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Les nouvelles lois mexicaines sur la transparence : un retour en arrière au nom de la sécurité nationale ?

Catégories: Amérique latine, Mexique, Droit, Droits humains, Médias citoyens

[Tous les liens mènent vers des pages web en espagnol]

Les élus mexicains ont adopté des réformes constitutionnelles qui affecteront grandement l'accès du public aux informations détenues par le gouvernement. La réforme affectera également l'autonomie de l'organisme national qui supervise ce droit, l'IFAI [en] (l'Institut Fédéral pour l'Accès aux Informations Publiques). Bien que la réforme donne en réalité davantage de pouvoirs exécutifs à l'IFAI, le gouvernement sera désormais en mesure de passer outre pour des raisons de sécurité nationale.

Plusieurs organisations civiles ont décrit ces réformes comme un retour en arrière pour le pays en terme de transparence.

Au Mexique, l'accès aux informations publiques est considéré comme un droit fondamental, garanti par l'IFAI depuis décembre 2002. Ainsi, tout personne (sans qu'elle n'ait besoin de prouver sa nationalité) peut accéder, gratuitement, à tout document détenu par un organisme gouvernemental qui suscite son intérêt.

Comisionados IFAI

Les membres de la commission IFAI en pleine séance. Photo de l'auteur du blog

La réforme adoptée par les officiels le 23 août 2013 était très attendue et largement discutée par les organisations spécialisées sur le sujet. Le grand public, dans une moindre mesure, s'est également joint au débat.

Avant le vote qui a eu lieu à la Chambre des Députés, Fundar [1] a publié une déclaration dans laquelle les organisations México Infórmate (Mexique, informez-vous) et le Colectivo por la Transparencia (Collectif pour la Transparence) ont exprimé leurs inquiétudes quant à cette décision. Selon eux, la réforme “limite le droit à l'accès à l'information”, ajoutant que cela :

representa un revés a la máxima protección del derecho de acceso a la información y una contradicción del compromiso del Estado Mexicano con el cumplimiento de sus obligaciones internacionales en materia de derechos humanos

représente un renversement complet de la protection du droit du public à l'accès à l'information, et une contradiction de l'accord du Mexique avec les obligations internationales relatives aux droits de l'Homme

Il s'agit, en fait, d'un des aspects de la réforme qui inquiète le plus ces organisations. Selon la déclaration communiquée par Fundar :

Se aprobó un dictamen que propone que algunos titulares de entidades públicas — el Consejero Jurídico, el Procurador General de la República, el Presidente de la Comisión Nacional de Derechos Humanos y el Presidente del Banco de México –, puedan impugnar las resoluciones del órgano garante del derecho de acceso a la información, bajo supuestos que consideramos demasiado amplios y generales: literalmente, “la seguridad, la estabilidad económica y la protección de derechos humanos”. Esto significa que, en la práctica, el acceso a la información para el ciudadano perderá su calidad de expedito, además de que se judicializa un derecho humano y se contradice el reconocimiento expreso de la especialización y autonomía del órgano garante para dirimir las controversias que se susciten en esta materia.

Une décision a été adoptée proposant que les chefs des organismes publics, incluant le Conseiller Juridique, le Procureur Général, le Président de la Commission Nationale pour les Droits de l'Homme et le Président de la Banque du Mexique, puissent remettre en question les résolutions prises par l'organisation qui supervise le droit à l'accès à l'information. Ils pourront le faire à chaque fois qu'ils le jugent comme une menace à “la sécurité, la stabilité économique et la protection des droits de l'Homme”. Nous, cependant, considérons cela comme trop vaste et trop général. Dans la pratique, cela signifie que la capacité pour le public à accéder à l'information sera obstruée, que cela deviendra un processus légal plutôt qu'un droit humain, et que cela sera en contradiction avec la précédente reconnaissance de l'IFAI comme une organisation spécialisée et autonome.

De la même façon, l'organisation Article 19 [2] a exprimé son désir pour l'IFAI de demeurer hors des limites des autorités :

#NiunpasoAtras [3] inattaquable sans exceptions #TransparenciaYA [4] #Articulo19 [5]

Néanmoins, la réforme constitutionnelle adoptée par les représentants donne aux responsables gouvernementaux le pouvoir de contester les décisions de l'IFAI.

Sur ce sujet, Javier Peralta a écrit sur Twitter (@jjperaltamoreno [7]):

La réforme sur la transparence adoptée (#Transparencia [8]). Le Conseiller Juridique de @PresidenciaMX [11] sera capable de bloquer les appels de la Cour Suprême ! #Retroceso [10]

Issa Luna Pla (@ilunapla [12]), une experte du sujet, a expliqué qu'une telle mesure est comparable à laisser le gouvernement cacher des informations “par décret” ou par des moyens unilatéraux:

Donner le pouvoir d'appel au Conseiller Juridique de @PresidenciaMX [15] contre #IFAI [13] est comme permettre de cacher des informations par décret

Sue Blano (@lamayorblanco [16]) a contesté la déclaration selon laquelle la limitation de la transparence concernait la sécurité :

Accéder à l'information est un problème de sécurité nationale ? Bien sûr ! Depuis quand les politiciens composent la nation entière ? #Ifai [17] #miedo [18]

Avec l'incertitude du public, intensifié par les interprétations ambiguës des médias traditionnels mexicains, les utilisateurs de Twitter ont exprimé leur confusion. Maria Martínez (@mromtz [20]) a écrit :

A moins d'avoir mal compris les gros titres, ils bâillonnent l’#IFAI [13]

Néanmoins, les législateurs ont saisi l'opportunité pour crier victoire, avec Blanca Jímenez C (@BlancaJC [22]) exaltant le travail de son groupe parlementaire:

#GPPAN [23] nous défendons la Réforme de l'Education (#ReformaEducativa [24]) et les lois sur la Transparence (#Transparencia [8]). Pour un avenir meilleur pour votre famille

Dans la même veine, le député Manlio F. Beltrones (@MFBeltrones [26]) a déclaré que :

Guidé par un maximum de publicité, les préoccupations de la société et la modernisation institutionnelle, nous avons renforcé la transparence.

Le droit à l'accès à l'information au Mexique et l'organisation qui supervise ce droit sont généralement cités comme des exemples à suivre dans les autres pays d'Amérique Centrale et du Sud. Face aux modifications et aux ajouts qui pourraient survenir durant le processus législatif, les Mexicains et la communauté internationale devront attendre avant de connaître le véritable effet de cette réforme constitutionnelle, incluant les détails les plus fins de chaque loi qui en sera issue.

Mais une chose est certaine : le débat continuera de se développer au cours des prochaines semaines.