Depuis le début de la crise Malienne il y a maintenant un an, le conflit évolue par à coups dans un contexte historique qui est bien trop souvent simplifié dans les médias. Voici les principaux éléments de contexte et les analyses détaillées pour comprendre cette crise. Pour rappel, ce conflit oppose dans le nord du Mali l'armée régulière Malienne et ses alliés aux rebelles, eux mêmes composés de plusieurs groupes: les mouvements islamistes divers tels qu'AQMI, le MUJAO ou Ansar Dine, et les touaregs du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA).
Alors que d’aucuns pensent que la France est intervenue au Mali pour défendre ses propres intérêts comme nous pouvons lire dans ce billet intitulé Nouvelles de la turbulence :
… il y aurait plus d’uranium au Mali qu’au Niger, et après avoir sécurisé les ressources libyennes (en excluant les émergents), les Français chercheraient à faire de même dans le Sahel. … qu’on ne fait pas de guerre pour des ressources qui ne sont encore que spéculatives, puisqu’on n’en connaît pas la quantité réelle et qu’on n’en voit pas encore la couleur. Arguments assez naïfs mais peut-être corrects pour le cas d’espèce.
Que Wirriyamu leur répond dans son billet Ne pas laisser dire (3) :
Je suis convaincu désormais que certains trouvent totalement anormal le soutien de l’opinion malienne, et au-delà africaine, à cette intervention. Ils mettent cette adhésion le plus souvent sur le dos de la naïveté ou de l’ignorance, c’est selon. Ce qui montre que beaucoup, trop nombreux à mon goût, pensent encore que les Africains n’ont pas leur place sur le chemin de l’histoire qui se fait sans eux, hors d’eux. Bref, ils subissent tout.
Essayons de comprendre ce que sont au Mali : les véritables causes de la guerre :
Tout était en place pour que le Mali s’effondre et que le Sahel explose. Affaibli par les politiques d’austérité du FMI, longtemps paralysé par la Françafrique, victime du réchauffement climatique et de multiples sécheresses, le Mali est devenu l’une des pièces centrales du nouveau grand jeu sahélien. Revendication touarègue, djihadistes enrichis par le narcotrafic, déstabilisation libyenne et ambiguïtés algériennes, financements occultes saoudiens, stratégie à court terme des États-Unis et de l’Union européenne… Voici toutes les raisons de la guerre.
Mouhamadou el Hady Ba et Pierre Amath Mbaye dans leur document de travail « La crise malienne et ses leçons pour le Sénégal » écrivent : A l’origine, la question des frontières :
Conscients des risques liés à une fragmentation de la région et suivant leur idéal panafricaniste, Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia, Modibo Keïta et d’autres dirigeants avaient pourtant formé l’idée de reprendre l’ensemble constitué par l’administration coloniale, l’Afrique Occidentale Française, en le portant vers l’indépendance sous la forme d’une fédération. … l’opposition marquée des autorités françaises de l’époque associée à celle de Félix Houphouët Boigny futur Chef de l’Etat ivoirien, réduiront cette fédération à un face à face entre le Soudan français (aujourd’hui Mali) et le Sénégal, au sein de la Fédération du Mali . Cette tentative échouera sur fond d’options politiques différentes et de compétition pour le pouvoir, avec, en arrière-plan, l’engagement du Mali aux côtés des partisans algériens, lors de leur guerre d’indépendance. Le 20 aout 1960, voit donc s’éteindre avec la dissolution de la Fédération du Mali …
Eros Sana sur bastamag.net poursuit dans son billet Mali : les véritables causes de la guerre :
Nous sommes en 1960, le Mali accède à l’indépendance. Le premier président malien, Modibo Keïta, instituteur et panafricaniste, élu démocratiquement, a à peine le temps d’entamer une profonde réforme agraire avant d’être renversé en 1968 lors d’un coup d’état mené par Moussa Traoré, soutenu par la France. [Les vingt-trois ans de règne seront sanglants]. Moussa Traoré ne se contente pas d’appauvrir et d’affamer son peuple, il mène aussi une forte répression contre la minorité Touareg du Mali. Les Touaregs représentent environ 2 % de la population malienne. Ils sont également présents au Niger, au Burkina-Faso, en Mauritanie, en Libye et en Algérie.
