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La mort du cinéaste indien et icône gay Rituparno Ghosh abasourdit ses fans

Catégories: Asie du Sud, Inde, Arts et Culture, Film, LGBTQI+, Médias citoyens

[Les liens renvoient vers des pages en anglais] Le talentueux réalisateur Rituparno Ghosh [1], lauréat de moult prix nationaux et internationaux, est mort dans son sommeil d’un arrêt cardiaque [2] foudroyant le jeudi 30 mai 2013, au matin.

Réputé pour sa narration magistrale et sa représentation sensible des relations humaines, Rituparno était aussi bien connu pour l’extravagance audacieuse avec laquelle il célébrait sa sexualité et choix de sexe alternés, aussi bien de par la façon dont il s’habillait que, ces derniers temps, de par les histoires qu’il relatait dans ses films et jusqu'aux personnages qu’il incarnait dans une poignée de films dans lesquels il faisait son apparition en tant qu’acteur.

Son décès subit a non seulement bouleversé [3] la fraternité du cinéma indien mais aussi les amateurs de cinéma ainsi que les membres de la communauté LGBT qui voyaient en Ghosh une icône militante [4] soutenant leur cause. Plus tard ce même jour, Ghosh a été incinéré avec funérailles d’honneur nationales [5] dans sa ville natale de Kolkata.

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Rituparno Ghosh (né le 31 août 1963 – mort le 30 mai 2013) Image fournie par www.bollywoodhungama.com CC-BY-3.0 via Wikimedia Commons

Le caractère soudain de sa mort a beaucoup ému. Deux jours seulement avant son décès, le réalisateur de 49 ans (@rituparnoghosh [7]) avait tweeté qu’il avait achevé le tournage de son dernier film bengali très attendu, un thriller policier basé sur une série mettant en scène un détective bengali populaire. Il a écrit :

@rituparnoghosh [8]:

Tournage de Satyanewshi bouclé, un thriller policier dans l'embrasement de l’après-midi tombant, méditatif, comme en fusion.

Les médias sociaux étaient en effervescence [9] face à la tristesse et à la stupéfaction suscitées par la mort de Rituparno Les internautes discutaient de sa vie et de son œuvre et déploraient également le fait que de nombreuses histoires ne seraient jamais racontées à cause de sa mort prématurée.

Un blogueur reconnaissant son addiction au cinéma et dénommé twopull a publié un article détaillé et réfléchi au sujet du réalisateur et de son art sur son blog Breathe – Ramblings of a Lazy Bong. Il y décrit l’impact que le cinéma de Ghosh a eu sur lui :

Je ne suis pas un réalisateur, un acteur ou encore un intermittent du spectacle. Je ne l’ai jamais connu personnellement. Je ne peux pas le percevoir comme un co-réalisateur, un professeur ou encore un objet de critiques. Je ne peux pas me souvenir de lui avec l’intimité d’un ami… Je le ressens à travers son cinéma. Son cinéma qui m’a parlé durant les deux dernières décennies de ma maturation et de mon vieillissement vers ce seuil qu’est l’âge mûr. M’instruire et me souvenir de la condition humaine. Pas à travers une pédagogie complexe. Mais par de simples et franches vignettes, non moins touchantes, subtiles et intimes.

Le critique de cinéma et chroniqueur Raja Sen a rédigé un article à propos de sa rencontre récente avec le réalisateur et de ses impressions sur l’artiste qu’était Ghosh. Sur son blog personnel, Sen City, il écrit [10] :

Au cours des vingt dernières années, Ghosh fut un réalisateur éminemment important, un artiste sensible qui n’a pas laissé son perfectionnisme entraver sa production vertigineusement prolifique. Ses films furent nombreux, et nous avons tous nos préférés, mais ce qui caractérise la filmographie de Ghosh est, à mon avis, une certaine tendresse dans l’ensemble. C’était comme s’il aimait d'un amour sincère les personnages avec lesquels il peuplait ses films, et les traitait fraternellement, maternellement, et comme des amis proches. Le simple fait qu’un personnage secondaire ait été utilisé comme artifice de l’intrigue ne signifie pas pour autant qu’il peut être mis de côté. Ces personnages avaient de l’importance aux yeux de RituDa, et cette prédilection apparaît plus particulièrement dans plusieurs séquences muettes de ses films.

