Le Brésil, un nouveau grand des armes non létales

Ce billet écrit par Bruno Fonseca et Natalia Viana, de Agência Pública, a été publié à l'origine sous le titre “Bomba brasileira na pele turca” (des grenades brésiliennes contre des Turcs) , il fait partie d'une enquête spéciale sur le lobby et l'industrie des armes au Brésil  #IndústriaBrasileiraDeArmas. Ce reportage fera l'objet de trois articles publiés sur Global Voices online. 

L'utilisation des armes dites non létales est remise en question par la justice brésilienne alors que la fédération des fabricants APEX continue à en promouvoir l'exportation vers des pays comme la Turquie ou les Emirats Arabes. En novembre dernier, le procureur général aux droits des citoyens du Brésil a ouvert un enquête sur les conséquences pour la santé de l'usage de ces armes dans le pays. Cette démarche a été provoqué par l'ONG Tortura Nunca Mais (Plus jamais la torture), de São Paulo. Un groupe de travail composé de représentants du ministère de la Justice, de la Défense, de la Santé, de la Direction des droits de l'homme auprès de la Présidence de la République, ainsi que de des Polices Fédérales, des Polices Nationales, et  municipales a été mis en place pour réaliser un projet de loi sur ce sujet. Il n'existe en effet aucune norme nationale pour encadrer les interventions et garantir un usage adéquat de telles armes.

Ce groupe de travail devra également réaliser une étude comparative sur les formations spécifiques destinées aux policiers et sur les conséquences pour la santé des personnes exposées, tout spécialement lors de l'utilisation d'armes administrant des chocs électriques et des composants chimiques.

Wilson Furtado, de Tortura Nunca Mais-SP, commente :

Nos forces de police utilisent ce type d'arme dite non létale de manière systématique… la police au lieu d'arrêter une personne est toujours prête à tirer, atteignant principalement les jeunes qui manifestent.

Ministério do Desenvolvimento, Indústria e Comércio Exterior se nega a divulgar dados de empresas brasileiras que exportam armas/Agência Pública/Usado sob licença Creative Commons

Les ministères du développement, de l'industrie, du commerce extérieur refusent de communiquer l'activité des entreprises brésiliennes qui exportent des armes/Agence publique / sous licence Creative Commons

Le groupe de travail demande, outre une infomation complète des citoyens, une législation qui encadre et régule ce type d'armement, qui définisse les types d'armements autorisés et les normes à suivre pour les acheter et qui contrôle leur usage.

Les armes fabriquées par Condor sont largement utilisées par le Gouvernement Fédéral et par les polices de tout le pays. Les programmes fédéraux prévoient par exemple l'achat de telles armes pour les Unités de police de Pacification (UPP) à Rio de Janeiro et pour les forces spéciales de la police de 12 Etats engagées dans le programme. Ceci inclut les pistolets du type “tasers” et les sprays au poivre. Leur usage est envisagé lors des grands événements du type Coupe des Confédérations ou coupe du monde 2014 : à cet effet le Brésil a déjà prévu un budget de 49 millions de Reais pour Condor (17 millions €).

Le gaz lacrymogène exporté en Turquie a été aussi acheté par le gouvernement fédéral en vue de son utilisation éventuelle pendant la Coupe du monde 2014 et pendant les Jeux olympiques.

En avril 2012, le Portail de la transparence révélait que le gouvernement fédéral avait acheté pour 1,5 millions de Reais (500 000 €) d'armes non létales chez Condor pour une intervention de l'armée pour faire respecter la loi et l'ordre dans un quartier nord de Rio de Janeiro les complexos do Alemão e da Penha. Il s'agissait entre autre de 1 125 grenades explosives (GL307), 500 grenades multi-impact au poivre (GM 102) et 500 grenades fumigènes, 29 500 cartouches à balles en caoutchouc et  700 grenades lacrymogènes aux mouvements aléatoires (GL -310), les mêmes qui ont été utilisées pour réprimer les manifestations en Turquie.

Gás lacrimogêneo exportado para a Turquia também foi comprado pelo Governo Federal para utilização durante a Copa do Mundo 2014 e as Olimpíadas/Agência Pública/Usado sob licença Creative Commons

Le gaz lacrymogène exporté en Turquie a été acheté par le gouvernement fédéral pour être éventuellement utilisé pendant la Coupe du Monde 2014 et les jeux Olympiques/Agence  Publique/sous licence Creative Commons

En juin c'est le gouvernement local de l'Etat de Rio de Janeiro qui a fait une commande à Condor pour sécuriser le Sommet Rio+20 : Un achat de 900 sprays au poivre, de 1300 grenades lacrymogènes triples, 870 grenades explosives et 5000 cartouches calibre 12 avec projectiles en caoutchouc.

Pour la Coupe : la bagatelle de 50 millions de Reais

Le gouvernement fédéral a conclu un contrat de 49,5 millions de Reais pour l'achat de milliers d'armes non létales à l'entreprise Condor, dans le but d'une utilisation éventuelle par la Police de toutes les ville concernées par la Coupe des Confédérations de 2013 et la Coupe du Monde de 2014.

Ce contrat signé le 26 novembre 2012 avec Condor S.A sera effectif jusqu'au 31 décembre 2014, et prévoit la fourniture de divers types d'armements dont 2200 kits non létaux à courte distance contenant des sprays poivre et de mousse de poivre, des grenades lacrymogènes avec des puces de traçabilité, des grenades assourdissantes à usage interne et externe et des grenades explosives “son et lumière”….Ajoutez à cela : 449 kits non létaux courte distance de balles en caoutchouc et cartouches à impact expansif ( les balles gonflent au contact de la peau évitant la perforation).

 

On peut trouver ici l'intégralité du contrat.

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