Deux ans après que le puissant séisme et le tsunami qu'il a provoqué [français] sur la côte nord-est du Japon ont causé la fusion des réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima [français], les Japonais deviennent de plus en plus frustrés par la réticence du gouvernement à les informer sur les véritables risques liés à l'utilisation du nucléaire.
Un groupe japonais de défense des citoyens, connu sous le nom de Let’s Decide Together (Décidons ensemble) [anglais], a organisé une importante manifestation le 10 mars 2013 [japonais] pour demander un référendum national sur l'avenir de l'énergie nucléaire au Japon, une des dernières initiatives citoyennes en date à encourager une politique énergétique sans nucléaire depuis le drame de Fukushima, la plus importante catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl.
Suite au tsunami, des critiques ont été émises partout dans le monde, reprochant au gouvernement japonais de dissimuler certaines informations concernant la fusion des réacteurs [anglais] aux citoyens, de retarder les évacuations et d'exposer inutilement certaines personnes à de fortes radiations. L'Organisation mondiale de la santé a conclu [français] dans ses rapports que les personnes qui étaient dans les zones les plus contaminées proches de la centrale de Fukushima avaient un risque plus élevé de contracter un cancer : les enfants de sexe masculin exposés aux radiations avaient 7% de chances supplémentaires de devenir leucémiques et le risque pour les enfants exposés de sexe féminin d'avoir un cancer du sein augmentait quant à lui de 6%.
Bien que la pression publique ait mené à la fermeture de presque tous les réacteurs nucléaires (à l'exception de 2 sur 50), le premier ministre japonais Shinzo Abe a récemment déclaré [anglais] que les centrales qui répondraient aux nouvelles consignes plus strictes de sécurité pourraient à nouveau fonctionner dans le courant de l'année.
Mais les efforts faits par le gouvernement sur la sécurité des centrales n'ont pas appaisé les résidents de Fukushima, ni les activistes à travers le monde qui demandent plus d'informations sur les dangers liés à l'utilisation du nucléaire, aussi effrayantes soient-elles.
La Conférence ministérielle de Fukushima sur la sûreté nucléaire [anglais], organisée conjointement par le gouvernement japonais et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) [anglais] du 15 au 17 décembre 2012 à Koriyama, dans la préfecture de Fukushima et tout près de la centrale nucléaire, a prouvé qu'il y avait un désaccord grandissant entre le gouvernement et les citoyens sur la question de l'énergie nucléaire.
La conférence, à laquelle ont participé 117 pays et 13 organisations internationales, visait à discuter de la sûreté nucléaire, de son renforcement [anglais] et tirer les leçons du drame de Fukushima.
Le ministre japonais des affaires étrangères a résumé ainsi [japonais] le but de la conférence gouvernementale de Fukushima, insistant sur l'engagement de l'Etat à rendre le nucléaire plus sûr :
事故から1年9ヶ月しか経っていない中で今回の会議を福島で開催することにより,原子力安全の強化の重要性につき強いメッセージを発信することができたものと考える。また,IAEA原子力安全行動計画の策定から1年を経たタイミングで国際社会の取組についてハイレベルで議論が行われたことにより,国際的な原子力安全を更に強化していくことにつながると期待される。
Dans le même temps, de nombreuses associations anti-nucléaires ont planifié leurs propres conférences. Les 15 et 16 décembre 2012, le comité d'organisation du collectif « Nuclear Free Now » [‘Sans nucléaire maintenant’, anglais] a organisé de son côté sa seconde conférence mondiale pour un monde sans nucléaire [anglais] dans le quartier de Hibiya, à Tokyo et la Coalition métropolitaine contre le nucléaire [anglais] a monté une manifestation au départ du parc Hibiya. Plus de 5 500 personnes ont participé à ces deux événements.
Le Plan d'action pour Fukushima [anglais], mené par un comité de citoyens de la préfecture de Fukushima en collaboration avec le collectif «Nuclear Free Now », a mené diverses actions entre les 14 et 16 décembre 2012, dont un symposium auquel assistait le réseau des maires qui veulent un Japon sans nucléaire [anglais], pour faire coïncider leurs événements avec la conférence gouvernementale.
Le premier jour de la conférence gouvernementale, quelque 200 citoyens se sont réunis devant la salle de conférence à Fukushima pour soumettre une demande officielle à l'AIEA, lui demandant de faire part des résultats d'une enquête de santé menée auprès d'enfants, de rendre des comptes et d'encourager le gouvernement japonais à démanteler immédiatement les centrales nucléaires.
Dans son introduction, le document explique [anglais] que les habitants de Fukushima doutent de l'honnêté de l'implication de l'AIEA dans la région :
Nous avons appris que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) établira deux centres de recherches dans la préfecture de Fukushima, dans le cadre de la création par la préfecture d'un « centre environnemental ». Nous considérons que l'AIEA est une entreprise qui œuvre pour le développement du nucléaire à l'échelle mondiale, insistant sur l'utilisation pacifique qui peut être faite du nucléaire et en sous-estimant les risques. Il est particulièrement difficile de comprendre ce qu'un tel organisme viendrait faire ici à Fukushima. Nombre d'entre nous qui ont été affectés par la catastrophe de Fukushima se demandent si ces centres de recherches bénéficieront à ceux qui ont été touchés par cette tragédie et se posent la question de leur véritable implication.
