- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

L'Inde peut-elle vaincre la tuberculose?

Catégories: Asie du Sud, Inde, Développement, Médias citoyens, Santé, Technologie

La Journée Mondiale de la lutte contre la tuberculose a eu lieu le 24 mars. Cette année, les différentes autorités impliquées dans cette lutte – les agences gouvernementales, les communautés médicales, les ONGs et les activistes de santé – ont pris le temps de faire le point sur les moyens mis en oeuvre en Inde dans sa lutte contre cette maladie tant redoutée.

Avec près de 2,2 millions de cas chaque année, l'Inde a le fardeau le plus lourd à porter de cas de tuberculose (TB) dans le monde et malgré les efforts, les exemples de résistance aux médicaments contre la TB augmentent. A l'occasion de la Journée Mondiale contre la Tuberculose, le président indien Pranab Mukherjee [1] a rappelé l'engagement du pays à atteindre l'objectif “zero mort de la TB”. Reconnaissant que le défi à relever reste encore difficile, il a déclaré [2] [pdf]:

A l'occasion de la Journée Mondiale contre la Tuberculose, je loue le travail important qui a été mené par les différents acteurs impliqués, dirigés par le programme national contre la TB. Depuis 1998, grâce à la mise en oeuvre réussie de la stratégie DOTS, plus de 14,2 millions de personnes en Inde ont eu accès au traitement.

Il est cependant inquiétant que l'Inde continue à présenter le plus grand nombre de cas de TB dans le monde. L'un des défis les plus importants pour faire face à la TB est la détection et le contrôle des souches résistantes aux médicaments. De tels défis soulignent le besoin de renforcer la recherche et le développement pour introduire de nouveaux diagnostics, de nouveaux médicaments et de nouveaux vaccins.

TB poster India [3]

Image publique, cédée par la Division Centrale contre la TB, Ministère de la Santé et de la Famille, Inde.

Dans sa lutte pour aborder la menace croissante de santé publique, le gouvernement indien a pris deux décisions importantes en 2012. Dans un récent e-mail, Kritika Kamthan [4], associée au programme Global Health Strategies (GHS) [5], a expliqué en quoi consistaient ces deux décisions et comment elles seraient appliquées sur le terrain. Elle a écrit :

Plus de la moitié des patients atteints de la tuberculose sont traités dans le secteur privé en Inde, où la qualité des soins est très variable et où les diagnostics inappropriés augmentent. De plus, il existe de nombreux exemples d'abus de traitement ou des mises sous traitement irrationnel. Le gouvernement indien a donc pris deux décisions importantes:

  1. Faire de la TB une maladie déclarée: Le 7 mai 2012, le gouvernement indien a annoncé que la TB était dès lors une maladie à déclarer. Cette annonce [6] [pdf] signifie que tous les personnels de centres de soins privés, tous les soignants et toutes les cliniques, qui traitent un patient souffrant de TB devaient immédiatement déclarer chaque cas de TB aux autorités locales – inspecteur de santé publique du district/ inspecteur médical en chef de district et inspecteur municipal de santé publique – et ce, tous les mois. Cependant, cette décision ne garantit pas le secret médical concernant les patients de la TB. Par conséquent, en raison de la crainte inspirée par la TB, il est probable que la plupart de ces patients seraient forcés à devenir clandestins et à s'abstenir de consulter le système de santé.
  1. Interdire les diagnostics de la TB basés sur les prélèvements sanguins/ les sérologies: Le 7 juin 2012, le gouvernement indien a interdit la fabrication, la vente, la distribution, l'utilisation et l'importation de kits de sérologie pour le diagnostic de la TB. Cependant, ces tests sont toujours mal utilisés par le secteur privé malgré le fait qu'ils ne soient pas recommandés ni par le RNTCP ni par une autre agence.

Malgré les récents changements de politique, la morbidité, la mortalité et le développement des résistances aux médicaments contre la TB ont augmenté, ainsi que le fardeau économique croissant qui pénalise sévèrement la capacité de l'Inde à se prémunir et à contrôler la TB.

Kritika reconnaît le rôle joué par les média pour la prise de conscience et la mise en évidence des sujets relatifs à la maladie. Mais elle a aussi rapidement souligné que beaucoup de choses peuvent encore être faites dans le domaine, spécialement dans l'espace numérique. Elle déclare :

Le contexte indien de la TB a connu un changement drastique depuis l'année dernière. Les discussions autour des différents défis, dont la propagation de la TB résistante aux médicaments, les coinfections TB/VIH, le défaut de diagnostics corrects et faits à temps, la vente libre de médicaments anti-TB et la crainte populaire, ont largement été couvertes par les média. [Cependant] gardant en tête que près de 1000 personnes en Inde succombent à la TB tous les jours, une plus grande importance doit être donnée à l'urgence de la situation sur le terrain numérique aussi.

A TB patient under treatment at TB hospital in Amritsar, India.  Image by Sanjeev Syal. Copyright Demotix (23/3/2013) [7]

Une patiente atteinte de la tuberculose sous traitement à l'hôpital à Amritsar, en Inde. Image de Sanjeev Syal. Copyright Demotix (23/3/2013)

Dans le billet d'un invité [8] sur le blog Science Speaks, le Dr. Madhukar Pai, un professeur assistant d'épidémiologie à l'Université McGill, Montréal, a mentionné que la lutte de l'Inde contre la TB est à un tournant et que des approches innovantes seront nécessaires pour réussir à contrôler et éradiquer la maladie. Le Ministre de la Santé [9] aussi l'a reconnu et tente de changer le mode de détection et de traitement de la TB [10] dans le pays.

Dans son blog ‘Healthcare in India’, le Dr. Vikram Venkateswaran regrette que la TB “soit sortie du radar de l'autorité indienne”, probablement parce que a) cela affecte surtout les niveaux les plus bas de la société et b) il existe toujours une crainte sociale associée à la maladie. Il souligne [11] que :

La lutte contre la TB doit être menée sur deux fronts – sur le plan Médical et sur le plan Social. Sur le plan médical, les médecins et les personnels de santé sont actifs mais cela tient surtout à nous de mobiliser la société et faire le nécessaire.

L'Inde a donc un but ambitieux. Comme l'a souligné le président Mukherjee, “la volonté de l'Inde est de fournir ‘un accès universel à un diagnostic et à un traitement de qualité’ dans les cinq prochaines années, quel que soit le statut économique ou social”. Dans le passé, l'Inde a réussi à vaincre d'autres menaces de la santé publique comme la polio et la variole. Il reste à observer quels seront les progrès de la lutte contre la TB. Après tout, il s'agit d'un combat que l'Inde ne peut pas se permettre de perdre.