Sénégal: des enfants de rue périssent dans un incendie à Dakar

Au moins neuf enfants sont morts dans un incendie le dimanche 4 mars au soir dans le quartier de la Médina à Dakar. Aux moins sept d'entre eux étaient des talibés (élèves d’une école coranique).

Plusieurs responsables politiques ont déjà réagi sur ce drame. Cette tragédie met en exergue les conditions de vie parfois très dures de ces enfants qu'on appelle talibés.

Sur son blog Hady Ba nous explique ce qu’est un talibé :

Traditionnellement au Sénégal, les parents confiaient leurs enfants à des érudits pour qu’ils leur apprennent d’abord à mémoriser le Coran puis, au fur et à mesure qu’ils grandissent, les sciences religieuses. Durant les premières années de cet apprentissage, ces enfants ne sont pas nourris par le marabout auquel ils sont confiés mais par la communauté toute entière. Chacun de ces enfants a une écuelle et, trois fois par jour, ces élèves qui sont appelés talibés (oui, c’est la même racine arabe que taliban J) font le tour des maisons de la ville ou du village et reçoivent des poignées de nourritures qu’ils recueillent dans ces écuelles et mangent …  Cette éducation était faite pour former des hommes stoïques se contentant de ce qu’ils ont, résistant à la faim et indifférents aux plaisirs de ce bas monde. Elle s’inscrivait dans une certaine vision du monde et dans un réseau social tel que toute la communauté se sentait responsable des enfants errants.

 

Mais depuis plusieurs décennies, des dérives apparaissent comme l’explique La détresse des enfants talibés :

Les talibés survivent dans des daaras (écoles coraniques), souvent des habitations de fortune, inachevées, sans eau ni électricité, où les enfants, en surnombre, privés d'hygiène et de soins, s'entassent pour dormir, généralement à même le sol ou parfois sur des nattes, les uns collés aux autres. Beaucoup de daaras fleurissent ainsi, avec à leur tête des marabouts recherchant plus des profits personnels que le bien-être des talibés, devenus pour eux une source de revenus. Ils sont à la merci de leur «maître» qui a tous les droits sur eux. Le sévices corporels violents sont courant durant l'enseignement religieux. Au Sénégal, à peu près n’importe quel musulman peut se dire marabout, et il n’existe aucune loi régissant les daaras, contrairement aux établissements scolaires. Les marabouts sont vénérés et jouissent d’un véritable pouvoir sur la population.

 

En réponse à cette tragédie le gouvernement a décidé d’interdire la mendicité :

Selon Abdoul Mbaye [le premier ministre] cette « mendicité organisée et cette exploitation des enfants en leur faisant vivre des conditions terribles et des risques doivent cesser ». À l’en croire, « c’est parce que les ressortissants sénégalais ne sont pas dupes que certains marabouts vont aller [chercher des enfants] jusque dans les pays limitrophes en Gambie, en Guinée Bissau et au Mali. Le Président de la République a donné des instructions fermes : de telles pratiques doivent cesser. Les marabouts véreux seront chassés et punis… »

Mais comme le souligne la chroniqueuse Dom Bochel Guégan ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement sénégalais prend de telles dispositions.  Elle aimerait croire à l'interdiction de la mendicité des enfants, mais… :

Il est tentant pour certains parents, tentant ou seule issue possible, de confier leur enfant en espérant qu'ainsi, il aura de quoi manger…

Sans compter tous les gamins venus de l'étranger, de Guinée ou d'ailleurs et qu'il faudra rendre à leurs familles, si on les trouve…

En 2010 déjà, Abdoulaye Wade, alors président de la République avait lui aussi annoncé la fin de la mendicité de ces mêmes talibés, poussé par la pression internationale des bailleurs de fond qui avaient posé ce préalable à toute autre aide financière.

La promesse n'aura pas tenu longtemps. Durant quoi ? deux, trois semaines nous avons effectivement constaté la disparition de ces gamins des rues, avant qu'ils ne reviennent, tous, et que les choses reprennent comme avant.

Ces difficultés ne sont pas les seules auxquelles le gouvernement doit faire face car comme le soulignent Hady Ba et Dom Bochel Guégan la riposte des religieux n’a pas tardée. Ils citent deux billets :

Les maitres coraniques de Touba ; Darou Moukhty, Diourbel: « Aucun daara ne sera fermé ! »

« Aucun daara ne sera fermé… Nous refusons le diktat de l’Etat… L’Etat est dans une logique de règlements de comptes… Le talibé est un petit mendiant et l’Etat un grand mendiant … Nous sommes prêts à regrouper 6.666 daaras pour des prières destructrices … ».

Le collectif départemental des serignes daaras de Rufisque a lui tenu une conférence de presse et menace d’un combat mystique le Président de la République.

Certaines voix proposent que l’Etat insère dans le cursus scolaire général l’enseignement religieux ; tel le député Serigne Mansour Sy Djamil qui estime que la responsabilité dans l’affaire de l’incendie de la Médina revient à l’Etat qu’il accuse d’avoir abandonné l’école coranique dans la misère au profit de l’éducation républicaine [laïque].

Photo de Dom Bochel Guégan. Avec autorisation.

Photo d'un enfant de rue au Sénégal envoyé par Dom Bochel Guégan. (Avec son autorisation)

Sur Facebook une internaute réagit  :

Ce matin [12 mars]  encore j'ai croisé des enfants, nus pieds, vêtus d'un simple tee-shirt trop grand, l'interdiction n'est bien évidemment pas respectée. Le premier ministre a dit hier que les lois étaient déjà existantes (vrai) et qu'il suffisait de les appliquer. Yako, fokon, espérons.

 

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