Le mouvement de protestation se poursuit en Bulgarie depuis 20 jours sans discontinuer. Lors de la dernière protestation de masse, le 24 février, plus de 200.000 personnes sont descendues dans les rues des plus grandes villes du pays, Sofia, Plovdiv et Varna. Leurs revendications contre les monopoles du secteur de l'énergie et de révision du système politique restent insatisfaites. Le Président bulgare Rossen Plevneliev, dans une allocution du 28 février, a dit vouloir former un gouvernement intérimaire avec la participation d'organisations de la société civile. Ce qui n'a pas calmé la contestation : de nouveaux rassemblements sont prévus le 3 mars, jour de la fête nationale bulgare.
Ce qui, entre autres raisons, fait se poursuivre les manifestations, ce sont les immolations par le feu : trois en moins d'un mois [en anglais], dans un large silence des média.
Un de ceux qui se sont immolés par le feu, Plamen Goranov [en bulgare], 36 ans, est devenu une icône de la lutte contre la mafia et le système politique. Il est désormais appelé le “Jan Palach bulgare,” d'après l'étudiant tchèque qui s'était fait immolé à Prague en 1968, en protestation contre l'invasion dirigée par les Soviétiques de la Tchécoslovaquie.
Goranov est l'un des principaux dénonciateurs de la mafia dans sa ville, Varna, dont le maire Kiril Yordanov a été accusé de liens avec “l'opaque et puissant” [en anglais] groupe TIM. Yordanov est maire de Varna depuis 1999. Les militants pensent que l'immolation de Goranov était dirigée contre TIM.
TIM est le nom familier d'une holding économique de Varna en rapport avec “KhimImport,” fondée au milieu des années 1990, très souvent associée avec les activités criminelles des années 1990 et l'activité économique des années 2000.
Selon un article [en bulgare] du journal bulgare “Capital,”
[…] TIM a été créé par dix personnes, tous d'anciens Marines de la section “Tihina” près de Varna. C'est une branche secrète de la Marine, entraînée depuis des années comme des forces spéciales d'élite : commandos, parachutistes et plongeurs. La plupart des membres fondateurs étaient d'anciens karatékas qui faisaient partie de l'équipe nationale et ont obtenu plus d'un ou deux titres dans les tournois internationaux. […]
[…] Au début des années 1990, les réformes dans l'armée ont laissé beaucoup d'anciens Marines sans emploi. […] Une bonne forme physique et les compétences en karaté ont permis à la majorité d'entre eux de se lancer dans diverses activités requérant l'usage de la force. […]
Le blog bulgare PsyGlass a écrit ceci [en bulgare] à propos de Plamen Goranov :
[…] Quel nom ! Flamme qui brûle [traduction du nom Plamen du bulgare]. […] Comme la plupart, j'ai entendu parler de lui par les images et les articles. Qui est-il ? Pourquoi est-il un héros ? Pourquoi s'est-il immolé ?
Plamen est un personnage dangereux, parce qu'il est toujours en vie. Son immolation n'est pas comparable aux actions de Levski et Botev [des héros nationaux bulgares]. Ceux que nous admirons. Dont nous admirons les portraits. Mais Plamen a brûlé. Il est réel, ses images sont en couleur, elles se voient, et on peut en trouver l'arrière-plan et le contexte visible. […]
[…] C'est plus sûr pour les héros d'avoir des portraits en noir et blanc. On peut alors les vénérer sans questions, prendre leurs décisions pour évidentes. Ils sont blancs – parfaits, sans taches, éclatants. […]
[…] Le courage de regarder sincèrement Plamen, dans toute son humanité, de poser des questions brûlantes, de chercher le pourquoi et d'agir en conformité avec le sens trouvé – telle est la position du citoyen, de l'être humain. Et peut-être du héros. […]
Sur le site web bulgare de journalisme d'investigation (piraté il y a quelques semaines), un texte sur Plamen Goranov et les motifs de son acte a été publié en anglais et en bulgare, sous le titre “Plamen Goranov – le Martyr du ‘Printemps bulgare’. Il y a aussi un article sur Goranov et la démocratie en Bulgarie sur le site internet Occupy.com [en anglais].
Le blog bulgare d'actualités SamokoVest, a écrit [en bulgare] de Goranov :
Plamen Goranov de Varna a exprimé sa protestation contre la situation scandaleuse dans le pays et sa ville par un acte terminal sidérant de négation. Il était en feu et s'est transformé en torche vivante pour le mouvement de contestation.
Le blogueur Radan Kanev a écrit [en bulgare] sur le symbolisme de l'immolation de Goranov et demandé pourquoi personne ne demandait au pouvoir d'agir contre la mafia :
[…] Il n'y a pas de contrainte physique contre les habitants de Varna. Pas de troupes soviétiques. Pas même de troupes bulgares par ici. Le sacrifice de Plamen Goranov est sans aucun doute une protestation contre le pouvoir louche du groupe TIM Group,dont tout le monde parle matin, midi et soir. Mais la Bulgarie a le pouvoir de contrer le gouvernement de l'ombre. Varna a le pouvoir de le faire cesser. Les ressources de l'autorité publique sont bien plus grandes que celles de n'importe quelle bande de voyous, n'importe quel oligarque voire de tous réunis. […]
[…] Les seuls tanks qui ont déclenché ce mouvement de protestation sont ceux de notre silence. Le silence des médias ‘publics’ des hommes politiques … le silence des manifestations par ailleurs bruyantes. […]
Il existe un groupe Facebook [en bulgare] de soutien à Plamen Goranov, de plus de 1.600 membres. Un concert-rassemblement a été organisé à l'aide de Facebook [en bulgare] pour aider Goranov, hospitalisé et nécessitant des dons de sang :
Parfois le courage cause en nous la peur. Parfois essayer de comprendre nous mène à diaboliser ou dénigrer. […] Essayons de comprendre le sacrifice pour une idée, et cela nous unira au lieu de nous diviser. […] Donnons du sang, Plamen en a besoin. Unissons-nous, au moins autour de l'idée d'aider cet homme.
Prions pour sa santé et sa vie. L'opération fait partie d'une série d'événements en solidarité avec Plamen Goranov dans tout le pays.