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Brésil : une loi sur la culture de la canne à sucre menace l'Amazonie

Catégories: Amérique latine, Brésil, Droit, Economie et entreprises, Environnement, Médias citoyens

Le Brésil vient d'ouvrir la porte à la culture de la canne à sucre dans la forêt amazonienne, précisément dans la zone de Cerrado [1] et Pantanal [2], là où jusqu'à présent cette culture était interdite, ce qui suscite l'inquiétude des experts.

L'objet de la loi 626/2011 [3], [pt, comme tous les liens suivants sauf mention contraire] approuvée par le Sénat Fédéral brésilien le 15 mai dernier, autorise la culture de la canne à sucre dans la zone appelée Amazonie légale [4], qui inclut les régions mentionnées ci-dessus. [La forêt amazonienne se trouve en grande partie au Brésil et inclut 74% de la dénommée Amazonie légale, créée par le gouvernement en 1966 et qui comprend les Etats Maranhão, Pará, Tocantins, Amapá, Amazonas, Acre, Roraima, Rondoônia et Mato Grosso pour une surface de 4,9 millions de kilomètres carrés, 60% du territoire national N.d.T].

Même si la loi concerne seulement les régions déjà déboisées et 20% des terres en zone rurale, les experts et ONG mettent en garde sur les répercutions futures.


Les frontières de l'Amazonie légale. Carte ide InfoAmazonia.org [en] [5]

La section brésilienne du WWF [6] affirme que ce projet n'apporte ni bénéfices économiques ni environnementaux à la région. Les experts estiment que la monoculture [7] de la canne à sucre créera des déséquilibres dans la biodiversité de l'environnement, mettra en danger la survie des populations indigènes et traditionnelles et impliquera l'exploitation de zones toujours plus vastes de la forêt pour cette culture.

João Humberto Camelini, géographe à l'Université d'Etat de Campinas, analyse la situation dans un entretien avec le site Instituto Humanitas Unisinos [8]:

(…) esta aprovação é um fato lamentável que demonstra o comprometimento com agentes econômicos, sustentado por um discurso totalmente equivocado. É possível alcançar o desenvolvimento de uma região por meio de um planejamento integrado que envolva, entre outros fatores, a instalação de usinas de açúcar e etanol. Porém, a ideia que se propaga erroneamente é que a mera presença de uma usina conduz ao desenvolvimento.

Amazônia, Rio Urubu. Foto de André Deak no Flickr (Creative Commons BY 2.0) [9]

Amazzonia, fleuve Urubu. Photo  André Deak
sur Flickr (Creative Commons BY 2.0)

Quando uma cultura regulamentada como a cana-de-açúcar recebe autorização formal e incentivos para ocupação, isso implica o uso exclusivo de grandes porções de terras no entorno das usinas, dentro de um raio aproximado de 40 a 50 quilômetros, o que leva à rápida e agressiva substituição das atividades existentes, deslocando-as para áreas inalteradas. Isso gera grandes pressões por desmatamentos clandestinos e de difícil fiscalização.

(…) L'approbation de ce projet de loi prouve l'implication d'acteurs économiques soutenus par un discours totalement faux et est honteuse. On peut obtenir le développement d'une région du Brésil au moyen d'une planification bien pensée qui prévoit, entre autre, aussi l'installation de centrales pour la production du sucre et de l'éthanol. Malheureusement, l'idée s'est propagée faisant croire que la seule présence d'une centrale amène la croissance.

Quand une culture réglementée comme celle de la canne à sucre reçoit des autorisations officielles et des encouragements pour la création d'emplois, la conséquence est l'usage exclusif de grandes parcelles de terres autour des centrales, dans un rayon d'environ 40 ou 50 km qui conduit à la substitution rapide et agressive des activités existantes, qui sont déplacées dans d'autres zones intactes. Ce qui entraîne l'augmentation d'une déforestation clandestine et un contrôle fiscal difficile.

Le projet de loi 626/2011 a été approuvé de manière définitive par le Sénat, ce qui veut dire que seule la Commission pour l'Environnement s'est exprimée à son sujet. Il n'a pas été procédé à un vote du Sénat puisque le projet a été envoyé directement à la Chambre et à la Présidence.

