(Billet d'origine publié le 12 juin 2013)
[Liens en anglais] La décision du Conseil de l'idéologie islamique (CII) rejetant l’ADN comme preuve en cas de viol a reçu une volée de critiques de la part des défenseurs de droits dans le pays. La règle a pourtant de nombreux partisans, certains apprécient qu'il y ait une institution religieuse légitime pour se prononcer sur les problèmes religieux du Pakistan.
Le conseil n'a pas de pouvoir législatif dans le pays, c'est un organisme consultatif pour le gouvernement pakistanais et le parlement sur les sujets juridiques liés à l'islam. Le viol est actuellement jugé en vertu du droit civil au Pakistan qui autorise les résultats ADN comme preuve. Suite à la décision, l'assemblée provinciale du Sind a, à l'unanimité, adopté une résolution le 11 juin 2013, rendant les tests ADN obligatoires, dans toutes les affaires de viols de la province.
Le décret controversé [ourdou] rendu public sur le site web du conseil, stipule que l'Islam a donné des instructions claires sur la façon de juger et punir les violeurs, en comptant uniquement sur 4 témoignages et que l'ADN ne pourrait être utilisé qu'en complément à cette première preuve.
La commission des droits de l'homme du Pakistan (HRCP) a qualifié la déclaration du conseil de “régressive, exceptionnellement insensible et cruelle pour les victimes de viol” :
Les méthodes d'enquête défectueuses et la réticence des témoins à se manifester signifient que la balance penche en faveur du violeur. Dans ces circonstances, ce serait idiot de ne pas utiliser toutes les preuves disponibles, surtout quelque chose d'aussi irréfutable que les résultats de tests ADN.
Au Pakistan, le viol était jugé selon la charia islamique ou les lois controversées Hudood, qui en pratique transforment un viol en délit d'adultère -si une victime de viol n'est pas en mesure de fournir 4 hommes, témoins oculaires du crime, elle pouvait être accusée d'adultère. En fait, selon la commission nationale du Pakistan sur le statut des femmes, “80 % des femmes” en prison en 2003 y était parce qu'elles “n'avaient pas réussi à prouver leurs viols et étaient donc par conséquence coupables d'adultère.”
Mais en 2006, la Loi de protection des femmes a été adoptée et a abrogé les lois Hudood, ramenant le viol dans le cadre de la loi civile qui autorise les preuves médico-légales.
Ayesha Tammy Haq (@tammyhaq), une journaliste au Pakistan, a posté une remarque sarcastique sur son compte Twitter :
@tammyhaq: (Ayesha Tammy Haq) Les soutiens-gorges rembourrés sont les coussins du diable d'après le #CouncilofIslamicIdeology du Pakistan, une bonne chose qu'ils n'aient pas des sujets plus importants à traiter !
A l'inverse, Umair Rasheed (@umairrasheed1) a tweeté :
@Umairrasheed1 (Umair Rasheed): Les mollahs convoquent la #Alam-e-IslamConference à #Peshawar. Ils disent qu'ils vont entamer la mise en place des propositions du #CouncilofIslamicIdeology.
Le blogueur Asif Zaidi a écrit sur le blog ‘Let Us Build Pakistan’ (Construisons le Pakistan) :
… peu importe le nombre de preuves existantes on ne peut nier le fait qu'une femme puisse mentir en se déclarant elle-même victime de viol. Ainsi, il faut être très méticuleux pour ralentir la voie de la justice face à des décisions douteuses contre des hommes innocents.
Muhammad Ilyas Haidri commente un article sur Dawn.com en disant :
…les restrictions du CII de ne pas accepter les résultats des tests ADN sont justifiées… il est vrai que les résultats de laboratoires certifiés comme au Pakistan et ailleurs dans le tiers-monde, où les pots-de-vin, la fraude, les modifications de résultats, et un mauvais système judiciaire sont monnaie courante, ne peuvent être pris au sérieux…
Rana Gulabi sur le même site web, déclare :
Il y a une raison scientifique derrière ça, parce que l'ADN peut être extrait d'objets courants de la vie quotidienne, comme des peignes, des vêtements, etc. en utilisant du matériel de laboratoire facile d'accès et ensuite il pourrait être déposé n'importe où pour tromper l'équipe médicale faisant le rapport. Une femme qui voudrait se venger de son ex-mari pourrait faire ça pour lui détruire la vie.
Soulignant le fait que le CII compte plus de deux douzaines de clercs masculins, HWG fait ce commentaire sous un angle nouveau :
Le CII devrait avoir des membres féminins indépendantes pour commencer. Comment une institution composée uniquement de membres masculins peut-elle prendre des décisions affectant les femmes sans même écouter leurs représentantes ?
Le blogueur Tazeen Javed a cité un célèbre intellectuel islamique, Tahir Ashrafi :
Les tests ADN devraient être considérées – au mieux – comme preuve circonstancielle sur la base desquelles des arrestations peuvent être faites et des enquêtes plus approfondies menées. Cependant, un suspect ne peut être puni sur la seule base des preuves ADN, pour cela, le témoignage de 4 hommes adultes musulmans est nécessaire.
Sur le même blog, Tazeen Javed a commenté :
Si j’étais juriste, je demanderais une loi qui infligerait la plus lourde des peines à ces 4 adultes, supposés hommes musulman pieux qui ont assisté sans rien dire à un crime aussi horrible qu’un viol.