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Bangladesh : Nouveau tour de vis sur les technologies de l'Information

Catégories: Bangladesh, Droit, Droits humains, Liberté d'expression, Médias citoyens, Advox
Demonstrators in Dhaka, Bangladesh. Photo by Rajiv Ashrafi, via Flickr. (CC BY-NC-SA 2.0) [1]

Manifestation à Dacca, Bangladesh. Photo de Rajiv Ashrafi, via Flickr. (CC BY-NC-SA 2.0)

Billet d'origine publié le 18 septembre 2013 – Tous les liens associés renvoient à des pages en anglais.

Avec les manifestations qui font rage [2] depuis le début du printemps, la persécution des blogueurs au Bangladesh a atteint son plus haut niveau cette année. Nombreux sont ceux à dire que les blogueurs et les activistes ont été arrêtés et détenus [3] dans des conditions qui sortent des cadres légaux. Mais la loi se remet à jour.

A la fin du mois d'août, le Ministère du Droit a approuvé les amendements apportés à l’Information and Communication Technology (ICT) Act [4] (Loi sur les Technologies de l'Information et de Communication) [pdf] qui renversent les procédures actuelles, augmentent les sanctions pénales en cas de violations des lois et surtout  qui permettent les arrestations arbitraires, sans mandat et les détentions des contrevenants suspectés. Incontestablement, la version originelle de l'ICT Act présentait de nombreux problèmes lorsqu'il parvint à la connaissance des commentateurs en ligne , et les nouveaux amendements ne feront que les exacerber.

Adopté rapidement en 2006 par le gouvernement précédent (dans l'opposition aujourd'hui) lors des dernières semaines de son mandat, la loi concerne différentes formes de piratage, de protection des données, d'interférence avec les systèmes et les matériels informatiques, les “crimes commis à l'aide d'un ordinateur” et  les moyens d'expression spécifiques en ligue. La section 57 de la loi criminalise “la publication d'informations erronées, obscènes ou diffamatoires sous une forme électronique” :

Si de manière délibérée, une personne publie ou transmet ou cause la publication ou la transmission de toute information erronée et obscène sur un site internet ou sous une forme électronique ou si son effet est tel qu'elle provoque la dépravation ou la corruption de personnes qui pourraient lire, voir ou entendre le message contenu ou inclus, compte tenu des circonstances ; ou cause la détérioration ou crée la possibilité de nuire à l'ordre public, de porter atteinte à l'image de l'Etat ou d'une personne ; blesse ou est susceptible de blesser les croyances religieuses ; incite à nuire toute personne ou organisation, alors cette activité sera considérée comme un délit.

Les références qui nuisent à “l'image de l'Etat” et causent la “détérioration” de l'ordre public semblent avoir été montées pour cibler des voix qui critiquent le gouvernement. Sous ces termes vagues, les autorités peuvent facilement accuser tout individu qui élève la voix contre la politique du gouvernement ou qui tente de signaler des actes de corruption de fonctionnaires. Le spécialiste de droit constitutionnel Shahdeen Malik [5] a qualifié de “ridicule” la Section 57 et a déclaré que si elle n'était pas retirée de la loi, cela ramènerait le pays aus “le Moyen Âge”. 

La loi stipule aussi de manière spécifique que les délits commis en ligne seront punis plus sévèrement que ceux commis hors connexion.

Les amendements à cette loi [6], qui ont été apportés fin août par un décret présidentiel (court-circuitant l'approbation par le parlement), l'ont rendue encore plus inquiétante. L'un des amendements accorde aux autorité d'application des lois des pouvoirs illimités contre les accusés, autorisant les policiers enquêteurs à jouer le rôle à la fois du jury et de l'exécutant. Les agents peuvent arrêter un suspect sans mandat [7] ou par n'importe quel moyen d'approbation judiciaire et garder cette personne en détention pour une période indéterminée, sans qu'elle ait droit à une libération sous caution. 

L'autre amendement significatif conduit à ce que les accusés concernés par les sections 54, 56, 57 et 61 (détérioration de systèmes informatiques, piratage, publication de contenu erroné, intrusion) ne puissent ni être libérés sous caution ni faire appel [7]. Une peine minimale de 7 années d'emprisonnement est instaurée pour ces délits, pouvant augmenter jusqu'à un maximum de quatorze années contre 10 antérieurement. Il est intéressant de noter que les sanctions restent identiques pour tout type de crime commis en ligne, allant des délits liés au discours jusqu'aux failles majeures de sécurité.

Ces amendements ont aussi mis la loi en contradiction avec la loi nationale sur le droit à l'information [8]. Adoptée en 2009, cette loi reconnaît la liberté d'expression comme l'un des droits de base des citoyens et encourage les organisations gouvernementales et non-gouvernementales à assurer la transparence et contrôler la corruption. 

En résumé, la nouvelle loi paraît écrite, et désormais peaufinée, pour satisfaire les besoins politiques des gouvernants qui souhaitent garder une large maîtrise sur les voix critiques provenant de la société. Beaucoup craignent que cette loi puisse être utilisée pour emprisonner indéfiniment ceux qui critiquent le pouvoir, sans droit à une mise en liberté sous caution, accordant ainsi le pouvoir absolu aux services d'enquête et laissant les citoyens avec très peu de recours possibles. 

Rezwan a contribué aux recherches pour ce post depuis Dacca.