L'héritage de Chávez et son retentissement dans le monde Caraïbe
[Liens en anglais et espagnol] La mort du président vénézuelien Hugo Chavez le 5 mars a évidemment provoqué quantité de réactions dans la blogosphère, en Amérique Latine, mais également dans tout le monde Caraïbe. Évidemment les pays de langue espagnole ont rapidement activé les blogs. A Cuba, Imagen.cu, qui écrit en espagnol, a même essayé de retourner la réalité avec le titre:
Chávez n'est pas mort!
En continuant ainsi:
Le monde ne t'oubliera pas…CHÁVEZ EST LE PEUPLE!
D'autres déclarations ont abondé dans ce sens:
Chávez sera pour toujours dans le cœur de tous, l'engagement de toute sa vie continue de croître car il a ouvert le chemin à un peuple qui, dans son immense majorité l'a toujours soutenu. La révolution bolivarienne laissera une empreinte éternelle. Chávez vivra tant que nous suivrons son exemple…
The Cuban Triangle fait la remarque suivante :
Hugo Chávez a fait un parcours politique remarquable, il a gouverné le Venezuela depuis 1999, il a gagné quatre fois les élections, il a eu beaucoup de temps pour instaurer et développer son idée du socialisme. Il laisse une belle trace. A un moment ou le continent, sous l'égide de l'Organisation des Etats Américains (OEA) s'était lancé dans la lutte contre les coups d'état et usurpation similaires de la démocratie, il a gouverné, Il a gagné des élections mais “grignoté” ensuite la réalité démocratique au Vénézuela, sans jamais parvenir à provoquer une sensibilisation internationale. Il saura profiter de l'absence d'unité entre les parties d'opposition qui avaient exclu les pauvres du Venezuela pendant des décennies de pouvoir.
Chávez était préoccupé par la pauvreté, il avait une manière particulière de le prouver. Il a mis en route des programmes sociaux concernant la santé, l'éducation et l'assistance économique et en même temps des structures politiques qui ont fait beaucoup pour affaiblir l'économie sur laquelle les Vénézuéliens pauvres et les autres vivaient. Il a stoppé les investissements étrangers, rogné le droit de propriété, imposé un contrôle des devises responsable de distorsions économiques, développant une corruption et une pénurie alimentaire. Tout cela dans un pays qui pouvait très bien bénéficier à la fois d'un secteur privé fort et d'un engagement financier puissant pour combattre la pauvreté.
Le billet analyse les conséquence possibles sur Cuba de la mort de Chávez et fait un tableau des scénarios possibles après les prochaines élections au Venezuela.
Pour Cuba, le premier risque après la mort de Chávez, serait un changement ou la fin des relations économiques avec le Venezuela qui élèverait le coût de la fourniture en énergie et serait préjudiciable à toute l'économie de l'île. Le parti socialiste de Chávez après avoir gagné en octobre 2012 les élections présidentielles et 20 des 23 sièges de Gouverneurs (…) est considéré comme favori lors des prochaines élections anticipées au Venezuela. Si les socialistes gagnent, le projet bolivarien paraît conforté y compris au niveau international. Si l'opposition gagne, la relation avec Cuba sera probablement réduite, l'échange médecins contre pétrole qui arrange tellement Cuba aujourd'hui, sera révisée totalement.
En conclusion, une nouvelle politique après Chavez est à construire au Venezuela, une période d'incertitude débute pour Cuba, la dernière chose que le “Commandante Chávez” aurait souhaité laisser derrière lui.”
Havana Times annonce que Cuba porte le deuil de Chávez, et que le gouvernement a décrété deux jours de deuil national à l'annonce de sa mort.
“Chávez est aussi un Cubain”, déclare une note du gouvernement de la Havane lue à la télévision d'État quelques heures après la mort de Chávez à Caracas à l'âge 58 ans des conséquences d'un cancer contre lequel il luttait depuis 2011. Le gouvernement cubain a ordonné que le drapeau national soit mis en berne jusqu'au mercredi sur les édifices gouvernementaux et installations militaires dans le cadre d'un deuil national.
Dans un autre billet, le blog parlait de Chávez comme d'un héritier perdu de Fidel Castro :
A la mort de Chávez, Cuba a perdu le grand leader politique qu'elle souhaitait après la lente disparition publique de Fidel Castro. Admirateur et ami intime du révolutionnaire cubain, le Vénézuélien fut la personne qui incarna le mieux, pendant ces dernières décennies, les idéaux de Castro, dans toute l'Amérique latine.
Chávez ne s'est pas seulement chargé d'aider avec son pétrole un Cuba affaibli économiquement, mais aussi de remettre au goût du jour les idées politiques de Fidel.
Si Castro a été pour Chávez le grand modèle à suivre, Chavez a été également pour Castro l'héritier idéal dans les forums de toute l'Amérique latine et du monde Caraïbe.
A l'opposé, Erasmo Calzadilla n'a pas l'impression que les Cubains soient excessivement choqués par la disparition de Chávez:
Quand la mort de Chavez a été annoncée, j'étais dans le centre de la ville, j'ai été témoin des réactions des gens face a cette disparition.
