Medvedev, Navalny et les libéraux pris dans la glaciation russe

Ce mardi 29 janvier, des enquêteurs fédéraux ont perquisitionné [en russe] les bureaux du gouverneur de Kirov Nikita Belykh, en rapport avec un audit sur la privatisation en 2010 d'une distillerie locale. Les blogueurs se sont alarmés quand des photos de policiers masqués pénétrant le bureau de Belykh ont circulé sur Twitter. Commentant l'image, le militant d'opposition Ilya Iachine a déclaré [en russe] que le temps des “conversations en costume-cravate était révolu.” Une ancienne gouverneur-adjointe de Kirov, Maria Gaidar, a tweeté [en russe] que la perquisition signale la “fin évidente du dégel medvedévien.” La politologue Tatiana Stanovaya a elle aussi souligné [en russe] la relation de Belykh avec Dmitri Medvedev, et l'appelle la seule nomination de gouverneur libéral de la présidence Medvedev. Elle argumente que l'immunité politique de Belykh s'est évaporée depuis le retour au Kremlin de Vladimir Poutine, et que l'enquête en cours est une conséquence de sa perte d'influence.

Stanovaya examine aussi les liens de Belykh avec Alexeï Navalny, le blogueur anti-corruption le plus célèbre de Russie. (En 2009, Navalny était un conseiller de Belykh.) Ces derniers mois, les autorités fédérales ont initié plusieurs enquêtes pénales visant Navalny, pour faire pression semble-t-il sur l'opposant le plus diviseur de Russie. Il s'agit d'escroquerie contre une société de transport, de vol à l'encontre d'un parti politique aujourd'hui défunt, et de détournement de bois au détriment d'une compagnie forestière de Kirov. (Il a été formellement mis en examen [en russe] dans cette dernière affaire.)

Dmitry Medvedev with Governor of Kirov Region Nikita Belykh, 14 May 2009, photo by Presidential Press and Information Office, CC 3.0.

Dmitri Medvedev avec le gouverneur de la région de Kirov Nikita Belykh, 14 mai 2009, photo du Bureau de presse et d'information de la Présidence, CC 3.0.

La privatisation supposée entachée de corruption de la distillerie de Kirov est donc une quatrième affaire impliquant Navalny. L'été dernier, le fameux Hacker Hell avait révélé [en russe] des enregistrements de courriels privés entre Navalny et Belykh, où ils discutaient de voler [en russe] une distillerie, pour que Belykh puisse rembourser ses dettes à Navalny. Les journaux de messagerie, que Navalny et Belykh ont reconnus comme partiellement authentiques, sont représentatifs du fréquent rôle d'incubateur de RuNet dans la guerre contre Navalny. Que les autorités d'Etat sèment elles-mêmes des allégations, ou qu'elles se contentent de récolter la moisson toute prête des anti-Navalny de base est laissé à la libre appréciation de chacun.

Dans le style qui le caractérise, Navalny a répliqué à la perquisition des bureaux de Belykh par une plaisanterie sur Twitter. Allusion à la fouille de la maison de vacances du gouverneur, il a tweeté [en russe] :

Кстати, на “Чёрном озере”, где тоже идёт обыск, остались мои валенки. Прошу следствие их изъять и вернуть хозяину

A propos, mes bottes de feutre sont restées au “Lac Noir”, où il y a aussi une perquisition. Je prie Ies enquêteurs de les confisquer et de les rendre à leur propriétaire.

Nikita Belykh, pendant ce temps, est allé sur LiveJournal minimiser l'incident, écrivant [en russe] qu'il n'a rien à cacher et aidera volontiers les enquêteurs. Il a aussi précisé qu'il n'était pas un suspect, et que les enquêteurs étaient seulement à la recherche de “documents utiles.” Le lendemain, il a été interrogé comme témoin dans l'affaire, pendant presque trois heures.

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