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Un ressortissant népalais arrêté en Grande-Bretagne, soupçonné de crimes de guerre

Catégories: Asie du Sud, Népal, Droit, Droits humains, Médias citoyens, Relations internationales

(Billet d'origine publié le 4 janvier)

Appliquant la loi dite de “compétence universelle”, la police britannique a appréhendé un colonel de l'armée népalaise  dans une ville du East Sussex, en Grande-Bretagne. Le Népalais est accusé d'avoir commis des actes de torture au cours de la guerre civile qui a duré une dizaine d'années au Népal entre 1996 et 2006. L'ONU a recensé plus de 2500 cas de torture pendant le conflit au Népal, et ceci est probablement la première fois qu'un ressortissant népalais en soit accusé. La police britannique n'a pas divulgué l'identité de l'homme.

Bien que les détails de ce crime présumé n'aient pas été précisés, Scotland Yard (siège de la police métropolitaine en Grande-Bretagne) a fait la déclaration suivante :

Aujourd'hui des agents du Département de la Police Métropolitaine ont arrêté un homme suite à des allégations de torture commis pendant la guerre civile au Népal.

L'arrestation démontre sans équivoque qu'il est possible de poursuivre ces crimes en justice en Grande-Bretagne, quel que soit le lieu où ils ont été commis. Human Rights Watch (HRW) [1]a déclaré : 

“L'arrestation en Grande-Bretagne, le 3 janvier 2013, d'un colonel de l'armée népalaise soupçonné d'actes de torture est un avertissement à tous ceux qui sont accusés de crimes graves au Népal, qu'ils ne pourront échapper indéfiniment à la justice.”

Brian Adams, directeur du HRW en Asie a ajouté :

“La décision britannique d'arrêter un officier de l'armée népalaise pour actes de torture commis au cours de la guerre civile sanglante au Népal est un pas important vers la mis en oeuvre de la convention  contre la torture de l'O.N.U. Les personnes résponsables de torture au Népal ne peuvent plus se présumer à l'abri de la justice en se cachant à l'étranger.”

Ceci a fait l'objet d'une large couverture médiatique par la BBC Nepal, qui dit, dans sa version en ligne:

L'enquête est conduite par la Counter Terrorist Command (Commandement Anti-Terroriste) qui a la responsabilité d'examiner les accusations de crimes de guerre et de violation des droits de l'homme.”

La guerre civile au Népal qui a coûté la vie à plus de 12 000 personnes a duré une décennie, prenant fin en 2006. Pendant cette période le pays a vu des milliers de cas de violations des droits de l'homme. Le bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de L'homme (OHCHR) a publié un rapport sur “le conflit au Népal de 233 pages [2] dans lequel plus de 2500 cas de torture sont consignés.

Dans un courrier adressé au journal The Guardian de Londres, (ultérieurement partagé sur Facebook [3]) le journaliste Kanak Mani Dixit, éditeur et rédacteur du Himal Southasian magazine  dit:

Cette arrestation dans le Sussex marque le début d'une “juridiction internationale” à l'encontre des criminels d'Etat et des insurgés qui ont détruit la société et l'économie du Népal entre 1996 et 2006. Le Haut- Commissaire des Nations Unies aux Droits de l'Homme confirme dans son “Rapport sur le Conflit Népalais” que pendant cette décennie, le peuple s'est vu infliger une violence extrême, allant de la torture et l'enlevement au viol et au massacre. La mise en application de cette “juridiction internationale” est également la conséquence du refus de la part des partis politiques et des maoistes de créer, au cours de ces cinq dernières années, une justice de transition crédible qui se soucie de justice véritable et de réconciliation authentique au sein du pays. Au contraire, le régime maoiste actuellement au pouvoir a accordé la grâce aux détenus accusés de meurtre, et annulé des centaines de procès à l'encontre des criminels accusés de crimes haineux. Les victimes restent sans recours.”

La BBC a annoncé la nouvelle [4] avec cette dépêche qui a été partagée plus d'une centaine de fois sur Twitter:

@BBCBreaking [4]: “Dans le Sussex, un homme de 46 ans est arrêté par des agents du contre-terrorisme, soupçonné d'avoir commis des actes de torture pendant la guerre civile au Népal”.

Chacun se demande pourquoi cette démarche a été entreprise par la police britannique, alors que plusieurs années se sont écoulées depuis la fin de la guerre civile. Selon The Independent [5]:

Le colonel, dont le nom n'a pas été communiqué, a été appréhendé en vertu de l'article 134 de la loi de Justice Criminelle, qui stipule qu'un crime commis par un fonctionnaire d'Etat est répréhensible dans le monde entier.

C'est la première fois dans l'histoire du Népal que la juridiction universelle est employée afin d'arrêter un officier des forces de sécurité pour violations des droits de l'homme à l'étranger. Dans un poste sur Nepali blog [6], l'auteur a exprimé sa crainte de voir une augmentation du nombre de cas similaires en Grande-Bretagne :

Des milliers de Népalais résidant en Grande-Bretagne, dont un nombre significatif était probablement mêlé à la guerre civile. Si les allégations sont avérées et l'homme est reconnu coupable, quelles incidences cela aura-t-il sur d'autres personnes, actives pendant la guerre civile, et vivant à présent en Grande-Bretagne ?”

Dernière mise à jour: S'adressant au Himalayan Times [7], l'Ambassade du Népal en Grande-Bretagne a confirmé qu'il s'agissait du Colonel Kumar Lama de l'armée népalaise, actuellement en poste dans le cadre de la mission de paix au Soudan.L'officier a passé ses congés de fin d'année à Londres avec sa femme, infirmière de profession.