Chine et Myanmar : Une politique de drones et de drogue

Ce billet fait partie de notre dossier central Relations internationales et la sécurité.

Naw Kham Before Execution

Naw Kham avant l'exécution. Capture d'écran de la vidéo de la télévision centrale chinoise.

(Les liens renvoient vers des pages en anglais)

Le narco-baron birman Naw Kham et les membres du gang Hsang Kham, Yi Lai (originaire de Thaïlande) et Zha Xika (du Laos) ont été exécutés par la Chine le 1er mars 2013, après avoir été reconnus coupables de l'assassinat de 13 marins chinois sur le Mékong en 2011.

L'exécution a attiré l'attention internationale pour deux raisons. Tout d'abord, les chaînes de télévision chinoises gérées par l'État ont diffusé le défilé d'exécution, une décision qui a provoqué la colère de nombreuses personnes au Myanmar et même en Chine. Deuxièmement, le gouvernement chinois a admis avoir envisagé l'utilisation de drones en 2012 pour capturer Naw Kham qui se cachait alors dans un village rural au Laos. C'était la première fois que la Chine a reconnu publiquement l'acquisition de drones.

L'exécution de Naw Kham a déclenché un vif débat à propos de ses activités criminelles. Connu comme le « parrain du Triangle d'Or », Naw Kham a dirigé la Milice Hawngleuk, composée de 100 hommes, et opérant dans la ville frontière Tachilek (état Shan du Myanmar) et s'y livrant au trafic de drogue, à des enlèvements et détournements. Le Myanmar est le cœur du Triangle d'Or, connu dans la partie continentale de l'Asie du Sud-Est comme le deuxième producteur mondial d'opium après l'Afghanistan.

Le gang de Naw Kham a aussi extorqué de l'argent dans le cadre d'opérations de protection de navires marchands sur le Mékong. Kham est devenu l'homme le plus recherché en Chine après que son groupe a tué 13 marins chinois qui refusaient de payer en 2011. La « tragédie du Mékong » a incité la Chine, le Laos, le Myanmar et la Thaïlande à lancer des patrouilles conjointes le long du fleuve et de coordonner les efforts déployés pour la capture de Naw Kham. Son arrestation a provoqué des comparaisons avec la réussite de l'opération d'assassinat du leader d'Al-Qaïda, Oussama ben Laden, par les forces américaines.

Comment Naw Kham avait-il pu échapper à l'arrestation pendant tant d'années ? Il semble qu'il ait été protégé par des fonctionnaires birmans de haut rang et, apparemment, même par certains villageois, raconte le journal birman Mizzima News :

Pendant près d'une décennie, il a réussi à échapper à l'action des organes locaux de police pour le capturer en raison de « la protection et bénédiction » des villageois et des militaires birmans présents dans les régions de Tachilek et Kentung de l'état Shan, ont indiqué des responsables. Il a été considéré comme un « Robin des Bois » en raison de l'argent qu'il arracha à la navigation sur le Mékong.

La vie tragique de Naw Kham nous rappelle aussi la complexité de la politique de la drogue au Myanmar. Shan Herald explique le lien entre la lutte contre la drogue et la guerre civile qui fait rage dans le nord du Myanmar :

Personne n'est innocent dans la guerre contre la drogue en Birmanie :

Le peuple en raison de leur besoin désespéré de survivre

Les rebelles parce qu'ils ont besoin d'acheter des armes pour continuer la lutte contre un gouvernement tyrannique

Le gouvernement et ses forces armées parce qu'ils encouragent des alliés à s'impliquer dans le trafic de drogue comme moyen de lutte contre la résistance et parce qu'ils permettent à leurs unités d'être impliquées afin de pouvoir se nourrir, se vêtir et s'équiper

Le boucle est bouclée lorsque des financiers cupides profitent de la situation pour investir, produire et commercer avec la drogue.

Khuensai Jaiyen de la division Veille Drogue de l'état Shan estime qu'une « solution politique avec les groupes ethniques armés » est la clé pour résoudre la menace de la drogue:

Il est temps de mettre fin au cercle vicieux de barons de la drogue qui émergent et sont encore et encore sacrifiés comme de nouveaux boucs émissaires. Les racines politiques du problème de la drogue doivent être traitées.

L'information que la Chine possède des drones a suscité un débat quant à savoir si le gouvernement chinois autorisera leur utilisation pour protéger ses investissements au Myanmar, en particulier son projet de gazoduc. Mizzima News discute de cette question :

Peut-être que oui, peut-être que non. Toutefois, le fait que la Chine fait prendre conscience à son voisin du sud-ouest de ses capacités militaires envoie un message difficile à ignorer.

Il est fort probable que la patience chinoise et sa politique souverainiste seront mises à l'épreuve dans les mois à venir : non seulement dans le cadre du conflit Kachin, mais aussi dans celui de la protection contre les sabotages d'un gazoduc essentiel.

En ce qui concerne la projection en direct du défilé de l'exécution de Naw Khan, la plupart des internautes birmans et chinois ont critiqué le « spectacle inutile ». Nicholas Bequelin de Human Rights Watch le décrit comme un « affront à la dignité humaine » :

Il n'ya aucune raison de transformer une exécution en ce spectacle grotesque, ce qui en réalité détourne de l'administration efficace de la justice … peu importe ce qu'ils ont fait, ils ne sont pas des animaux dans un zoo.

ISN logoCe billet et ses traductions en espagnol, en arabe et en français ont été commissionnés par le Réseau international de sécurité (ISN) dans le cadre d'un partenariat destiné à faire entendre les points de vue des citoyens sur les relations internationales et les questions de sécurité dans le monde. Visitez le blog ISN pour lire d'autres articles.

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