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Espagne : Vote populaire pour l'accès universel aux soins

Catégories: Europe de l'ouest, Espagne, Droits humains, Economie et entreprises, Manifestations, Médias citoyens, Politique, Santé

Plus de 99 % d'Espagnols interrogés durant une vaste consultation populaire rejettent les plans de privatisation de la santé envisagés par le gouvernement.

C'est ce que reflètent les résultats du référendum sur la santé [1] [es] organisé par plusieurs collectifs indépendants en mai dernier dans les rues de Madrid. Dans cette consultation, il était demandé aux citoyens de décider du type de système de santé qu'ils voulaient. Les résultats doivent être présentés à Bruxelles.

Le gouvernement de la communauté urbaine de Madrid, dont le président est Ignacio González, a pris des décisions en matière de santé sans consulter les citoyens et sans ne guère prêter attention à leurs protestations. Suite à cela, le collectif « Marea Blanca [2] »[es] (marée blanche), ainsi que d'autres organisations, ont rejeté l'initiative de privatisation de la façon la plus démocratique qu'il soit, en laissant le peuple s'exprimer.

Portada

Urne dans un commerce. Photographie tirée de la page Référendum sur la santé [1].

Ainsi, dans le cadre du référendum sur la santé, qui s'est tenu dans 103 municipalités de la région madrilène, quelques 2 500 urnes ont parsemé la capitale espagnole entre le 5 et le 10 mai. Des bénévoles se sont chargés d'informer la population sur ce vote. La question posée à tout citoyen de plus de 18 ans était la suivante :

Papeleta

(Traduction : Référendum citoyen pour la santé. Êtes-vous favorable à un système de gestion publique de la santé, de qualité et universel, et contre sa privatisation et les lois qui vont en ce sens ? OUI/ NON)

Selon les données présentes sur la page de l'évènement [1][es], 935 794 votes ont été recensés durant ces six jours. Voici les résultats :

929 903 votes pour le OUI (99,4 %)

3 558 votes pour le NON (0,4 %)

1 454 votes blancs (0,2 %)

et 879 votes nuls (0,1 %)

Une véritable réussite selon les organisateurs, tant du point de vue de la participation que des résultats :

Dans cette consultation, les citoyens ont compris que nous faisons partie du peuple, que nous avons une voix. Nous recevons un grand nombre de retours positifs.

(…)

Selon la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, le droit à la santé et à l'assistance médicale est un des droits fondamentaux. Dans la Constitution espagnole, le droit à la protection de la santé est reconnu. Il y est également dit que « le peuple est souverain ». Par conséquent, le peuple est celui qui détient le droit de décision.

Mesa de votación. Imagen de <a href="http://www.madridiario.es/galeria/consulta-popular-por-la-sanidad-publica-marea-blanca-1/62134.html">madridiario.es</a>

Bureau de vote. Image tirée de madridiario.es[es] [3]

Réactions

Malgré une énorme diffusion dans les médias et les réseaux sociaux tels que Twitter ou Facebook, l'initiative, assez logiquement, n'a pas convaincu les personnes visées. Javier Fernández-Lasquetty, conseiller municipal madrilène à la Santé, a essayé de disqualifier la consultation populaire en parlant de « parodie » et de « simulacre de référendum » et en affirmant qu'elle ne représente pas réellement la volonté du peuple. Il a également dénoncé « les insultes et les brimades » dont ont été victimes toutes les personnes en faveur de la privatisation lorsqu'elles ont tenté de s'approcher des urnes.

À l’inverse, des partis comme Gauche Unie [4] [es] ont célébré le succès de l'initiative, ou encore le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) qui a rejeté [5][es] le modèle de privatisation du parti au pouvoir, le Parti populaire (PP), et qui a présenté un recours devant la Cour constitutionnelle. Gregorio Gordo, issu de la Gauche unitaire, a dit [6] [es] en séance plénière à Ignacio González que, si le PP justifie ses actes sur la base des résultats obtenus par les urnes, il devrait alors donner de la crédibilité aux consultations citoyennes de même nature :

Un million de madrilènes ont voté la semaine dernière et ils savaient pour quoi, contrairement au million et demi de personnes qui ont voté l'année dernière [pour le PP].

Contre un modèle d'exclusion

Plus qu'un rejet, les résultats reflètent vraisemblablement le mal-être citoyen provoqué par une réforme de la santé qui prétend privatiser (ou « externaliser » en langage politique) uniquement 27 hôpitaux publics à Madrid. Et plus particulièrement, les gens sont conscients des sujets brûlants tels le Décret Royal du 16/2012 (RDL), qui laisse les sans-papiers sans aucune couverture maladie : des centaines d'immigrés ont été, suite à la mise en vigueur de ce décret, mis en danger par négligence [7][es], selon les dires de Médecins du Monde. Récemment, les lecteurs de journaux ont été bouleversés par la mort du Sénégalais Alpha Pam, à qui l'on avait refusé tout service de santé. Notons aussi le cas de María Concepción Amaya [8] [es] ou de l'hôpital de Burgos, où l'on a demandé 1900 euros à une immigrée enceinte [9] [es], qui a alors avorté, et à qui le service des finances a demandé 2 555 euros de plus.

Imagen del colectivo <a href="http://yosisanidaduniversal.net/portada.php">Yo Sí Sanidad Universal</a>

Image du collectif Yo Sí Sanidad Universal [10]

À propos du premier cas, qui a mené à la destitution [11] [es] du directeur de l'hôpital où est mort le Sénégalais, l’on trouve le commentaire suivant sur la plateforme Yo Sí Sanidad Universal [12][es], initiative qui combat activement le décret royal et le modèle de soins exclusif :

Établir les responsabilités de chacun est une bonne chose. Mais nous ne devons pas oublier que les véritables responsables de ces injustices sont le ministère de la Santé, qui est à l'origine du RDL 16/2012, ainsi que les Conseils de la santé des communautés autonomes qui l'ont appliqué. Ci-dessous le RDL 16/2012.

Même en mettant de côté les cas les plus graves, les citoyens restent motivés à combattre un système de santé basé sur des coupes budgétaires avec comme résultat logique une baisse de la qualité. Cela a déjà mené à des situations telles que celle de l'hôpital de Navarre, avec un service de restauration privatisé où des restes de matière fécale ont été retrouvés dans la nourriture. La presse a dénoncé la détérioration de l'alimentation des patients [13] [es].

Imagen de la <a href="https://www.facebook.com/esmareablanca">página de Facebook</a> de la Marea Blanca

Image tirée de la page Facebook [14] de la Marea Blanca

Regard sur le passé et le futur

Cette initiative s'inscrit dans la continuité d'une expérience passée, celle de la consultation sociale sur l'eau. Cette consultation citoyenne [15] [es] contre la privatisation du canal Isabel II dans la communauté de Madrid a été un véritable succès de communication et de participation et a permis, selon la Marea Blanca, avec 99 % de votes contre, de mettre un frein au processus de privatisation. À cette occasion, en plus des votes, une demande légale contre la privatisation a été déposée auprès de la Cour européenne de Bruxelles. Elle a été acceptée et elle suit actuellement son cours légal.

La Marea Blanca souhaite envoyer de nouveau le million de votes [16] [es] à Bruxelles, afin « d'exiger des institutions et des politiques qu'ils respectent la volonté des citoyens ». De plus, le collectif assure qu'il va se réunir au cours des prochaines semaines avec des groupes politiques pour expliquer ses propositions et pour que le peuple s'exprime d'une seule voix.