Je ne sais pas ce qu'il ressentait intérieurement, mais l'homme de la rue ne m'a pas paru spécialement affecté par cette annonce. C'était un jour comme les autres, à l'exception de cette information circulant en boucle sur tous les téléviseurs.
J'ai été une des personnes les plus affectées par la mort de Chávez. Je redoute des temps difficiles pour Cuba si Maduro est battu aux prochaines élections.
Mais les crises sont aussi des opportunités. Le tremblement de terre politique pourrait amener un changement positif à Cuba: Plus de démocratie, plus de pouvoir populaire et moins de dépendance au pétrole.
La crise pourrait aussi être exploitée par l'État autoritaire pour une répression dure, elle pourrait aussi ouvrir les portes du pays au néolibéralisme qui serait désastreux pour la majorité des habitants et pour notre environnement.
Havana Times a également fait part de quelques réactions de personnalités des Etats Unis face à cette disparition ; El Cafe Cubano en parle comme des” amants d'un dictateur”
Armando Chaguaceda a écrit un billet invitant à une attitude à la fois respectueuse et personnelle.
Le 5 mars, dès 5 heures de l'après-midi, les réseaux sociaux ont explosé à l'annonce de cette mort. Ça s'est passé au milieu des larmes fausses ou sincères des dévôts qui semblaient croire que le monde s'est arrêté à la mort du leader vénézuélien, et de la haine sourde et viscérale de ceux qui le rendent coupable de toutes les disgrâces de cette incurable humanité.
La dimension historique d'Hugo Chávez n'est plus à prouver. Sa personne incarne un mouvement de conquêtes sociales et politiques croissant au sein du peuple vénézuélien pendant les trente dernières années.
L'ascension de Chávez et de son mouvement a rendu possible un début de rupture de l'hégémonie néolibérale qui avait engendré des niveaux indécents d'inégalités et d'exclusion sociale dans les pays de l'Amérique latine.
Chávez est sans aucun doute une personnalité et un symbole. Son image et son héritage seront évidemment récupérés par différentes personnes, pour différents projets. Les psychologues parleront d'un être clairement convaincu de la nécessité de brandir l'épée de Bolívar. les historiens souligneront son admirable talent d'animal politique, capable de remporter des victoires électorales jusqu'à l'approche de la mort.
Les politologues relativiseront ses efforts pour créer une démocratie participative sur les cadavres des vieux partis en même temps qu'il reproduisait et amplifiait les tendances autoritaires, clientélistes et prétoriennes de la politique vénézuélienne.
“Along the Malecon” songe :
Chávez a été un personnage combatif et polarisant. Ses partisans disent qu'il a défendu les pauvres et les marginaux du Venezuela. Ceux qui le critiquaient l'accusaient d'être à la tête d'un gouvernement secret et corrompu et faisaient la fête pour chaque rumeur annonçant sa mort.
Chávez ne va pas manquer à Washington mais à Raúl Castro. Le gouvernement vénézuélien riche en pétrole distribue chaque année des millions de dollars à Cuba.
Le blog de la diaspora cubaine “Babalu” a insisté sur une altercation entre des partisans de Chávez et un groupe d'étudiants à Chacao au Venezuela, et informé sur des tweets de mauvais goût de la part d'hommes politiques des Etats-Unis. Il reproche également aux chavistes de croire au “pire de tous les mensonges” : que “le socialisme peut réellement assurer la prospérité et la justice sociale”.
Les internautes de la République Dominicaine font également part de leurs sentiments sur la mort de Chávez et les implications possibles pour leur pays.
On a vu également, ce qui peut paraître étonnant, des interventions de blogueurs de la zone caraïbe de langue anglaise. En Jamaïque, Tallawah souligne que Chávez était un personnage hors norme alors que Barbados Underground s'interroge sur les implications concernant la Barbade et le reste de la Caraïbe.
Les habitants de la Barbade se souviendront de sa politique extérieure anti nord-américaine et pour notre pré carré, de l'accord de PetroCaribe signé par beaucoup d'îles des Caraïbes.
Le blogueur des Bermudes Catch a fire a été rempli de peine à l'annonce de la mort de Chávez :
Chávez, avec tous ses défauts, représentait une idée, l'idée qu'un monde meilleur est possible. Il a été le pionnier du socialisme du XXIe siècle. On peut critiquer son leadership comme président du Venezuela ou comme leader de fait de la gauche latino-américaine. Cette attitude l'a aidé à mobiliser les énergies. Mais pour moi son héritage durable est l'idéal qu'il représentait. Sa mort aura des conséquences régionales et mondiales. Je suppose que certains groupes dans toute l'Amérique latine, sans doute avec l'appui actif ou passif des États-Unis, tenteront de détruire une partie des acquis que le mouvement socialiste bolivarien de Chávez a obtenus en Argentine, Bolivie, Brésil, Equateur, Nicaragua, Pérou et d'autres pays. Cuba, sans aucun doute, sera touché par cette réaction. D'une certaine façon, la mort transforme Chavez d'un trop humain à un idéal d'un monde meilleur et de la dynamique pour le construire.