Djibouti toujours dans l'attente d'une véritable élection démocratique

A l'issue des élections législatives du vendredi 22 février qui a vu la victoire du parti du président Ismail Omar Guelleh avec 80% des voix, plusieurs leaders de l'opposition à Djibouti ont été arrêtés suite aux manifestations de protestations contre les allégations de fraude massive. Selon l'organisation  Djiboutian League of Human Rights (LDDH) et la Fédération Internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), 90 personnes ont été retenus à la prison centrale de Gabode à Djibouti.

Le porte parole du parti de l'opposition Union for National Salvation (USN), Daher Ahmed Farah a été condamné à deux mois de prison ferme pour appel à la rébellion suite aux résultats des élections.  La vidéo suivante montre les combats dans les rues entre les manifestants de l'opposition et la police (via Dillipress):

Les élections Djiboutiennes n'ont à ce stade jamais abouti à une vrai alternative politique au pouvoir.  Ismaïl Omar Gelleh est  est président de la République depuis le 9 avril 1999 et son parti d'idéologie conservatrice, Le Rassemblement populaire pour le progrès (RPP) est au pouvoir depuis l'indépendance du pays.

Ismaïl Omar Guelleh (à droite) et Donald Rumsfeld (à gauche), 2002 via wikimédia Public Domain

Ismaïl Omar Guelleh (à droite) et Donald Rumsfeld (à gauche), 2002 via wikimédia Public Domain

James Schneider de Think Africa Press pense que les élections n'étaient démocratiques que de façade depuis le départ:

His most recent re-election, in 2011, came after he changed the constitution to be allowed to run for a third time; the vote took place without election observers and Guelleh won practically unopposed after the opposition withdrew citing harassment and the unfair nature of the poll [..] Guelleh’s illusion will have worked, at least in the short term: he will still have power but now with the veneer of a parliamentary opposition.  Indeed, many people have much to gain from the electoral illusion. But sadly, this group is unlikely to include most ordinary Djiboutians. After all, you cannot improve freedom, development and wellbeing with illusions alone.

Sa réélection en 2011 est arrivé après un changement constitutionnel pour pouvoir briguer un troisième mandat; les élections ont eu lieu sans observateurs électoraux et Guelleh a gagné pratiquement sans opposition après que l'opposition se soit retiré en citant des attaques et une procédure éléctorale frauduleuse [..] L'illusion crée par Guelleh aura marché, au moins sur le court terme: il aura toujours le pouvoir, mais maintenant avec la façade d'une opposition parlementaire. Beaucoup ont à gagner de cette illusion électorale. Mais malheureusement, ceux ci n'incluent pas le commun des Djiboutiens. Après tout, vous ne pouvez pas obtenir plus de liberté, du développement et le bien-être de la population que sur des illusions.

Quartier européen à Djibouti via Wikimédia - Public Domain

Quartier européen à Djibouti via Wikimédia – Public Domain

Le parti au pouvoir conteste les allégations de fraude. Le chef de la comission éléctorale indépendante nationale Abdi Ismail Hersi affirme que les éléctiosn se sont déroulés de manière transparente. Ce verdict est partagé par l'observateur Malien de l'Union Africaine Cissé Mariam Kaïdama Sidibé qui affirme:

The citizens of Djibouti were able to carry out their civic duties in total transparency.

Les citoyens Djiboutiens ont pu faire leurs devoirs de citoyens en toute transparence.

Sur sa page facebook, le parti de l'opposition rapporte que les arrestations de membres de l'opposition continuent dans la ville d'Arhiba:

A Arhiba, la journée du dimanche 7 avril a vu l'arrestation musclée avec force brutalité d'Abdo Mohamed Ahmed et Houssein Mohamed Kamil avant d’être conduits tous deux au centre de Nagad. Puis c’est vers 2 heures du matin dans la nuit du dimanche 7 au lundi 8 avril que la police a procédé à de nouvelles arrestations directement aux domiciles des individus pour tirer de leurs lits au moins trois hommes dont les noms ont été révélés : Abdo Ibrahim Mohamed, Abdo Ali Bouha et Abbatte Gadid Merito.

La position stratégique du pays dans la corne de l'Afrique fait de Djibouti un allié non négligeable pour les pays occidentaux, (dont la France, ancienne puissance coloniale du pays) dans la lutte contre les pirates  et terroristes islamistes de la région. Luke Lythgoe explique que ce contexte rend difficile pour les pays occidentaux de critiquer le gouvernement en place:

Djibouti may be a country few in the West know about, yet Western foreign policymakers have placed disproportionate emphasis upon the tiny nation as a strategic base for their operations in the Horn of Africa – particularly in combating piracy and the militant Islamists al-Shabaab in Somalia. Perhaps understandably, considering the higher profile crises on its doorstep, the West has treated Djibouti as little more than a tool in its arsenal – as a military base, launch pad for drone strikes, or venue for regional diplomacy – rather than a situation worth addressing in its own right.

Djibouti est certes un petit pays que peu de gens en Occident connaissent, mais les responsables politiques occidentaux ont mis l'accent sur cette nation comme une base stratégique pour leurs opérations dans la Corne de l'Afrique – en particulier dans la lutte contre la piraterie et les militants islamistes d'Al-Shabaab en Somalie. C'est pourquoi peut-être, vu les crises qui se profilent à sa porte que l'Occident a traité Djibouti comme un outil dans son arsenal – en tant que base militaire, rampe de lancement pour les frappes de drones, ou un lieu pour la diplomatie régionale – plutôt qu'un pays avec une vrai crise politique qui mérite d'être dénoncée comme telle.

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