Mouhamadou el Hady Ba et Pierre Amath Mbaye rajoutent un autre ingrédient à savoir, l’irruption des groupes salafistes et la criminalisation de l’espace saharo-sahélien :
L’Afrique de l’ouest est ainsi devenue un espace stratégique de négoce des stupéfiants, à la suite du renforcement de la répression aux Etats-Unis et au Canada. Cette situation va amener les narcotrafiquants à se redéployer vers l’Europe en trouvant de nouvelles routes, et à exploiter le potentiel de corruptibilité de l’Administration des Etats de la région pour assurer leur tranquillité. En 2009, la drogue était expédiée de Colombie, du Venezuela et du Brésil, et arrivait par les ports de Guinée Bissau et du Cap-Vert au Nord, et ceux du Ghana au Sud. Les cargaisons étaient ensuite réparties entre le Nigéria, la Guinée, le Sénégal, la Mauritanie, puis, remontaient vers le Maroc et l’Algérie. En novembre de la même année, le monde entier découvrait l’atterrissage clandestin dans le nord du Mali d’un triréacteur Boeing 727 chargé de cocaïne, l’évènement donnant lieu à une affaire popularisée sous le nom d’Air Cocaïne, avec des ramifications en Amérique du sud et en Europe. Un symbole stupéfiant d’insertion de l’Afrique dans l’économie mondialisée, pourrait-on dire avec malice, si la situation n’était à ce point inquiétante.
Sur les financements occultes saoudiens dans une interview de Maurice Freund : « Il est trop tard pour le Mali, il fallait agir il y a 20 ans ! » sur le site Afrik.com ce dernier dit :
Il y a déjà plus de 20 ans, je rencontrais des Pakistanais et des Soudanais financés par les Saoudiens qui prêchaient le wahhabisme sous forme d’organisation humanitaire, en effectuant la construction de puits, de mosquées. Ils comblaient les carences des autorités dans le domaine social. D’où la prolifération des djihadistes. Le développement du wahhabisme dans le nord-Mali a commencé il y a déjà 25 ans.
Abou Djaffar sur son blog précise :
En 1996, pourtant, il ne s’agissait même pas d’un front secondaire, mais simplement de l’arrière-cour de la guerre civile algérienne.
Quant aux conséquences non maîtrisées de la chute de Kadhafi, Eros Sana poursuit :
En plus d’investissements lourds, Kadhafi multiplie les financements à petite échelle : écoles, dispensaires ou routes dans l’ensemble du Mali. Lorsque Kadhafi et son régime disparaissent, ce sont d’un côté de très nombreuses armes et des centaines d’hommes aguerris qui s’exilent dans le Sahel ; et de l’autre, des flux de plusieurs centaines de milliers d’euros qui se tarissent. Pour un pays dont plus de la moitié de la population vit avec moins d’un dollar par jour, c’est une importante manne qui s’envole. Après avoir appuyé militairement le renversement du régime libyen, les puissances de l’Otan auraient dû prévoir ce vide causé par la chute du colonel et le combler. Cela n’a pas été fait.
Autre fait soulevé sur Twitter par @Abdou_diarra avant le coup d’état qui l’a renversé Amadou Toumani Touré (ATT) prévoyait de créer deux nouvelles régions dans le nord Mali.
Sur la rébellion touareg et ses revendications ASKIAMOHAMED écrit :
Elle commence le 17 janvier 2012 soit 2 mois avant le coup de force à Bamako, les rebelles attaquent Menaka, Tessalit et Aguel’hoc avant d’y être chassés par l’armée malienne.
Un véritable jeu de chaises musicales a lieu durant près de un mois dans les villes à la frontière algérienne entre l’armée, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) ainsi que le groupe Ansar Dine et leurs alliés d’al Qaida au Maghreb islamique.Le massacre de militaires maliens par les rebelles et leurs alliés à Aguel’hoc, à l’arme blanche va profondément choquer le peuple malien et mettre à jour les failles de l’armée et l’animosité de cette rébellion.
Début avril le coup d’état consommé le MNLA et leurs alliés islamistes contrôlent les deux tiers du Mali, l’armée malienne désorganisée par le coup ayant déserté.
En effet le coup d’état a désorganisé la chaine de commandement de l’armée et a mis à jour la fragilité de cette dernière et a donc conduit à cette débandade ou « retrait stratégique ».
