Le reportage Vies en transit [1], de Ana Aranha, sur l'impact des grands chantiers du Rio Madeira en Amazonie dans l'état de Rondônia au Brésil, fait partie d'un dossier spécial, #AmazôniaPública [2], de Publica, l'Agence Publique de journalisme, et sera publié sur Global Voices Online sous forme d'une série de cinq articles.
Les plaintes pour promesses non tenues sont nombreuses chez les habitants des rives du Rio Madeira qui ont quitté leur commune de Velha Mutum (Vieux Mutum) pour aller vivre à Nova Mutum-Parana, cité construite par l'entreprise brésilienne Energia Sustentável [3] pour héberger d'abord les ingénieurs puis les ouvriers du complexe hyodroélectrique de Jirau.
Sônia Cabral Costa, ex-habitante de velha Mutum, aujourd'hui propriétaire d'une boutique de vêtements, se pose des questions :
Ils ont promis qu'il y aurait ici des collèges, des industries, des milliers d'emplois…où sont-ils ?
Rien de cela n'a été fait. Certains ont une bonne rente de situation et continuent à croire en ce que l'entreprise a promis.
Cette année, le neveu de Sônia achève l'école primaire. L'année prochaine, il sera obligé de faire 30 km tous les jours pour étudier à Jaci Paraná. Il y avait dans les promesses de l'entreprise la construction d'une école primaire et d'un collège. En réalité, les deux écoles ont été construites mais le problème est que l'une d'entre elles a été transférée au secteur privé : à la porte du Collège Einstein, une pancarte avec le logo de l'usine rappelle que le bâtiment a été construit avec des fonds de la Banque nationale de développement économique et social (BNDS). Ne peuvent y être admis que les élèves dont les parents peuvent payer des mensualités de 240 Reais ou 200 Reais si on est enfant de “Camargueiro”, nom donné par les habitants aux employés de l'entreprise Camargo Corrêa qui pilote les chantiers des centrales hydroélectriques.
Alors que le collège privé a 20 élèves par classe, l'école publique en a plus de 40 et fonctionne aussi la nuit pour répondre à la demande. Neida Rodrigues dos Santos, sous directeur de l'école municipale, raconte:
L'année dernière, plus de 230 élèves n'ont pas été inscrits par manque de place. Les parents sont venus pleurer à ma porte mais on ne savait pas où les mettre.
“Ce devait être municipal mais on avait besoin d'une école pour les enfants des ingénieurs et la Jirau s'est tournée vers le privé, je ne vois pas où est le problème” déclare Pedro Bébert, responsable de la gestion des fonds de compensation sociale gérés par la mairie.
S'ils payent les enseignants, la mairie n'a pas intérêt à gérer cette école”
Ces problèmes d'infrastructures sont également courants dans les autres sites créés par Jirau et Santo Antônio pour héberger la population rurale qui devait être déplacée. Une plainte fréquente concerne l'odeur d'égout dans les maisons : les travaux d'assainissement ont été faits à des endroits trop proches des zones inondables. Du fait de l'expansion de la retenue d'eau, la nappe phréatique remonte et provoque un débordement des égouts et des fosses septiques. Enfin, tous insistent sur la grande difficulté qu'ils rencontrent pour cultiver quelque chose. Ces riverains ont été expulsés des rives du fleuve naturellement fertilisées par les crues et installés sur des terres achetées à des “fazendeiros” où certains élevaient du bétail.
Le projet initial tablait sur un déplacement de 2 849 personnes, 1 087 dans la zone inondée par Jirau et 1 762 dans celle inondée par Santo Antônio. Selon le Mouvement des sinistrés par les barrages [4], il y aurait aujourd'hui 4 325 personnes déplacées où indirectement sinistrées par la montée des eaux.