Cela ne fait que renforcer l'incertitude dans laquelle les habitants de la région sont obligés de vivre, ce qui ne changera pas tant que le gouvernement préférera diffuser des messages de sécurité plutôt que de communiquer sur la réalité de la situation :
Tout ce que le gouvernement a fait, c'est de diffuser une “campagne sur la sécurité” en disant aux gens qu’ « il n'y a pas de risques directs pour la santé » ou qu’ “une exposition à une radiation d'un niveau de100μSv par an ne représente aucun danger ». Les habitants de Fukushima sont poussés à faire un choix difficile, à savoir s'il faut avoir peur des radiations, qui ne peuvent être détectées ni par la vue, ni par l'odorat, ou s'il faut croire les « campagnes de sécurité » diffusées par le gouvernement ; cette situation est source de grande détresse et de tensions entre familles, amis et voisins.
L'agence a répondu [japonais] à ces questions le 17 janvier 2013, en insistant sur le fait qu'elle n'est pas décisionnaire quand il est question des problèmes nucléaires de Fukushima ou du reste du Japon :
IAEAとして、加盟国に対して原発を導入すべきである、原発の運転を継続すべきである、あるいは原発を停止させるべきであると言う立場にはありません。しかし、加盟国が厳守力発電を導入する、あるいは継続するという決定をした場合には、それらの原発が国際的な安全基準を十分満たし、周辺国の懸念にも十分対応する形で安全かつ持続的に運転されるよう支援するということがIAEAの役割です。
Exiger la vérité
Les deux dessins illustrant des radiations par « points rouges » ont été dessinés par l'artiste Misato Yugi et sont devenus très populaires dans le Japon d'après-Fukushima. Ces dessins veulent montrer à quel point la situation aurait été dramatique si la radioactivité avait été visible à l'oeil nu.
Mais dans la vraie vie, la radioactivité n'est pas marquée par des points rouges et les Japonais n'ont pas d'autres choix que de demander la vérité sur les dangers qu'elle représente à leur gouvernement et autres agences.
Le 15 décembre, la chaine de télévision à but non lucratif Ourplanet-TV [anglais] a filmé un membre de l'association Femmes de Fukushima contre les centrales nucléaires [japonais] posant justement ce genre de questions près de l'entrée de la Conférence gouvernementale et demandant à Jill Tudor, porte-parole de l'AIEA, de dire la vérité sur le nucléaire.
La vidéo est disponible sur YouTube [japonais] :
覚えておいて欲しいこと、それは、福島県はもう脱原発を決めた、ということです。それからもうひとつ、IAEAはぜひチェルノブイリの真実を語ってください。チェルノブイリの健康被害の真実を語ってください。[…] 最後にお願いです。今日から3日間行われている会議で、原発の安全性ではなくって、原発の危険性について語ってください。そして世界中の原発をなくすという、そういう会議に切り替えてください。
Nous voulons que l'AIEA se souvienne que la préfecture de Fukushima a déjà décidé de renoncer au nucléaire [japonais]. Il existe d'autres possibilités. Je vous en prie, dites-nous la vérité sur Tchernobyl. Au cours de ces trois jours de conférence à venir, parlez-nous enfin des dangers du nucléaire, et ne faites pas la publicité de la sécurité des centrales. Et s'il vous plaît, changez le programme et faites en sorte que le nucléaire disparaisse de la planète.
Au cours de la prise de vue, un autre membre a appelé Tudor à faire en sorte que les habitants de Fukushima aient leur mot à dire sur la question du nucléaire :
私たちのことを抜きに、福島のことを決めないでください!
S'il vous plaît, ne décidez rien sur Fukushima sans nous, les gens de Fukushima !
Kyania, qui a fuit de Fukushima vers Kyoto avec son enfant, a raconté sur un blog ce qu'elle a vécu. Le 12 décembre 2012, elle a publié un document, rédigé par les citoyens et soumis à la préfecture de Fukushima, qui conteste la présence de l'AIEA à Fukushima dans la supervision de la décontamination et autres formes de nettoyage des conséquences de la catastrophe. Elle a également souligné [japonais] à quel point il est important que les personnes soient informées sur les conséquences du drame afin de mieux se protéger :
国民の一人、一人が、自分と家族を守るのは自分自身である事を自覚し、情報を取り続けて下さい。
そして、あなたの思いが溢れた時には、私達と一緒に、ご自分が出来る事を、どんなに小さい事でも良いので続けて頂きたいです。
Chacun d'entre nous doit comprendre que lui seul peut se protéger et protéger sa famille ; continuez donc à vous informer par vous-même. Si cela vous donne des papillons dans le ventre, je veux vous voir continuer à agir, même un peu.