Le MNLA proclame l’indépendance de cette zone le 6 avril 2012 car elle considère que c’est le berceau de la civilisation touareg, un fait inédit dans l’histoire car aucun peuple nomade ne s’est jamais réclamé d’un territoire avec des frontières bien dessinées.
De plus historiquement sur cette terre il y avait l’empire Songhaï fondé à Koukia au 7ieme siècle, par les Sonrhaïs, et les Berbères et dirigés par le chef Za el-Ayamen, qui fuyaient devant l’invasion arabe.
Ce métissage entre Sonrhaïs et Berbères donnera la dynastie des Dia. Puis vint la dynastie de Sonni ali ber et des Askia avec Gao pur capitale, avant de sombrer au 16ieme siecle sous l’invasion marocaine. Il y a également eu l’empire peul du Macina et l’empire toucouleur au 19ieme siècle. De plus de nombreuses tribus, Bozos (pécheurs) et dogons peuplaient cette zone.
Donc il n’y a aucune légitimité historique à cette demande.
C’est dans ce contexte que la France intervient avec l’opération Serval.
3 commentaires
Le conflit que l’on nous présente au jour d’aujourd’hui comme étant un conflit inter-malien tire essentiellement son origine depuis l’intronisation d’un président acquis à la cause de la politique de la France-Afrique en l’occurrence Moussa Traoré qui a mené une politique sans partage et dévastatrice au détriment de son peuple qu’il a volontairement appauvri par le fait entre autres de transferts de richesses et de sommes colossales via les comptes de certains apparatchiks de la francophonie qui lui ont garantie cette forme de quiétude et un semblant de paix sociale durant la longue période de son règne.
Par ailleurs et la question fondamentale, qu’il faudrait rappeler précisément est le fait que dans le Nord du Mali se trouve une communauté targuie qui est présente également au Niger, au Burkina-Faso, en Mauritanie, en Libye et en Algérie.
Ce bref retour dans les méandres de l’histoire ne peut que nous faire éviter certaines erreurs commises par le passé qui, par nécessité politicienne ou par soucis de garantir une forme de paix mais néanmoins précaire.
Toute approche à charge qu’elle soit pacifique voire diplomatique ne serait que la bienvenue, car contrairement à la méthode de vouloir intervenir par la force armée pour soit disant en résoudre un conflit en dehors de ses bases est considéré comme étant une forme d’ingérence et une agression qui à fortiori viderait le concept de son véritable sens.
Il ne saurait y avoir de paix durable et réelle au Mali, ni d’ailleurs dans d’autres contrées en l’absence des parties prenantes au conflit légalement représentées par leur représentant légitime en l’occurrence l’Azawad pour la communauté targuie en particulier. Par contre ce qui est nouveau c’est l’émergence d’une forme de fascisme dont la création sous la forme de champignons de groupuscules arborant l’étendard islamiste pour semer la terreur un peu partout dans le monde au nom d’une idéologie immorale. Il ne faut pas être dupe, cette floraison de groupes islamistes violeurs et coupeurs de têtes ne sont en réalité que la partie visible de l’iceberg qui dissimule en sa partie submergée des vérités que même l’esprit humain humainement constitué ne peut admettre.
En effet, ce sont des narco trafiquants, de bandits des grands chemins, des criminels de tous bords, des assassins et des mercenaires sans foi ni loi qui sont en train d’appliquer la loi du Talion.
Ainsi donc cette forme de terreur exercée sur des populations entières sert beaucoup plus l’esprit mercantiliste mondialiste de certaines entités ou groupe d’intérêt pour exécuter quitte à sacrifier une partie de la frange de la société, leurs plans machiavéliques.
Cependant et malheureusement, nous constatons des regains de violence terroriste islamiste là où justement une revendication identitaire est mise en évidence, comme c’est le cas de cette partie du Mali.
Alors pour essayer de noyer le poisson dans l’eau, les pouvoirs publics de ce pays ont fait dans la diversion en alertant l’opinion de la présence d’éléments subversifs pouvant mettre en danger la souveraineté territoriale pour voir s’évaporer la quête du mouvement Azawad parti en fumée qui, et dans la foulée est considéré lui aussi comme faisant partie de cette horde. Cordialement