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A 87 ans, Fidel Castro ‘n'est pas parfait mais reste humain’

Catégories: Amérique latine, Caraïbe, Cuba, Histoire, Médias citoyens, Politique

Sauf indication contraire les liens dirigent vers des sites en espagnol.

Il est en vie. La semaine dernière l'ancien président et chef du gouvernement de Cuba a fêté ses 87 ans. Outre les célébrations officielles qui se sont déroulées sur l'île, Fidel a reçu toutes sortes de bons vœux (et de voeux de mort) de l'étranger: le Président nouvellement élu du Vénézuela Nicolas Maduro a twitté [1] ses vœux de “bon anniversaire” à Fidel, alors que de Madrid, les Cubains en exile ont marqué l'évènement [2] par un simulacre de cercueil sur lequel il était écrit “enterrement du castrisme”.

Dans un communiqué [3] en provenance des “montagnes colombiennes”, le Secrétariat des FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie) a envoyé des vœux d'anniversaire à Fidel. Il insiste sur son rôle et sur l'importance de son image qui a inspiré les mouvements de la gauche révolutionnaire dans la région et salue ses enseignements et son influence dans leur “combat idéologique pour une vraie démocratie, la justice sociale et la souveraineté nationale”.

Billboard in Cuba. Photo by Jim Snapper. (CC BY 2.0) [4]

Panneau d'affichage à Cuba. Photo de Jim Snapper. (CC BY 2.0)

Les responsables des FARC ne sont pas les seuls à saluer le Commandant en ce sens – en Amérique Latine et au-delà, Fidel a acquis un statut presque mythique pour les mouvements de la gauche révolutionnaire depuis des dizaines d'années. Depuis son discours inaugural de 1959, où une colombe blanche est venue se percher sur son épaule alors qu'une autre était sur le podium, les parallèles entre Fidel et les chefs religieux [5][anglais] ont inspiré les croyants comme les historiens. Il est devenu une image de légende, vraisemblablement autant pour ceux qui le vénère que pour ceux qui rejettent sa légitimité de dirigeant.

Dans un “post d'anniversaire” à l'attention de Fidel, le blogueur Ivan García [anglais] [6] fait une remarque sur l'étrange permanence de l'existence de Fidel. “[Fidel Castro] a été laissé pour mort tant de fois que le jour où la mort viendra le prendre, tout le monde pensera que c'est une plaisanterie”. Il est vrai que l'on a maintes fois attenté à la vie de Fidel (en particulier le gouvernement américain) qui a souvent frôlé la mort, sans parler des rumeurs sur sa mort [7]. Périodiquement, les silences de Fidel sont interprétés par les observateurs comme des signes de départ définitif et la Twittersphère se déchaîne avant d'être calmée par les photographes ou les paroles du Commandant lui-même.

Maintenant qu'il semble tromper la mort par la maladie plutôt que par les mains d'autres gouvernements, la légende perdure. “J'étais presque mort, mais je me suis ressuscité”, disait-il à la journaliste mexicaine Carmen Lira Saade lors d'un entretien qu'il lui a accordé en 2010 pour La Jornada [8], quelques mois après sa sortie d'un service de soins intensifs où il était soigné pour un cancer de l'intestin.

La semaine dernière dernière, quelques blogueurs de l'île ont profité de l'occasion pour lancer une réflexion sur la signification de Fidel pour leur génération qui le connaît sous un angle différent de celui de la génération précédente. A La Joven Cuba [9], Harold Cárdenas s'exprime sur l'idée de Fidel en “surhomme”.

En algún momento tuve que definir qué postura tomar hacia Fidel, cómo interpretarlo, opté por encontrar en él a un ser humano con virtudes y defectos como cualquier otro. Alguien dotado de un desinterés extremo, inclinado hacia el altruismo, dotado de disímiles armas sicológicas y de un liderazgo natural. Alguien que también se equivoca, que compartió los prejuicios sociales existentes en los 70 y tuvo poco tino para escoger a las generaciones que lo relevarían en el cargo. Es decir, un ser imperfecto pero humano como yo, con el semidiós no podría identificarme nunca. Este Fidel que lucha, se equivoca pero lo vuelve a intentar una y otra vez, ese me parece admirable.

J'en suis arrivé à préciser ma position envers Fidel, à définir comment le considérer, et j'ai fini par voir en lui un être humain comme les autres avec ses qualités et ses défauts. Quelqu'un de tout à fait désintéressé, enclin à l'altruisme, doté d'armes psychologiques hors du commun et d'une autorité naturelle. Quelqu'un qui a aussi fait des erreurs, qui a partagé certains des préjugés sociaux des années 70, et qui avait peu de jugement pour choisir des générations de responsables appelés à le suivre. Autant dire quelqu'un qui n'est pas parfait mais un être humain comme moi – je n'ai jamais adhéré à l'idée [de Fidel] en demi-dieu. Le Fidel qui se bat, qui peut se tromper mais qui persiste et se relève à chaque fois, me semble admirable.

Alors que Cárdenas considère Fidel sur un plan personnel, Ivan Garcia décrit [10] un peuple déçu par le leader:

Aunque debido al ajetreo cotidiano de penurias sin resolver, un segmento amplio de la ciudadanía no evoca con agrado a su otrora máximo líder. Lo culpan del atraso, la escasez y la precariedad que vive hoy el país. Lo ven como un barco lejano en el horizonte. Ya pocos se preguntan cómo será el día después de su muerte.

Y es que el rumbo tomado por el General hace pensar que el legado de su hermano perdurará tras su desaparición física. Las predicciones sobre el futuro de Cuba son poco halagüeñas.

[…]

En el panorama lo que se distingue es más castrismo. Sin Fidel Castro.

En raison d'un quotidien de privations incessantes, un grande partie de la population n'est pas bienveillante envers son ancien dirigeant. Ils lui reprochent les retards, les pénuries, et le niveau de vie précaire actuel dans le pays. Ils le voient comme un navire lointain à l'horizon. Il n'y en a pas beaucoup qui se questionnent sur la vie après sa disparition.

Et l'orientation prise par le Général laisse entendre que la légitimité de son frère se poursuivra après sa disparition physique.

[…]

Ce qu'ils prévoient c'est toujours le castrisme. Sans Fidel Castro.

Malgré les prévisions des médias et des dirigeants politiques étrangers, qui pour beaucoup pensent que la mort de Fidel déclenchera une transformation rapide et durable de l'île et de sa bureaucratie surdimensionnée, la théorie de García est plus vraisemblable. Dans un pays où la majorité des citoyens en âge de travailler sont employés par le gouvernement, cela prendra des années, voire des dizaines d'années, pour qu'un changement fondamental de la politique gouvernementale et de ses pratiques voit le jour.

Comme le fait remarquer Cárdenas, Fidel est humain. Comme pour nous, nous ne savons pas quand il partira. Mais quand il disparaîtra l'image de la légende persistera pendant très longtemps.