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Cet article, écrit par Bruno Fonseca, Jessica Mota, Luiza Bodenmüller et Natalia Viana, a été publié à l'origine le 6 septembre 2013 par Agência Pública, en couverture spéciale #SpyFiles3.
Peu après avoir été informée de l'affaire d'espionnage par la N.S.A. américaine, la présidente Dilma Rousseff a demandé aux ministres Paulo Bernardo (Communications) et José Eduardo Cardozo (Justice) d'inclure dans le Marco Civil da Internet [une charte des droits des internautes brésiliens] un dispositif permettant de suspendre les opérations des entreprises qui coopéreraient avec les systèmes d'espionnage internationaux. “Ce peut être une banque, une entreprise de téléphonie”, a dit le ministre des Communications.
Mais garantir la sécurité des données sensibles peut passer aussi par les entreprises multinationales de la surveillance, une bonne partie de la demande croissante de surveillance pour la Coupe du Monde étant comblée par les géants du secteur – les mêmes entreprises qui fournissent les équipements et logiciels aux polices du monde entier, y compris le gouvernement américain et la N.S.A..
Une grande partie de ces entreprises sont mentionnées dans le récente publication, sur Wikileaks, du projet Spy File 3, une compilation de 249 documents de 92 entreprises, dont des brochures, contrats et métadonnées afférentes à quelques-unes des principales entreprises du secteur. Ils montrent que, dans la perspective des “Grands Evénements”, le Brésil devient une priorité pour l'industrie mondiale de la surveillance.
Le Secrétariat Extraordinaire de Sécurité pour les Grands Evénements (SESGE) investit dans diverses technologies de sécurité publique. Déjà 200 millions de reais [soit 87 millions de dollars américains ou 66 millions d'euros] ont été dépensés en contrats sur le plan national. Et l'industrie des équipements de surveillance s'est assurée de profiter de cette opportunité. Ces dernières années, divers salons commerciaux ont eu lieu dans le pays.
Quand les spécialistes de la surveillance s'unissent
En juillet, à Brasilia, ce fut le tour du ISS World, qui réunit polices, agences de sécurité et analystes des renseignements pour une formation en interception légale, investigation électronique de haute technologie et équipements d'intelligence des réseaux. Financée par les plus importants du secteur, tels que Gamma Group, Hackingteam, Cobhan Surveillance, Hidden Technology, GlimmerGlass et l'entreprise brésilienne Suntech, ce sont leurs directeurs qui ont animés les ateliers.
Quelques cours expliquaient, par exemple, comment utiliser les réseaux sociaux pour les renseignements sur les sources publiques en investigations criminelles, ou comment mieux utiliser Facebook : depuis la sécurité sur Facebook à la rétention de données et à l'interaction avec les forces de sécurité. Une autre formation, dispensée par l'entreprise Group 2000 Netherlands, abordait le fonctionnement de l'interception de données au niveau national, combinée au LBS (Location-based service) – un service de programmation d'ordinateurs qui permet d'inclure la localisation et l'horaire dans un système utilisé. L'entreprise IPS avait pris pour thème les médias sociaux et les messageries web : l'architecture de Big Data pour l'interception massive, en plus d'un cours sur “l'intrusion futée” de réseaux sociaux et messageries web. L'entreprise brésilienne Suntech, qui fait maintenant partie du groupe américain Verint, a financé une journée complète de formation, spécialement focalisée sur l'interception de télécommunications.
En plus de l'ISS, la LAAD, Latin American Aerospace & Defence, le principal salon commercial de sécurité et de défense d'Amérique Latine est organisé au Brésil depuis 1995, avec l'appui des Ministères de la Défense et de la Justice. Ces dernières années, les Grands Evénements sont devenus le principal sujet de ce salon, base pour les grandes affaires du secteur.
En 2011, par exemple, le Ministère de la Défense a annoncé le projet pour un Système Intégré de Surveillance des Frontières (SISFRON), basé sur un réseau de capteurs interconnectés à des systèmes de commande et de contrôle. Les militaires souhaitaient accélérer la construction du système pour la Coupe du Monde et les Jeux Olympiques. Le coût estimé, de 6 à 7 milliards de reais [entre 2,7 et 3,1 milliards de dollars américains ou entre 2 et 2,3 milliards d'euros], a stimulé le marché international. A juste titre : même si la construction du système est remis à une filiale de Embraer, le groupe Saab, de Suède, a divulgué que sa filiale allemande MEDAV va fournir, en tant que sous-traitant, des stations de capteurs stationnaires et mobiles pour le programme, avec la capacité d'enregistrer et d'identifier la direction des fréquences HF, VHF et UHF.
Cette année, plus de 30 000 visiteurs se sont présentés au LAAD, qui a abrité 720 exposants de 65 pays, dont les représentants des ministères de la défense d'Ukraine, du Royaume-Uni, de l'Argentine et de l'Afrique du Sud. En 2014, année de la Coupe du Monde, une version plus réduite, mais tout de même sur la sécurité, est prévue du 8 au 10 avril 2014 au [centre d'exposition] Riocentro.
[Lisez la seconde partie du reportage [en portugais] : IBM au Brésil, la surveillance dans les rues : commandement et contrôle]