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Trinité et Tobago : émancipation signifie liberté pour tous

Catégories: Caraïbe, Trinité-et-Tobago, Droit, Histoire, Liberté d'expression, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique

[Liens en anglais] Les blogueurs [1] caribéens n'ont prêté que très peu attention au Jour de l'émancipation [2] même si Twitter [3] a été inondé de compte-rendus et photos [4] faisant la chronique des festivités. Beaucoup d'utilisateurs de Facebook [5] ont partagé leurs statuts sur la manière dont ils passaient ce jour férié.

A Trinité et Tobago [6], cependant, une liberté d'un autre genre occupait des blogueurs. Ils ont partagé leurs opinions au sujet du la tentative de coup d'Etat de 1990 [7], et du 23ème anniversaire du coup d'état déjoué, le 27 juillet.

[Ndlt : le 27 juillet 1990, sur fond de crise politique et sociale et de tensions inter-ethniques, une centaine de membres du groupe radical islamiste Jamaat al Muslimeen a tenté de s'emparer du pouvoir. Ils ont simultanément pris d'assaut le bâtiment du Parlement – prenant en otage le Premier Ministre, les membres de son cabinet et d'autres personnes – ainsi que la chaîne de télévision de Trinité-et-Tobago. 24 personnes ont été tuées et plusieurs ont été blessées. Plus d'informations dans cet article [8] en anglais de la BBC.]

Le blog The United Voice [9] relevait que des questions subsistaient concernant la tentative de coup d'Etat, auxquelles il fallait répondre :

Jusqu'à présent, nous n'avons toujours pas conclu requêtes sur cette parodie de coup d'état. Les auteurs, ceux qui sont en vie après leur propres règlements de comptes internes) sont libres de circuler parmi nous, arrogants et imposant leurs propres conditions pour comparaître devant la commission toujours en cours d'enquête sur le complot et les meurtres. Mais nous avons espoir d’obtenir des réponses dans le Rapport d'enquête attendu sur cet événement.

Plain Talk [10] est stupéfait que les auteurs ait pu obtenir une autorisation de circulation le jour précédent l'anniversaire, soi-disant pour rappeler  la raison [11] derrière leur coup :

Lorsque le haut commissaire à la police a donné à Jamaat al Muslimeen la permission de marcher à travers la ville qu'ils ont attaquée si violemment il y a 23 ans, n'a-t-il pas eu la présence d'esprit d'imaginer ce qu'allaient ressentir les survivants de cet événement horrible et que les gens soient respectueux de la loi partout ?

C”est vraiment mettre du sel sur la plaie, beaucoup de commerçants similaires à ceux de Frederick Street qui ont rebâti leurs affaires par pure et simple détermination après avoir tout perdu dans le pillage… doivent regarder avec une rage silencieuse les responsables parader. Beaucoup ont des dettes,  longtemps après que ceux qui ont commis cette atrocité se sont débrouillés pour ne pas avoir affaire à la justice. C'est d'une sombre ironie en effet quand on pense que c'est grâce à leur seule détermination que la ville où déambulent aujourd'hui ces anarchistes a émergé des ruines de leur violence.

Et pour ceux qui ont perdu des proches, pour lesquels l'anniversaire de cet horrible événement est une nouvelle occasion de pleurer ?

Il poursuit :

Dans notre zèle d'être tout pour tous les gens, nous oublions parfois les arbres pour ne voir que la forêt. Les victimes sont toutes des personnes. On leur a fait du tort en 1990, et on leur a fait de nouveau du tort un vendredi soir en 2013.

Pouvez-vous imaginer les terroristes d'Al Qaïda obtenir la permission de circuler à travers la ville de New York pour commémorer le 11 septembre ? Ou même être interviewés à la fin de cette marche pour dire pourquoi ils ont fait ce qu'ils ont fait ?

Phillip Edward Alexander termine son billet en écrivant [10] :

Leur donner l'autorisation de déambuler comme des héros conquérants à travers la ville-capitale qu'ils ont si brutalement attaquée était une folie impardonnable . Le haut  commissaire à la police avait le choix. Il aurait pu dire non. Il aurait du dire non. Ne vous y trompez pas, cette marche était un camouflet à chaque citoyen respectueux de la loi de ce pays, et le fait qu'ils aient obtenu la permission de faire cette marche rend cela encore plus abominable. Comme s'il fallait une autre démonstration claire d'à quel point pitoyable notre pays est réduit

Mark Lyndersay [12], qui a couvert le coup d'Etat en tant que photographe en 1990, a une opinion différente :

Pour quelqu'un qui a eu personnellement l'arme d'un Muslimeen pointé sur sa tête le 27 juillet 1990 en faisant mon devoir en tant que premier photographe éditorial pour le Guardian, je dois dire qu ‘en regardant Yasin Abu Bakr et ses copains se promener le long des rues du Port d'Espagne escortés par la police, j'ai ressenti un profond agacement et du ressentiment.

Mais ensuite, c'est ce que nous devons refouler. Que ce soit en se munissant d'une grosse arme en réponse à l'insurrection ou en publiant un journal depuis un bâtiment qui a été fréquemment la cible de fusillade, la seule réponse civique au terrorisme est, en dernier lieu, le respect des  libertés garanties constitutionnellement. Ce qui inclut celles qui nous permettent de nous rassembler et d'exprimer nos opinions, aussi importunes oient-elles.

Donc, Yasin Abu Bakr soumet au haut commissariat de la police une demande d'autorisation de circuler dans la ville, non seulement il en obtient la permission, mais aussi une escorte de protection. Vous pouvez y voir un affront. J'y vois un succès pour la démocratie et la liberté d'expression. Nous gagnons.

L’image en médaillon [13] est de Dazzie D, utilisée sous licence Attribution 2.0 Generic Creative Commons license [14]. Voir le flux d'images de Dazzie D sur Flickr [15].