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En Indonésie, une réforme prévoit plus de religion et moins de sciences à l'école primaire

Catégories: Asie de l'Est, Indonésie, Education, Gouvernance, Jeunesse, Médias citoyens, Politique

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L’Indonésie a récemment introduit une réforme des programmes scolaires [1] dans plus de 6000 écoles, ce qui a instantanément suscité des réactions négatives [2] en raison du manque de préparation et de la disparition des sciences, de l’anglais et des technologies de l’information en tant que disciplines distinctes.

Au niveau de l’enseignement primaire, les 11 disciplines n’en forment plus que 6, et l’on est passé de 26 à 30 heures de cours par semaine. L’enseignement de la langue anglaise et celui des sciences ont fusionné, avec une priorité donnée aux sujets tels que le Bahasa Indonesia [langue nationale], le “nationalisme” et les sciences religieuses. Deux heures supplémentaires ont été allouées aux sciences religieuses. Pour leurs activités extrascolaires, les élèves en deuxième cycle de secondaire doivent s’inscrire à l’organisation scoute nationale.

Primary school students in Indonesia. Photo from Flickr page of Abdul Rahman (CC License) [3]

Elèves de primaire en Indonésie. Photo provenant de la page Flickr d'Abdul Rahman (Licence CC)

L’accent [4] mis sur l’éducation civique et religieuse est censé développer le « sens de la moralité et de la responsabilité sociale » chez les jeunes. Plus particulièrement, les réformes [5] ont été pensées de sorte à rendre les élèves « tolérants et calmes » en réponse au problème grandissant de la violence à l’école.

De nouvelles méthodes d’enseignement ont également été introduites, en plus de la promotion d’un programme qui adopte l’approche « thématique intégrée ».

Mirzatus Solikhah résume [6] ainsi le contenu du programme de la réforme des contenus scolaires :

Le nouveau programme respecte trois composantes principales de l’éducation : les savoirs, les savoir-faire et le savoir-être. Le savoir découle des cours en général. Le savoir-faire s’acquiert dans la pratique, avec l’éducation physique par exemple, et le savoir-être est reflété par la mise en place d’heures supplémentaires dédiées à la religion.

Les professeurs d’anglais et d’information et technologie (IT) pourraient être les premiers à faire les frais de ces réformes.

Les professeurs d’anglais et d'IT pourraient perdre leur emploi.

Pour que les réformes fonctionnent, le gouvernement doit résoudre les problèmes suivants :

Il y a au moins trois choses importantes à régler : les manuels scolaires, la formation des enseignants, et la gouvernance en matière d’éducation.

Mais les enseignants se sont plaints de n’avoir eu que cinq jours de formation. Des pénuries de manuels scolaires ont été signalées dans plusieurs provinces. Jennifer a entendu parler [7] de ce problème dans un journal local :

Le journal local vient aujourd’hui de publier un article selon lequel la plupart des élèves concernés n’ont même pas encore reçu leurs manuels. La réponse du ministère à cette situation a été la suivante : utilisez votre imagination, cherchez des documents sur Internet et faites-en des photocopies !

M. Faruq Ubaidillah se réjouit du fait que ces réformes vont donner aux élèves plus de temps [8] pour se concentrer sur un nombre de disciplines plus restreint :

[…] cette décision permettra aux élèves de gérer leur temps plus d’efficacement et plus intelligemment pendant le processus d’enseignement et d’apprentissage en classe. Ils n’ont plus besoin de se concentrer sur autant de matières, ce qui ne faisait que les perturber. N’est-il pas mieux d’avoir moins de matières, mais un contenu plus ciblé, plutôt que l’inverse ? De plus, l’anglais peut être appris en dehors de l’école.

Mais Harry Wardana désapprouve la disparition [9] des sciences et de l’anglais en tant que disciplines distinctes :

Si vous vous tournez vers les nations les plus modernes, vous verrez que l’intérêt qu’elles portent aux sciences est démesuré. Là-bas, on pense que le développement de la science va redéfinir les rêves d’une nation. Et malheureusement notre gouvernement ne parle pas la même langue, au propre comme au figuré.

Quel paysage mental désolant.

Thalia pense également que les matières qui ont été abandonnées sont des composantes essentielles [10] d’une éducation de base :

Le programme 2013 donne une plus grande priorité au savoir-être qu’aux savoirs et aux savoir-faire.

Je me demande si le gouvernement n’a pas oublié que, pour assurer un avenir brillant, le comportement va de pair avec les connaissances. En outre, ces disciplines sont très importantes pour le développement des enfants.

Agita Sesara se demande si le gouvernement et les écoles sont prêts [11] à introduire les différentes réformes du nouveau programme :

[…] le changement va être profond. Il ne s’agit pas seulement de supprimer des matières, mais aussi de modifier totalement les méthodes d’enseignement fondamentales des enseignants actuels. Est-ce que les enseignants vont réussir à intégrer ces changements ?

Est-ce que toutes les ressources et le personnel impliqués dans l’éducation sont prêts à s’adapter ? Si la réponse est « non », ces changements n’auront servi à rien.

International Education 2012 mentionne [12] l’accusation lancée par certains groupes selon laquelle les réformes n’ont été introduites que pour justifier la plus grande place accordée aux sujets religieux dans le programme :

[…] les critiques de la proposition ne pensent pas qu’une refonte du programme est la solution. Certains professeurs s’inquiètent que le gouvernement et les représentants religieux ne simplifient le problème à l’extrême et utilisent des termes tels que « la formation du caractère » et la « moralité » pour justifier davantage d’éducation religieuse.

Peut-être est-ce pour apaiser ces critiques que le gouvernement a promis [13] de faire un « Sondage sur le programme » le mois prochain afin d’évaluer l’impact des réformes. Il a également alloué plus de fonds à la formation [14] des enseignants en préparation à l’introduction des réformes à l’échelle nationale l’année prochaine.