour Suprême et les anciens présidents. Toutefois, les passeports diplomatiques ont traditionnellement été octroyés aux représentants de l'Eglise catholique, sur la base de l'Article 6, Paragraphe 3 :
…às pessoas que, embora não relacionadas nos incisos deste artigo, devam portá-lo em função do interesse do País.
…aux personnes qui, bien que non mentionnées dans cet article, doivent être en possession de ce passeport en fonction de l'intérêt du Pays.
Bien que les cardinaux de l'Eglise catholique aient bénéficié de cette concession, d'autres institutions religieuses reconnues par l'Etat brésilien n'ont pour autant pas été exclues, et d'autres représentants évangélistes, comme le controversé pasteur Edir Macêdo, leader de l'Eglise Universelle Brésilienne ont par le passé obtenu [pt] des passeports diplomatiques.
Grâce à la visibilité que les médias ont donné à ce cas particulier, le Ministre des Affaires étrangères a été sévèrement critiqué par les internautes, déclenchant une discussion sur le pouvoir de l'institution et sur la violation de la notion même de laïcité inscrite dans la constitution du Brésil.
Un lecteur du journal Folha de São Paulo, Renato Khair, a posté [pt] le commentaire suivant en réponse à l’article [pt] couvrant l'affaire :
É inaceitável que o governo tenha se utilizado do Itamaraty para fornecer passaporte diplomático para o pasto líder da Igreja Mundial. É uma aberração que pessoas que não preencham os requisitos legais recebam passaporte diplomático, como é o caso dos filhos de Lula, do referido pastor e tantos outros. É desmoralizante o que estão fazendo com o Ministério das Relações Exteriores e o Itamaraty, que eram considerados instituições sérias e respeitadas.
Il est inacceptable que le gouvernement ait utilisé Itamaraty pour fournir un passeport diplomatique au pasteur représentant l'Eglise Mondiale. C'est une aberration que des gens qui ne remplissent pas les obligations légales obtiennent un passeport diplomatique, comme les fils de l'ancien président Lula, les pasteurs en question et beaucoup d'autres. Ce qu'ils font avec le ministère des Affaires Etrangères et Itamaraty est démoralisant, ces institutions étaient jusque là considérées comme respectables et sérieuses.
Le blogueur Parsifal Pontes a également critiqué [pt] l'octroi de passeports diplomatiques en mettant en avant :
A nossa chancelaria banaliza de tal maneira o passaporte diplomático que daqui a pouco as autoridades portuárias alhures vão gargalhar quando virem um.
Notre ministère banalise tellement l'attribution du passeport diplomatique que d'ici peu les agents des douanes éclateront de rire quand ils en verront un nouveau.
Sur Twitter, sous le mot-clic #estadolaicoja (état laïc maintenant)[pt] le consensus est général : l'Etat Brésilien est allé trop loin en violant les règles fondamentales de la laïcité qu'il est censé respecter.
Lawyer Thiago G. Viana (@thiago_fiago) [pt], qui contribue au blog Comendo o Fruto Proibido [pt] a tweeté :
Legalidade, igualdade, moralidade e laicidade: são “só” esses princípios violados pelos passaportes especiais para pastores.
Légalité, égalité, moralité et laïcité : voilà les “seuls” principes violés par les passeports spéciaux délivrés aux pasteurs.
Le procureur de la République Chico (@chiconob) continue dans le même ordre d'idée :
Simplesmente NAO HÁ argumento plausível pra conceder passaporte diplomático pra religiosos. Que vexame!
Il n'y a tout simplement aucun argument plausible pour délivrer un passeport diplomatique à des religieux. Quelle honte !
La discussion sur le Net a mis à jour un débat long et continu sur la laïcité dans l'Etat brésilien. Bien que la constitution affirme la séparation de l'Etat et de la religion, en pratique, l'attribution de passeports diplomatiques à des dirigeants de congrégations religieuses viole ce principe. Après tout, comment un dirigeant religieux peut-il porter un passeport diplomatique s'il n'enfreint pas le principe fondamentale de laïcité ? Un représentant qui porte un laissez-passer diplomatique privilégié ne devrait, à aucun moment, arborer de bannière religieuse, sans parler d'aller prêcher ses croyances religieuses sur un sol étranger.