Et hors des séquences muettes, les mots grésillaient.

La blogueuse Debolina Raja Gupta a ressenti la mort prématurée de Ghosh comme « un jour triste non seulement pour le cinéma indien, mais aussi pour le monde des amoureux du cinéma tout entier ». Elle écrit [11] dans un article sur son blog :

Il a toujours été et restera mon réalisateur favori, et oui, j’étais une des nombreuses personnes qui attendaient avec impatience les nouveautés émanant de sa vision magique. Repose en paix.

L’animateur de télévision populaire Derek O’Brien, qui est également un député originaire du Bengale, a rappelé comment Rituparno avait débuté sa carrière dans la publicité avant de se diriger vers sa passion : la réalisation. Décrivant la personnage lui-même, Derek a écrit [12] sur son blog personnel :

Un homme brave et courageux, prêt à défier l’orthodoxie, Rituparno se sentait à l’aise avec ses choix personnels et sa sexualité. Il a grandi tout en étant particulièrement proche de ma femme et la camaraderie s'est installée. De nombreuses soirées furent passées à débattre de films, de la publicité, de l’environnement social bengali, du mouvement homosexuel, de l’économie de la culture. À chaque fois, Rituparno était le cœur vivant de l’adda [13].

Des commentaires et condoléances ont également afflué en provenance de la communauté LGBT. Sur Gaysi, le blog gay desi, le blogueur Chicklet a évoqué ses souvenirs sur la façon dont laquelle Rituparno a influé sur le dialogue sur l’homosexualité à travers ses portraits de la fluidité du genre dans ses films. Chicklet a écrit [14] :

Ses œuvres ont permis aux gens de repenser l’homosexualité. Elles n’ont pas porté sur le sexe, mais sur le cœur et l’esprit.

La réputation de Rituparno parmi ses pairs était invulnérable. Il était non seulement sensible, libéral, fluide et respecté, mais aussi mystérieux. Il adorait porter du kajal sur ses yeux. Il pouvait arborer des bijoux sur une kurta et assister à une réception mieux que quiconque à ma connaissance. Il était un véritable héros. Il était là, acceptant sa féminité avec grâce. Il se considérait comme étant privilégié de par sa fluidité du genre ; le fait qu’il était entre les deux. Il ne s’associait à aucun des sexes. Je crois qu’il nous a tous laissés avec une voix à faire entendre !

Il restera dans nos mémoires pour toujours, ses chefs-d’œuvres commémorant ce que nous possédions ou ce que nous avons perdu.

Twitter a été submergé de messages, faisant du Bengale un trending topic [15] tout au long de la journée. Certains spectateurs des salles obscures bengalis ont confié qu’à une époque où ils avaient perdu tout intérêt pour le cinéma bengali, ses qualités et sensibilités s'amenuisant, l’avènement de Rituparno a insufflé un vent de renouveau et a réconcilié les amoureux du cinéma avec les salles :

@oindrila_007 [16] (Oindrila Nag) : Ses films ont été les raisons pour lesquelles je me suis remis à regarder des films bengali depuis le début. Je n’arrive pas à me remettre du fait qu’il n’est plus. R.I.P Rituparno Ghosh.

Des tweets ont également montré que l’attrait pour Rituparno, malgré le fait qu’un grand nombre de ses films était en bangla (seuls quelques uns ont été réalisés en hindi ou en anglais), ne se limitait pas aux spectateurs bengalis régionaux mais que ses histoires avait un rayonnement embrassant l’Inde entière.

@devrup16das [17] (Devrup Das) : 12 RÉCOMPENSES NATIONALES à l’âge de 49 ans seulement ! CE N'EST PAS UNE BLAGUE !! Quel génie… R.I.P RITUPARNO GHOSH

@PKambey [18] (Pratap Kambey) : Rituparno Ghosh fut l’un des plus grands réalisateurs de notre pays, pas seulement du Bengale. Nous le regrettons tellement…

@shaneem [19] (M Shaneem) : Raincoat reste le seul film de Rituparno Ghosh que j’aie vu… Et quelle expérience émouvante ce fut…

RIP Rituparno Ghosh. Tu es parti trop tôt, laissant tant d’histoires jamais racontées.