Ce billet est publié conjointement avec Syria Untold.
Quand les Syriens sont descendus dans la rue en 2011, l'une des menaces les plus communément avancées par les partisans du régime était “nous allons revenir 100 ans en arrière”. C'est rapidement devenu une blague rabâchée par les Syriens à mesure que les dirigeants mettaient en place leurs dispositifs militaires et de propagande pour réprimer toute forme d'opposition. “On va revenir à l'âge de pierre”, aimaient à répéter avec humour les activistes de la liberté en voyant tout ce qui était détruit atour d'eux.
Le paradoxe de la Syrie renvoyée à son passé alors qu'elle lutte pour renaître dans un avenir où la liberté et la justice l'emportent, a été utilisé par les habitants de Kafranbel (Idlib) pour envoyer un message puissant au monde.
Sur une vidéo de 3 minutes, rapidement devenue virale après sa publication sur internet, les activistes de la ville de Kafranbel se sont déguisés en hommes de l'âge de pierre pour représenter l'évolution du soulèvement syrien. Quelques hommes préhistoriques portent des banderoles rudimentaires et manifestent, avant d'être attaqués par un groupe d'hommes armés de fusils et de mitraillettes qui font feu. L'agression se transforme vite en tirs continus et en bombardement. A mesure que les manifestants sortent de leurs grottes, des observateurs s'assoient et regardent. Ce n'est qu'au moment où les attaquants sortent une bouteille de gaz pour asperger les autres que les observateurs réagissent et demandent rageusement que la bouteille de gaz soit retirée de l'image. La vidéo se termine sur ces mots :
La mort c'est la mort, d'où qu'elle vienne. Assad a tué plus de 150 000 personnes. Arrêtez-le.
Par cette vidéo, Kafranbel s'érige à nouveau en symbole puissant de la résistance et de son récit face aux menaces internes et externes. Actuellement sans doute la ville la plus connue de Syrie, pour la créativité et la sagesse avec lesquelles s'expriment sa prise de conscience et ses sentiments révolutionnaires, Kafranbel poursuit sa résistance avec pertinence à l'oppression d'Assad et aux tentatives de détournement de la révolution.
Dans un monde qui tend à ignorer l'histoire récente de la Syrie, et se préoccupe beaucoup plus de son image dans le monde -comme ces barbares de l'âge de pierre, dont la voix est devenue gênante- la vidéo met en évidence l'hypocrisie de la communauté internationale, qui a mis une ligne rouge sur l'utilisation des armes chimiques en laissant tuer 150 000 personnes et en mettant le feu au pays et à la région.
Alors que les échanges géopolitiques insistent sur les aspects militaires et sur la guerre par procuration, il devient plus important que jamais d'écouter la voix de Syriens et les projets populaires. Parmi ces voix, Kafranbel est un symbole puissant d'auto-gestion et de résistance que Syria Untold considère indispensable à une meilleure compréhension de la réalité syrienne.
Ce billet est publié conjointement avec Syria Untold.