Luiz Bento de Science blogs [10]explique pourquoi :

Somente os senadores Rodrigo Rollemberg (PSB-DF) e Ana Rita (PT-ES) votaram contra. Você está espantado com isso? Eu não. Sabe quem é o presidente da comissão de Meio Ambiente do senado? O digníssimo senador Blairo Maggi, um dos líderes da bancada ruralista e um dos maiores produtores de soja do Brasil. E você achando que o nosso maior problema era o Feliciano…

Seuls les sénateurs Rodrigo Rollemberg (PSB-DF) et Ana Rita (PT-ES) ont voté contre. Vous être surpris ? Moi pas du tout. Vous savez qui est le président de la Commission pour l'Environnement au Sénat ? L'illustre monsieur Blairo Maggi, l'un des dirigeants de l'aménagement rural et l'un des grands producteurs de soja du Brésil. Et quelqu'un pense encore que notre plus grand problème est Feliciano… [Le prédicateur anti-gay élu chef de la Commission pour les Droits de l'Homme [11]]

Cana-de-açucar. Foto de Elza Fiuza no Portal Ecodebate [12]

Canne à sucre. Photo de Elza Fiuza, Agência Brasil,
partagée sur le Portail Ecodebat

Le chercheur en sciences forestières Paulo Barreto, de l'Institut Homme et Environnement de l'Amazonie (Imazon [13]) estime qu'il y aura des pressions économiques pour la production d'éthanol à long terme.

O problema é se o etanol se tornar uma comodity global. Aí seria negativo pois criaria demanda para desmatar mais, mesmo que indiretamente.

Le problème se posera si l'éthanol devient un produit demandé partout dans le monde. Ce serait néfaste en ce qu'il créerait une demande importante de déforestation, même indirectement.

Desmatamento na Amazônia. Foto de Bruno Taitson da WWF-Brasil [14]

Déforestation en Amazonie.
Photo de Bruno Taitson de WWF-Brasil

D'après les données publiées par l'agence Reuters, en mai dernier le Brésil [15] a exporté 139,8 millions de litres d'éthanol, 36,6% de plus par rapport aux 102,3 millions de litres exportés en avril. Le chiffre d'affaires de la vente du combustible s'est élevé à 93,9 millions de dollars en mai, avec une augmentation de 30,6% par rapport aux 71,9 millions de dollars enregistrés en avril. Mais il y a eu une baisse du volume et de la valeur financière par rapport à la même période sur l'année précédente.

Sur Twitter, même les experts de l'environnement critiquent la décision du Sénat. Le géographe Gustavo (@Guveronesi [16]) a écrit :

@Guveronesi [17]: Rumo a virarmos um imenso canavial. “Comissão aprova plantio de cana na Amazônia Legal” http://www.oeco.org.br/salada-verde/2 [18]

@Guveronesi [17]: Nous allons devenir une gigantesque plantation de canne. La commission a approuvé les plantations de cannes à sucre dans les zones de l'Amazonie légale. http://www.oeco.org.br/salada-verde/2 [18]

L'ancienne sénatrice Marina Silva (‏@silva_marina [19]) a commenté :

@silva_marina [20]: Liberação da cana na Amazônia não tem lógica. outro retrocesso ambiental fruto d barganha política. Meu artigo de hj http://migre.me/eAB9S [21]/

@silva_marina [20]: La libéralisation de la culture de la canne à sucre en Amazonie n'est pas logique. Un autre pas en arrière pour l'environnement, du aux intérêts politiques. Mon article d'aujourd'hui: http://migre.me/eAB9S [21]/

L'écrivain @freibetto [22] a souligné :

@freibetto [23]: Plantar cana ou soja na Amazônia é decretar o fim da floresta e o início de futuro deserto do Saara no norte do Brasil.

@freibetto [23]: Planter la canne à sucre ou du soja en Amazonie signifie décréter la fin de la forêt et le début d'un prochain désert du Sahara au Brésil.

Certains cherchent à mobiliser la société par l'intermédiaire de pétitions en ligne contre la déforestation en Amazonie. Créée par Action B. Brasil, la pétition contre la monoculture [24] de la canne à sucre a recueilli plus de 126 000 signatures qui vont s'ajouter à d'autres en faveur de la sauvegarde du patrimoine naturel. La pétition avec le plus de soutiens a pour slogan “Sauver l'Amazonie ! [25]” et a déjà recueilli plus de 2,2 millions de signatures.